Le fascisme a pour origine un mot italien, « fascio », qui signifie « faisceau », symbole de l’autorité des licteurs dans la Rome antique et que s’approprie un groupe para-militaire au lendemain de la première guerre mondiale pour faire entendre la voix des anciens combattants frustrés de ne pas pouvoir jouir d’extensions territoriales qu’ils estiment dues à leur qualité non reconnue de vainqueurs. Reconvertis dans la vie civile mais confrontés à l’agitation sociale, ils se mettent alors au service du grand patronat pour terroriser les ouvriers et se muent en mouvement politique doté d’une doctrine et d’une organisation propres avec pour devise : « croire, obéir, combattre ».
Cette doctrine repose sur un certain nombre d’idées :
- la nation est bafouée, les valeurs ancestrales sont en danger.
- la démocratie est un leurre, seul un régime autoritaire peut apporter la révolution nationale qui fera émerger un homme nouveau.
- l’individu n’est rien, la collectivité est tout.
- Le chef décide, le peuple exécute.
Après une vaste imprégnation de la société en surfant sur le solidarisme et sur le populisme qui renvoient dos à dos la gauche et la droite, ils accèdent au pouvoir par la violence (marche sur Rome en 1922) et font des émules dans toute l’Europe à la faveur de la grande dépression économique : Garde de Fer en Roumanie en 1929, Ligues patriotes en France en 1930, Chemises Vertes au Portugal en 1932, Nazisme en 1933 en Allemagne, Phalange en Espagne en 1936, rexisme en Belgique en 1936. Les mouvements qui ne parviennent pas au pouvoir comme en France et en Belgique sont installés par l’occupant à partir de 1940 (cf. pétainisme). Il existe, certes, des variantes idéologiques entre tous ces régimes : certains doivent leur arrivée au pouvoir grâce à un coup d’Etat civil et non militaire comme au Portugal, d’autres font de l’antisémitisme et du racisme un fondement idéologique comme en Allemagne.
Voilà pour le décor.
Si l’on veut maintenant comprendre comment on en est arrivé là, il faut aller plus loin, en se reportant par exemple à la thèse de Zeev Sternhell : la France est pour lui le vrai berceau du fascisme à cause de la rencontre bien avant la première guerre mondiale du nationalisme anti-républicain et du populisme d’action de masse qui séduisent aussi bien à droite qu’à gauche (2).
Contrairement aux thèses classiques qui considèrent qu’il n’y a jamais eu de grand mouvement fasciste en France, Zeev Sternhell insiste sur les réponses socio-économiques à la crise préconisées par les fascimes face aux échecs des politiques démocratiques et sur la violence idéologique qui traverse la société française pendant plus d’un siècle : antiparlementarisme, antisémitisme, antidroitdel’hommisme.
On se demande à sa lecture, si la démocratie dans laquelle nous croyons être installés n’est pas somme toute fragile et si les vieux démons qu’on croyait disparus n’attendent pas la première occasion pour réapparaître.
Lincunable, 30 juillet 2009
__________
(1) J’emprunte ce titre à un article de Gabriel Maissin paru dans Politique n° 40, juin 2005, consacré à l’historien Zeev Sternhell. (2) Zeev Sternhell, « Ni droite ni gauche, l’idéologie fasciste en France », éd. du Seuil, 1983.