Avec la modestie qui le caractérise, Nicolas Sarkozy s’est proclamé l’autre jour arbitre national du conflit social qu’il a lui-même déclenché et dont il est partie prenante en en désignant d’ores et déjà le vainqueur au nom de tous : la Sécurité Sociale (1).
Pourtant, et comme l’a fort bien souligné sur Médiapart Pascal Maillard (2), le match est loin d’être terminé. On pourrait même dire que les syndicats ont prouvé à cette occasion comme jamais leur capacité à mobiliser en grand nombre et sur la durée (5 mois depuis le 29 mai) sans s’aliéner l’appui de la population, même si les journées de protestation étaient très espacées dans le temps et s’il aurait peut-être mieux valu les grouper. L’histoire nous dira d’ailleurs si le refus de la grève générale n’a pas été une erreur, le seul moyen pour venir à bout de l’autisme du pouvoir ayant sans doute été de bloquer un temps l’activité économique du pays en inquiétant le patronat sur les conséquences de la non prise en compte du facteur social dans le développement global de l‘entreprise. Car une telle occasion de faire entendre la voix de la rue ne se représentera probablement pas avant longtemps par lassitude et absence de résultats pour un investissement physique de salariés qui ne sera pas sans conséquence sur les feuilles de paye.
Quand je dis « les syndicats ont prouvé », je devrais plutôt dire « la CGT a prouvé ». En effet, une des leçons à tirer de ces journées a été l’implication constante et l’efficacité à toute épreuve de l’organisation de Bernard Thibaud, tant sur les lieux de travail que dans les cortèges pour faire connaître les mots d’ordre de l’intersyndicale ou fournir matériels et slogans au point qu’on se demandait souvent où se trouvaient les autres formations rendues invisibles dans la foule compacte : CFDT, FO, SGEN, SNESUP, SUD, etc, si l’on excepte le premier rang des manifestants où la tête de François Chérèque dépassait toutes les autres.
Ainsi, n’étant pour ma part affilié à aucune organisation politique ou syndicale et m’étant toujours refusé à faire la promotion de la CGT, je me suis surpris au fil des cortèges à manifester dans ses rangs, portant ses autocollants et même ses drapeaux, par défaut, plutôt que par conviction.
Nous voici donc retournés à la case départ tracée par Samuel Beckett, non pour « Fin de partie », dans une pièce où la fin serait annoncée dès les premiers mots, mais pour « En attendant Godot », là où les pieds jouent, certes, un rôle prépondérant, mais où le personnage tant attendu de la pièce ne vient pas, même à l’horizon 2012.
Lincunable, 31 octobre 2010
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