Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais en entendant l’autre jour Eric Besson se féliciter de la reconquête de l’Etat de droit grâce à la chasse aux aborigènes afghans vivant reclus dans la jungle de Calais aux portes des villes en attendant de pouvoir gagner la Manche à défaut de la partie (1), je me suis demandé si c’était vraiment la démocratie et les droits de l’homme qui motivaient notre présence en Afghanistan.
Et bien j’ai eu le même sentiment l’autre jour en entendant Frédéric Mitterrand prendre fait et cause pour la libération de Roman Polanski croupissant "injustement" dans des geôles helvétiques, alors qu’il était «citoyen français et cinéaste de dimension internationale » (2). En somme, si l’on n’est rien (sans papier, sans identité), on n’a droit à rien et l’on peut être raccompagné de force par charter pour être à l’arrivée légalement maltraité, torturé ou assassiné, le cas échéant, alors que si l’on est tout (célèbre et notable) on est au-dessus de tout et on n'a de compte à rendre à personne, ni au fisc, ni à la justice. Ainsi de Michel Polnareff parti refaire sa vie en Amérique pour éviter d’avoir à régler ses comptes avec le fisc français, ainsi de Roman Polanski parti refaire sa vie en France pour éviter d’avoir à régler ses comptes avec la justice américaine.
Que des hommes pareils puissent être inquiétés comme de simples citoyens ordinaires, c’est tout simplement « épouvantable » selon le mot de notre super ministre de la culture, grand amateur de têtes couronnées (2), et relayé par son collègue Bernard Kouchner encore plus ému que lui par cette intolérable arrestation : « Un homme d'un tel talent, reconnu dans le monde entier, reconnu surtout dans le pays qui l'arrête, tout ça n'est pas sympathique » (3). C’est ainsi l’esprit de notoriété qui se substitue à l’esprit de justice, nouvelle illustration de la jurisprudence Sarkozy, irresponsable pénal qui passe son temps à traîner en justice ses concitoyens. On ne peut que regretter la pétition qui circule pour sa libération au nom de l’art et non au nom de la justice en recueillant la signature de grands noms du cinéma et du spectacle. Mais on ne peut que se féliciter de la réaction salutaire de Daniel Cohn-Bendit (4).Lincunable, 29 septembre 2009
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(1) http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jNhJzpAQ_mLkgdPtH66VniQYdfrg (2) http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jWHU4HmeesUCUl33It-app1IEdHA (4) http://www.liberation.fr/culture/0101594040-cohn-bendit-critique-la-position-de-frederic-mitterrand-sur-polanski