L’annonce est pourtant passée presqu’inaperçue : à la suite du meurtre d’un policier par des présumés séparatistes basques de l’ETA en Seine-et-Marne le 16 mars (1), ce qui a donné lieu à appel à témoin sur la personne de pompiers catalans en villégiature en France confondus avec les précédents comme membres supposés d’une bande organisée ayant l’intention de nuire à la sûreté de l’Etat, notre Président-de-tous-les-français en campagne partisane pour les régionales a pris une double initiative sécuritaire suspecte : proposer d’une part une peine incompressible automatique de 30 ans pour le meurtre d’agents en charge de l’autorité publique (2), demander d’autre part la saisine systématique de la justice par le ministre de l’intérieur en cas d’insulte ou de manque de respect aux fonctionnaires de police (3).
Si l’on pense au premier abord qu’il s’agit de défendre l’Etat de droit, on se ravise immédiatement quand on envisage les conséquences pratiques qu’auraient de telles mesures si elles étaient réalisées : les citoyens ne seraient plus égaux devant la loi mais certains seraient mieux protégés que d’autres pour de mêmes faits commis à leur encontre ; l’insulte et le manque de respect seraient regardés différemment selon qu’on représente l’ordre public ou qu’on ne le représente pas. Il s’agit ni plus ni moins d’un pas supplémentaire de franchi vers l’Etat policier où les représentants de l’ordre ont tous les droits en devenant insoupçonnables et inattaquables et les citoyens aucun en étant regardés comme de simples criminels en puissance. C’est donc la porte ouverte à tous les abus de pouvoir. Comment, notamment, évaluer le manque de respect pris dans son acception unique ? Le ministre de l’industrie vient de nous en donner un exemple ce soir en étant invité à commenter sur LCI dans l’émission politique de Michel Fields et Romain Hussenot les résultats du deuxième tour (4) : « qu’en pensez-vous, M. Estrosi ? », demande Romain Hussenot. « …M. le Ministre » lui reprend Christian Estrosi qui ne s’abaisse pas pour sa part à appeler son interlocuteur M. le Journaliste mais tient à marquer la distance due à son rang avant d’engager tout débat devant l’opinion.
Le rétablissement du crime de lèse-majesté dans notre arsenal judiciaire est la prochaine étape.
Lincunable, 21 mars 2010
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(2) http://www.rmc.fr/edito/info/105834/nicolas-sarkozy-durcit-le-ton-sur-la-lutte-contre-linsecurite/
(3) http://lci.tf1.fr/france/faits-divers/2010-03/sarkozy-reclame-30-ans-incompressible-contre-les-assassins-5775916.html