Ce matin, en m'apprêtant à m'engouffrer dans la bouche de métro (froid de canard + problème de chauffage d'immeuble pendant tout le week-end), j'ai reçu mon premier tract pour l'élection présidentielle distribué par un militant jovial et sympathique annonçant la couleur : parti socialiste.
La jeune-fille devant moi à qui on le proposait l'a immédiatement chiffonné et jeté dans la première poubelle venue.
Je n'ai pas eu ce manque d'attention. J'ai pris soin de le conserver par devers moi et de le lire installé sur un strapontin dans ma rame habituelle : il s'agit d'une double feuille. La première, demi-format, m'exhorte à être acteur du changement pour m'inscrire sur les listes électorales avant le 31 décembre 2010 en vue de m'exprimer lors des primaires de la gauche en octobre 2011. La deuxième, format A4, m'explique comment procéder : signer un engagement à soutenir les valeurs de la gauche, être inscrit sur les listes électorales de ma commune, verser 1 euro minimum au profit du parti socialiste.
Sympathisant du PS mais non encarté, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée : tout d'abord, je trouve un peu présomptueux de parler des primaires de la gauche alors qu'il s'agit simplement de désigner le futur candidat unique du parti socialiste. Ensuite, n'importe qui peut signer un tel engagement de valeurs qui n'engage à rien. Imaginez tous ces umpistes et frontistes décidant en bloc de participer à la présélection pour influencer un vote de militants. Enfin, je ne vois pas pourquoi je devrais payer pour participer alors que la liberté de vote, chèrement acquise, ne se monnaye pas.
Cette « trouvaille » du PS me paraît donc dangereuse à plus d'un titre, faussant le jeu démocratique normal plutôt que l'étendant. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis avec des caucus où ne s'affrontent que deux partis politiques en un seul tour électoral. Le candidat unique du PS doit relever ici à mon sens de la seule cuisine interne. Quel qu'il soit, il devra porter les valeurs de l'ensemble des courants internes au PS, pas celles des électeurs qui se situent à l'extérieur de lui et qui peuvent d'ailleurs lui être carrément hostiles en le manipulant. La démocratie à la française comprend deux tours : on choisit au premier, on élimine au second.
Lincunable, 22.11.2010