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Billet de blog 26 juin 2025

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Kanaky Nouvelle-Calédonie : l'invitation macronienne, une nouvelle entourloupe ?

Le Président Macron a invité nos responsables politiques à « un sommet », « sous ma présidence », « avec le ministre d’État », « à partir du 2 juillet », avertissant que « nos échanges dureront le temps nécessaire ». Le contexte de cette invitation est hautement suspect. 

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Il en esquisse à peine les contours : « Au-delà des sujets institutionnels qui sont majeurs je souhaite que nos échanges puissent également porter sur les enjeux économiques et sociétaux ». 

Et il précise son point de départ : « Le processus issu de l'accord de Nouméa prévoyait l'organisation de trois consultations et une fois celles-ci réalisées que les partenaires de l'accord se réuniraient pour examiner la situation ainsi créée ».

Le contexte de cette invitation est déjà hautement suspect. Elle intervient après que M. Valls, en charge du dossier calédonien, ait proposé un projet complexe d’indépendance (en fait factice) dans la France (!) lors du conclave de Déva en Calédonie début mai.

Le seul terme « indépendance », pourtant dénué de réalité concrète, a poussé nos responsables Pacifikaners locaux (LR & Loyalistes), minoritaires et à tendance zémourienne mais faisant allégeance prudemment au Président, à le solliciter pour contrecarrer le Ministre Valls. Chose aussitôt faite par cette reprise en main. Il est donc assez probable que M. Macron essayera d’aboutir à un accord en deçà de la proposition de son ministre d’État.

Le point de départ du Président est tout aussi problématique : la 3e consultation de 2021 aurait selon M. Macron produit un résultat indiscutable contre l’indépendance.

Pourtant, il n’y a eu que 41 % du corps électoral à dire Non, et le peuple autochtone premier concerné a refusé d’y participé suite aux tricheries flagrantes de l’État pour contrecarrer un Oui probable à la date initiale prévue de 2022.

Pourtant encore, il s’agissait d’un scrutin ou la France « puissance administrante » du « territoire non autonome » de la Nouvelle-Calédonie, inscrit donc par l’ONU sur sa liste résiduelle de 17 territoires à décoloniser (sur 72 en 1946), était censée solliciter prioritairement l’avis éclairé du peuple colonial, dit aussi peuple dépendant par l’ONU.

Et Surtout l’ONU affirme à ses AG chaque année depuis ce scrutin qu’il faut refaire une consultation dans ses normes, respecter l’ADN et ses règles de non retour, poursuivre les transferts non opérés, et… que l’on reste inscrit sur sa liste.

La Commission des Droits de l’Homme 2024 de l’ONU a aussi estimé que les droits du peuple autochtone n’avaient pas été respectés. De même les 18 pays du Pacifique (FIP) ont dénoncé dès leur AG 2022 une consultation non représentative.

Et si M. Valls a pu décider le FLNKS à revenir à la table des discussions après l’insurrection, c’est qu’il a contredit la doxa présidentielle pour les décider, en reconnaissant que l’ADN interdisait tout retour en arrière dans la progression vers l’indépendance, ce que tentait de faire M. Macron depuis 3 ans, et a même enfin admis que « Il ne peut pas y avoir de référendum sans les Kanak » (LCI 6/06/2025).

Deux sujets de débat esquissés par le président posent aussi question

L’économie : cette compétence a été transférée à la Calédonie. M. Macron a-t-il demandé aux invités leur accord à débattre le sujet ? L’État a cyniquement coulé le pays économiquement par deux fois, pour le ficeler et faire pression :


- par un prêt abusif de 175 millions d’euros pour le Covid, sous prétexte que nous avions la compétence sanitaire, alors qu’il s’agissait d’une catastrophe naturelle et que d’autres collectivités avaient bénéficié de subventions.
- par un prêt assomoir de 1 milliard d’euros que nous avons dû avaliser, pris à la gorge après l’insurrection, alors que la France est doublement responsable de ces faits : à la fois car le maintien de l’ordre reste de sa compétence et a pour le moins failli, et parce qu’elle est grandement responsable de l’exaspération Kanak par ses abus de pouvoir et tricheries récurrentes. L’État met maintenant en jeu un accord qui lui irait et la transformation de ces dettes en subventions !

Le sociétal : également de compétence locale. Mais l’État s’y insinue cyniquement en imposant des clauses de révisions fiscales aux prêts qu’il octroie ! En soi, l’idée pourrait séduire dans notre pays où, depuis toujours, l’économie de comptoir domine et le social est aux oubliettes, entrainant des inégalités de revenus au double de celles de la France (indice de Gini à 8). Mais les réformes exigées sont ultra libérales et… prélèvent sur les plus démunis pour donner aux entreprises !

S’ajoute sur ces deux questions la tendance étatique récurrente de minoriser les voix indépendantistes en sollicitant l’opinion de la « société civile ». Car elle inclut bien sûr tout résident, citoyen ou non votant localement. C’est ainsi que M. Macron convoque à Paris divers acteurs puissants et farouchement opposés à l’indépendance, tels le MEDEF ou la CCI.

Pour finir, le projet Valls est lui même plus que problématique. Et il va de plus être probablement revu à la baisse !

Car il enfreint une règle capitale : s’il semble au prime abord acceptable en proposant un transfert des compétences souveraines (justice, monnaie, ordre, …) au pays, suivi immédiatement du transfert de leur exercice concret à la France, il ajoute qu’un exercice concret ultérieur par le pays « souverain » de ces compétences ne serait possible que sur accord double du parlement du pays … et du parlement français ! Autant dire qu’il n’y a plus là aucune souveraineté du pays. Cette tactique est d’ailleurs connue de l’ONU qui a pris la précaution de la proscrire dès 1960 dans sa résolution 1541, principe VII : « a) (…) conserver aux populations du territoire qui s’associe à un Etat indépendant la liberté de modifier le statut de ce territoire en exprimant leur volonté par des moyens démocratiques et selon des méthodes constitutionnelles.

En conclusion, il est suggéré aux non initiés de lire attentivement l’ADN

Car contrairement aux légendes répandues il dépasse largement une simple idée de décolonisation (terme écrit une fois) et en a déjà choisi la trajectoire vers la pleine souveraineté (terme écrit 7 fois) progressivement, tous ensemble dans « un destin commun » (terme écrit 3 fois). Mieux, « L'Etat reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une complète émancipation » et d’ailleurs « La France est prête à accompagner la Nouvelle- Calédonie dans cette voie ».  

Sauf que les médias, y compris d’État, se sont coalisés contre, que M. Macron lui-même est venu en 2018 lancer la campagne du Non à la 1re consultation, que les Pacifikaners n’ont cessé de mentir sur le corps électoral figé, sur l’ONU qui aurait acquiescé à la 3e consultation, de tricher en empêchant une partie des transferts par des trucages juridiques, etc.

Et que du coup il nous semble très probable que si Etat et Pacifikaners avaient honoré leur signature, nous serions libres, ensemble, depuis probablement 2018, avec une belle économie, et certainement amis de la France.

Dans ce contexte, l’État semble ne pas avoir conscience, et bien des français, de ce que fut l'insurrection de mai 2024.

Le mois précédent, deux manifestations pacifiques d’alerte avaient rassemblé 1/6 du peuple Kanak (20 000 personnes), ce qui ferait 11 millions de manifestants à Paris. Toute une journée les deux fois. Puis l’insurrection a réuni 12 000 insurgés selon notre Haut Commissaire, soit 10 % des Kanak, ce qui ferait 6,7 millions de français révoltés pendant plusieurs mois.

Depuis des années, les sondages montrent 2/3 des Français favorables à notre indépendance. Que feront leurs élus ?

Je terminerai par quelques sages propos de M. Christnacht, principal rédacteur de l’ADN en commission parlementaire (6/02/2025) :

« réduire à des causes sociales serait aussi une erreur d'analyse je crois, il me semble que le sentiment identitaire est la cause première ». Et puis : « il n'y a pas d'unanimité indépendantiste sur l'usage de la violence, mais il y aura toujours solidarité ». Et encore : « sans horizon de pleine souveraineté, mais pas un horizon qui se déplace au fur et à mesure qu'on  s'en rapproche, sans horizon de pleine souveraineté, ça ne fonctionnera pas avec la jeunesse Kanak et les jeunes qui ont 20 ans aujourd'hui, ils n'attendront pas deux générations, c'est-à-dire d'avoir 70 ans pour voir une forme d'indépendance mettre fin à la prise de possession ».

Ils attendent eux aussi impatiemment et suivent les débats.

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