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Billet de blog 29 septembre 2025

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KANAKY NOUVELLE-CALÉDONIE : BOUGIVAL, LE CHAOS ASSURÉ...

Tout observateur sensé qui connaît le pays en est effaré : le pseudo accord de Bougival1 déclenchera une nouvelle insurrection ou des guérillas, à tout le moins un chaos politique et social. Ce sera lors d’un des votes pour sa loi constitutionnelle ou sa loi organique ; ou, si jamais ça « passe » à ces moments là, ce sera ensuite, lors des péripéties de son application. Pour bien des raisons.

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LA PLUPART DES STRUCTURES KANAK Y SONT TRÈS OPPOSÉES

- Syndicales : ce sont les importants syndicats CNTP et USTKE, chacun bien structuré.
- Religieuses : c’est le mouvement le plus puissant, l’Église Protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie.
- Politiques : ce sont les partis du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste), l’Union Calédonienne, le plus structuré et puissant, le Rassemblement Démocratique Océanien, le Mouvement Océanien Indépendantiste, le Parti Travailliste, la Dynamique Autochtone, la Dynamique Unitaire Sud ; ou hors FLNKS, le Mouvement Nationaliste Indépendantiste et Souverainiste, etc.
- Coutumières : ce sont les deux grandes forces de la coutume kanak, le Sénat Coutumier et le Conseil National des Grands Chefs Inaat Ne Kanaky.

LE FLNKS AVAIT DÉJÀ ÉTÉ DÉBORDÉ LE 13 MAI 2024

Il n’avait donné, pour le 13 mai 2024, que le mot d’ordre de bloquer pacifiquement le pays via la cellule de coordination CCAT, mais l’accumulation des « exactions » de l’État avait déclenché une insurrection durant des mois à la perspective, surtout, de la noyade démographique kanak via la révision du corps électoral alors votée en France.
Or
avec Bougival s’ajoute un renforcement des moyens politiques, économiques et sociaux octroyés à la droite radicale par l’État pour établir son projet de développement néocolonial d’un « Sud Blanc », en train déjà de s’organiser.

Avec en « compensation » pour les indépendantistes des mots dépourvus de réalité concrète, « Etat de la NC » et « Nationalité NC » … les deux dans la France et quasiment sans compétence « régalienne » ; des espoirs illusoires aussi, de transferts au pays de ces compétences clé, en fait verrouillés à 3 niveaux :
- il faudra réunir 64 % de notre assemblée délibérante pour seulement obtenir la permission de les demander ;
- puis une commission d’examen de faisabilité multi-critères comprenant l’État français validera ou non ;
- et enfin une consultation populaire des « nationaux calédoniens »,  se tiendra, avec donc le nouveau corps électoral « dégelé », sachant que les Kanak ne forment déjà que 49 % du corps électoral figé.

L’INSURRECTION ÉTAIT POPULAIRE ET CE PEUPLE EST TOUJOURS LÀ

Les insurgés du 13 mai 2024, 10 à 12 000 selon le Haussaire (super Préfet local), firent face pendant des mois à 7 000 forces de l’ordre, ont eu au moins 12 des leurs assassinés par balle (âge moyen 31 ans), 243 emprisonnés (âge moyen 35 ans2) et le double de « mesures alternatives », bracelets ou travaux d’intérêt général. Ils ont subi 2 530 gardes à vue3 sans compter les nombreux blessés, tabassages et humiliations. Et ils n’oublient pas. « Les 10 à 12 000 émeutiers ? Ils sont toujours là ! » confiait le 31/01/2025 notre Haussaire d’extrême droite Louis Le Franc sur la radio colonialiste RRB.

Pour le lecteur métropolitain peu impressionné par ces « petits » chiffres, voici la transcription de ce que cela aurait donné dans l’Hexagone, 250 fois plus peuplé : 2,5 millions d’insurgés face à 1,75 millions de forces de l’ordre, 3 000 insurgés assassinés par balle et 250 gendarmes, 60 750 emprisonnés et 120 000 en mesures alternatives, 630 000 gardés à vue. Plus de 300 milliards d’euros de dégâts, en incendies d’entreprises essentiellement.

BOUGIVAL EST UN TEXTE COLONIAL FACTEUR DE RÉVOLTES

Bougival est un brouillon flou et complexe4 bien que court (1 500 mots quand l’ADN -Accord de Nouméa5-, autrement plus clair et précis, en compte 6 000). C’est une médiocrité sémantique, organisationnelle, voire juridique :
- Il n’est qu’un pseudo accord, le premier largement non consensuel, tenu à bout de bras via une arnaque sur le sens de ses termes et sur ce qu’impliquait d’en signer le brouillon pour les délégués FLNKS (l’État savait pertinemment qu’ils n’avaient pas de mandat de validation). Arnaque via un odieux chantage économique aussi, les « aides » Covid puis Insurrection étant en fait des prêts (1.4 Milliard d'euros) à fort taux d’intérêt ... transformables « le cas échéant » en subventions !
- Il comporte une modification constitutionnelle6 prévue pour « l’automne » (eurocentrisme, nous sommes, nous, au printemps !), qui ment en affirmant que l’ADN sera conservé car il stipule en même temps que « Les dispositions de l’Accord de Nouméa qui ne sont pas contraires au présent accord demeurent en vigueur », alors que l’ADN exige une légalité inverse où rien ne lui serait contraire, à lui.
- Il comporte la rédaction d’une « Loi Organique spéciale » (qualificatif de mauvais goût) toute puissante car elle explicitera le texte constitutionnel flou, et dangereuse car elle sera rédigée par l’État, ne dépendra que du parlement français, et ne sera connue et votée qu’après le vote populaire sur Bougival.
- Il comporte une « loi fondamentale » de la Calédonie, ersatz de constitution locale qui a surtout des compétences d’apparat, contrôlées de plus par la France, et dont les décisions importantes seront souvent bloquées car il faudra une majorité des 3/5e.
- Il octroie un avantage majeur à la province Sud (PS) en lui augmentant de 5 (32 à 37) le nombre de sièges au Congrès, en enlève 1 (15 à 14) à la province Nord (PN), et 2 (7 à 5) à la province Iles (PI), au prétexte que l’augmentation démographique créerait un déséquilibre grave7, ce qui s’avère faux : le recensement 2025 vient d’être publié et donne  une baisse de population en PS de 4 % entre 2019 et 2025, contre une augmentation de 2,1 % en PN et 1,7 % en PI !
- Il est rejeté aussi car le terme Kanak, écrit 34 fois dans l’ADN ne l’est plus que 2 dans Bougival, et encore, en rappel du passé. De plus apparaît l’expression « peuple calédonien », notamment à propos de son… autodétermination. Le mot « calédonien » devient la norme, 40 fois écrit : le peuple kanak autochtone n’y est plus qu’une simple composante.

BOUGIVAL EST UNE TRAHISON DE L’ADN ET DE L’ONU

LADN avait été « gravé dans le marbre de la Constitution » justement pour éviter un tel scénario !
La France s’y engageait clairement : « L’État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une complète émancipation ». Ou encore : « La France est prête à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie. »
- Censée
donc « accompagner » le pays vers sa pleine souveraineté, la France n’a en fait eu de cesse de la combattre.
- Les consultations étaient censées être honnêtes, mais la propagande gouvernementale et les manipulations les ont décrédibilisées, voire en ont inversé les résultats. Bougival en est le prolongement :
- Bougival est un début de partition et donc un détournement de l’ADN qui prescrit « Le résultat de cette consultation s'appliquera globalement pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie » . Or Bougival confère aux provinces, et non plus au pays des compétences de police et la compétence fiscale, octroyant de fait un pouvoir exorbitant et clivant à la province Sud qui concentre les entreprises, institutions, port, aéroport... Province qui avait voté contre l’indépendance, quand les autres avaient voté pour.

-
Bougival contrevient au droit international de l’ONU car la France, « puissance administrante » de notre pays inscrit sur sa liste des territoires à décoloniser ne devait pas même laisser venir des immigrants qui faussent le rapport numérique des populations8 au détriment du peuple autochtone. Or Bongival inclut l’obligation d’une réforme électorale qui favorise la colonisation en rendant « glissant » le corps électoral local, qui est figé aux arrivants avant l’ADN soit 1998 : les allochtones pourront bientôt voter à nos élections provinciales décidant du sort du pays dès 10 ans de présence (5 ans pour les mariés/pacsés avec des calédoniens !).

Cette réforme n’a rien d’obligatoire en droit interne français non plus ; le Conseil Constitutionnel vient de trancher sur le bluff de l’État et de l’extrême droite locale ce 19/09/20259, et ses débats et conclusions sont particulièrement éloquents :
a) l’Accord de Nouméa est confirmé être toujours en vigueur ;
b) Le corps électoral figé10 est confirmé être parfaitement légal ;
c) le modifier n’a aucune urgence : le représentant du 1er ministre lui-même y a affirmé que la possibilité qu’il devienne par trop dérogatoire avec le temps n’est pas à craindre : « Cet horizon est encore lointain et il ne devrait pas advenir » ;
d) Bougival est mort selon l’avocat de la contestation qui avait imprudemment menacé le Conseil dans sa plaidoirie : « l'absence de déclaration d'inconstitutionnalité nette du gel du corps électoral condamnerait Bougival à mort » !
Le suivi des débats fut encore savoureux quand le conseiller constitutionnel Seners questionna ironiquement l’avocat, en prélude au verdict, sur le sens d’une phrase de l’ADN : « Tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée [...], l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur... » . Sachant que l’ADN propose la « pleine souveraineté », terme écrit 8 fois dans ce texte de 8 pages.
M. Seners aurait pu poursuivre sa citation, car la suite de la phrase est instructive : à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette "irréversibilité" étant constitutionnellement garantie. On est loin de Bougival.

LA PAIX VIENDRA PAR LA SOUVERAINETÉ, ENSEMBLE ET ACCOMPAGNÉS

Bougival n’est donc que l’aboutissement d’un multi-bluff de l’État, associé aux colonialistes locaux, sur des thèmes faux martelés depuis des années, au point que même certains indépendantistes y croient. En voici quelques uns :
- L’ADN serait caduque suite aux consultations, il est urgent de le remplacer.
- Le corps électoral figé serait illégal et procéder aux provinciales sans le rendre glissant conduirait à des recours qui annuleraient le scrutin.
- La province Sud serait plombée financièrement par l’accroissement de sa population à cause des répartitions budgétaires figées par l’ADN.

La réalité est que l’ADN, étape « transitoire » vers l’indépendance, prévoit une suite au jalon des consultations, tout comme l’ONU : trouver une solution pour aboutir à la pleine souveraineté autrement, ce que demande aussi le FLNKS.
Les manœuvres de l’État sont colonialistes,
et Bougival vise à verrouiller la situation coloniale actuelle, via le renforcement du bloc d’extrême droite du Sud (par l’augmentation de leur représentation, de leurs pouvoirs, et de la population allogène votante) ; via aussi le retrait de notre inscription sur la liste des pays à décoloniser de l’ONU en faisant croire que le peuple kanak, approuvant cet accord, sort du champ des pays à décoloniser ; via encore une pérennité avouée de Bougival et sa non mention d’un quelconque référendum possible sur l’indépendance dans le futur.

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Notes et sources :

1 Étrangement paru au JORF in extremis (et sans noms de signataires ni signatures !) alors que désavoué par tous ceux cités en début de cet article. Lien JORF :
https://www.lindependant-knc.com/medias/files/jorf-accord-bougival-20250906.pdf

2 Les âges sont cités pour démonter la propagande faisant croire à des actions de mineurs paumés, saouls ou drogués.

3 Chiffres judiciaires du procureur Yves Dupas, au micro de RRB le 7/01/2025.

4 Voir notre dossier d’analyse : https://www.lindependant-knc.com/medias/files/projet-accord-bougival-analyse..pdf

5 https://www.lindependant-knc.com/medias/files/accord-nea-annote-lt.pdf (points clé surlignés par lindependant-knc)

6 https://www.lindependant-knc.com/medias/files/projet-loi-constitutionelle-bougival.pdf

7 Mme Backès a prétendu plusieurs fois qu’il fallait 2 fois plus d’électeurs pour un élu de PS qu’en PN ou PI. Un calcul simple (total électeurs d’une province / son nbre de sièges congrès) montre que l’écart a été de 8 % maximum.

8 Résolutions 2105 (XX) du 29/12/1965 et 35/118 du 10/12/1980

9 L’association nouméenne « Un cœur une voix » dirigée par l’ex-militaire M. Romano, directeur de cabinet de Mme Backès, présidente d’extrême droite de la province Sud, a déposé une QPC, question prioritaire de constitutionnalité, estimant que le corps électoral provincial calédonien doit être « dégelé » et que l’Accord de Nouméa est caduc. Décision du CC et script des débats : https://www.lindependant-knc.com/medias/files/cc-decis.-19-09-2025-script.pdf
Son avocat ment dans sa plaidoirie en chiffrant à 43 000 les « exclus » du corps électoral, alors qu’au 5/11/2021 le
différentiel entre la liste générale (220 279) et locale (185 004) était de 35 000 non-votants. Or ce chiffre baisse depuis lors, avec 3 200 départs en 2022 (ISEE) et bien plus encore ensuite. En projection il resterait au maximum 20 000 non-votants sur le corps figé en 2026.

10 A noter que le FLNKS a accepté dès le Comité des Signataires 2016 par conciliation et compréhension, de ne plus faire de recours contentieux aux natifs sans parents citoyens qui s’inscrivent, se disant d’accord pour une modification de la Loi Organique corrigeant aussi le terme « parents » maladroit en « ascendants » de la LO actuelle (art 188), que les colonialistes interprètent strictement à dessein pour dire qu’il faut tout changer ! Modification non opérée pourtant à ce jour !

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