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Billet de blog 25 janvier 2011

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Tout est-il possible ou doit-on changer la vie ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ceci est une lettre à Mesdames et Messieurs les candidat(e)s à la candidature, ou aux primaires, ou aux avant-premières, ou encore aux dernières des premier et second tours des prochaines élections présidentielles.

Cette fois-ci, vous ne vous en tirerez pas comme ça. Nous allons observer vos slogans à la loupe. Vous ne pourrez plus nous raconter n'importe quoi, nous promettre monts et merveilles, nous bercer d'illusions pour vous emparer de nos voix et les jeter au panier une fois élus.

Souvenez-vous :

    • en 2007, Nicolas Sarkozy proclamait sur ses affiches de campagne : « Ensemble, tout devient possible » (1).

    • en 1972, François Mitterrand préfigurait le programme commun de la gauche de 1981 en affirmant pour sa part qu'il fallait : « changer la vie » (2)

Or, en 2011 : tout n'est pas devenu possible malgré la présence aux commandes de Nicolas Sarkozy et toute la vie n'a pas changé malgré la présence aux commandes de François Mitterrand.

Une campagne électorale consiste-t-elle donc à bluffer, à endormir de promesses qu'on sait par avance ne pas pouvoir tenir (démagogie) ou à exposer des programmes d'action différents mais pour atteindre des objectifs réalisables (démocratie) ?

Prenons le premier slogan, par exemple :

Supposons que nous nous entendions tous pour retrousser les manches en même temps en allant dans la même direction. Tout deviendrait-il pour autant possible ? Il y a tout d'abord une ambiguité de fond dans ce « tout » : est-ce à dire qu'ensemble nous pourrons faire chacune des actions que nous ne pouvons pas faire séparément (omnis en latin) ou qu'ensemble nous pourrons faire la totalité de ce qu'il est possible de faire (totus en latin) ? Comme si la totalité de quelque chose était envisageable pour un esprit humain, comme s'il n'y avait pas toujours quelque chose qui échappait même au plus totalitaire des totalitaristes...Est-ce à dire aussi que ce qui est possible est ce dont on est capable (I can en anglais) ou de ce pour lequel on a la permission de le faire (I may). Comme si ensemble il n'y aurait plus d'interdits...Cette ambiguité volontaire nous leurre.

Prenons alors le deuxième slogan :

réaliser un rêve peut parfois se produire, mais généralement c'est très exceptionnel, cela n'arrive qu'une à deux fois dans sa vie : rencontrer l'homme ou la femme qu'on aime, tirer le gros lot à la loterie, faire fortune à partir de pas grand chose, etc...et encore, même dans ces cas extrêmes on ne change pas notre vie toute entière. On peut changer à la rigueur certaines conditions de la vie mais pas toutes, certains trains de vie mais pas tous : croître et décroître, manger et se déplacer, naître, grandir et mourir, voilà la vie que Mitterrand ne pouvait pas de toute façon changer, n'étant pas Dieu ni la science ni l'art ni la technique. On ne peut pas changer sa nature profonde, on ne peut qu'apprendre à vivre avec.

Avec de tels slogans que certains n'hésitent pas à prendre au pied de la lettre, rien d'étonnant à ce qu'il y ait des déçus permanents, des gens qui s'estiment bernés par les politiques, des rancuniers prêts à tout pour se venger même à voter Le Pen : « tous des voleurs, tous des menteurs ».

Les changements en politique peuvent être certes plus ou moins grands mais ils seront toujours infimes par rapport au désir de changement attendu car la réalité est un frein à nos désirs qui sont eux-mêmes freinés par les désirs des autres.

Tout programme qui ne posera pas les limites de ses propres propositions ne peut donc pas être crédible à nos yeux car nous n'attendons pas tout d'un changement politique.

Lincunable, 25.01.2011

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(1) http://francaisdeletranger.sarkozy.fr/

(2) http://www.mitterrand.org/Changer-la-vie.html

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