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Billet de blog 15 avril 2022

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Gueule de Bois...

Sous le choc de la déroute élective naît un sentiment de gueule de bois électorale et la conscience d'un état d'urgence démocratique. Que faire?

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Je ne sais comment dire. Disons que je cherche mes mots. Comme si ceux-ci avaient perdu de leur consistance.

Et la peur me revient.

J'ai voulu, comme tant d'autres, y croire. Sans trop y croire.

J'ai cherché à convaincre certains d'un barrage social au premier tour. Pour éviter ça...

Mais les vents contraires ont eu raison de nos espoirs. Comme s'il nous fallait encore prendre un coup sur la tête. Un de plus. Celui là, qui me semble nous ancrer encore plus violemment dans la statique morbide d'un réel brun. Dans une sombre corrélation d'enjeux finissant par faire système.

La noirceur aux esprits avait fait son chemin, à mesure des violences subies, policières et institutionnelles, des lois scélérates, des actes de guerre, du mépris de classe, des atteintes aux droits fondamentaux, de la grande braderie de nos outils stratégiques publiques, des passes droits aux parvenus et des coup-bas aux ayant-droits... Ceux qui subissent, celles qui résistent, ceux qui se battent à corps et à cris le savent. Au fil des dernières décennies, tant certains s'émancipaient politiquement dans l'avènement d'une élite affairiste et court-termiste, tant notre mémoire collective s'est amoindrie. Non pas que la mémoire ait disparue, ni que les luttes se sont évanouies. Mais force est de reconnaître que nous perdions du terrain. Que nous nous épuisions face à ce léviathan sans retenue. Tout légitimes que nous soyons. Tant nombreux que nous nous montrions.

A mesure des joutes de pouvoirs enfarinés, de lobbying sans vergogne, d’esbroufes mégalomaniaques, ceux là ont fini par s’immiscer dans nos vies. A faire de leur planning le baromètre de nos réflexions. A force de subir, pour ne pas lâcher. Mais la corde est usée et l'ascenseur vendu. L'état de droit bafoué et le marasme cynique des puissants ruisselle sur nos vies, inonde nos foyers et nous sépare de nos voisins.

Brèche sur les communautés, austérité sur les genres et entorse aux générations : incriminer les autres pour masquer leurs magouilles, les cercles sont obscurs et leurs effets palpables. Au fil des jours. Les queues qui s'allongent pour un colis alimentaire, les attaques incessantes dressant les temples dos à dos. La laïcité pervertie comme étendard brun, salie d'une morale de classe, méprisante et indigne. L'évasion optimisée pour les uns, la séquestration renforcée pour les autres. Surveiller et Punir, et leurs méthodes dans les arcanes de l’œil du pouvoir. Panoptique.

Certains arrivent encore à trouver des excuses, ces laquets d'un juste milieu en dérive à tribord, vers un naufrage incertain pour le peuple, certifié par les forces en présence.

Toujours pas de place pour les faibles. Et ça use.

Pourtant, ils hurlent, elles gueulent, iels disent. Pour elles même, sans autre soucis que d'ouvrir un peu plus les champs d'une tolérance au choix des autres, de l'affirmation d'une absence de droits sur la vie d'un autre, dans l'intègre limite d'un respect légitime et réciproque. Un pacte de non agression, en quelque sorte. Parce qu'on ne peut se vouloir libre sans libérer l'autre dans ses choix. Alors que faire quand le choix de l’autre est de ne pas nous le laisser ?

Le combat lui, fait rage. Idéologiquement, nombreux sont ceux qui succombent à cadenasser les perspectives émancipatrices de leurs contemporains. Sans que nous ne puissions réellement comprendre l'enjeu de cette emprise forcée, de cette domination qui s'impose. Prédatrice. Elle est la lèpre de nos temps, et porte ses flots de malheurs invisibles...

A quoi bon?

La fierté mal placée est l'idylle des tordus. Leur égo se gonfle aux vents mauvais de leur bêtise. Ils se croient légitimes et respectés, ils sont arrivés là par une quelconque filiation et sont craints en vérité. Le savent-ils? En tout cas, ils s'en nourrissent.

Alors, pour apaiser ma colère, pour reprendre un souffle coupé à l'ignominie langagière, je me rappelle au réel. A mon réel, ma rue, ma ville, mes proches. J'y vois les enfants jouer sans distinction de couleurs souvent, de classe parfois, je vois l'empathie de nombre de mes contemporains, j'y vois la tristesse dans les yeux fatigués des années de galère, j'y vois des mains solidaires et affectées de se battre dans la lie de l'imposture qu'imprime la politique de nos jours malheureux,  j'y vois ce réel là. C'est de lui que je puise le sens de mon identité. Mon pays, le notre, c'est sa richesse, sa diversité : carrefour des cultures, terre d'accueil autant que de pillage, de soins comme d'agressions. Je n'y vois pas d’angélisme, je sais que notre identité s'est forgée de souffrances, de mépris, de conquêtes et de luttes. A cela, rien ne sert vraiment d'invoquer la fierté sans se vautrer dans une redite falsifiée de notre histoire commune. Les yeux grands ouverts, il est impossible de ne pas percevoir le fossé béant entre la réalité de la diversité identitaire et culturelle des habitants de France et la réalité de l'électorat français, par trop conservateur, réactionnaire et qui se vautre dans l'autosatisfaction en s'érigeant en juge des "moins que rien", en avocat des "méritants". La bassesse de l'instinct des électorats brunissants est à la mesure de leurs prétentions à la légitimité, et loin des idéaux démocratiques, ils naviguent à leurs vues avares, d'arguments d'autorité en arguments d'autorité, de biais cognitif en perversion du langage. Tel le bourreau qui se mue en victime.

Et remonte ma colère.

Je replonge au réel, car les maux ne se dématérialisent pas, eux. Je regarde la frange décidante de mes contemporains. J'y vois. J'y vois la fracture sociale et les mécaniques perverses des exploiteurs. J'y vois l'arrogance de nantis dans leurs carcasses privées déambulant, baignant dans le neuf perpétuel, bien aidés qu'ils sont par l'inéquation scientifique d'un paradigme anthropique, cet oekoumène dévastateur qui a fait de l'érème un enfer en voie d'explosion, profitant à une part infinitésimale de la population, sur les principes d'une croissance infinie, d'une chaîne de valeur immaîtrisée et qui lui est profitable au détriment des communs, à la sueur de la majorité. Cette imposture ultra-libérale, ce joug du capital.

Et il n'est de limites que nous puissions leur imposer. Pas dans ce paradigme là. La lèpre est de leur côté, ils sont notre virus et nous en portons les symptômes, les séquelles. Ils se savent intouchables, du moins le pensent-ils?

Et pouvons-nous leur donner tord?

Ce que les urnes ne valident pas, la rue ne se privera pas de l'exiger, elle le fait spontanément, toujours, quoi qu'il en coûte, sincèrement elle, et à son corps défendant elle paie généralement le prix de ses révoltes! Nous reviendrons à l'impasse du rapport de force aveugle, du mépris et de la manœuvre de pantoufleurs sans scrupules qui abreuvent leurs réseaux. Ceux-là n'ont de vision commune, en quelque sorte ils se lavent les mains du sang versé, ils trônent et malgré leurs discours, il est à comprendre que notre avenir les indiffère. Leur communication outrageante est un rempart aux silences et jette un voile obscur sur leur finalité. Ils sont poussé à la sociopathie, leur élitisme n'a rien de supérieur intellectuellement parlant. Ils sont sur un piédestal et s'y accrochent tels les mollusques sur le rocher, à la différence qu'ils ne sont pas, eux, en symbiose avec leur environnement. Ils sont le vent froid au cœur de l'hiver politique qui recouvre le monde. Les coups de poignards dans le dos des "trop nombreux" que nous sommes.

Comment faire société alors? Tant que des étrangers résidents en France, tant que les enfants, tant que les suffrages non-exprimés, tant que les non-votants, les non-inscrits, les radiés d'office, n'ont pas voix au chapitre électoral? Nous assistons à l’énième représentation d'une farce tragique à la mise en scène austère et au jeu d'acteurs puant les heures sombres de l'histoire.

La Peste : Que Marine Le Pen et ses soutiens nous expliquent comment légitimement priver de droits des étrangers qui cotisent par leur travail, par leur consommation? Ces compatriotes non consultés, car iels participent à la patrie en tant que système social, socle de notre société. Que Madame nous disent de quels moyens violents elle souhaiterait user pour asseoir le peuple comme on assoit le bétail filant à l'abattoir? Qu’elle nous rappelle au triste souvenir de son héritage, qu’elle mette en scène ses acteurs de l’ombre et fasse la lumière sur leurs crimes. On connaît sa riposte : mentir pour accéder au pouvoir et mettre enfin en place leur rêve d'apogée apocalyptique.

Le Choléra : Que Emmanuel Macron nous précise le bilan de sa gestion de crises en relation avec les passe-non-droit qu'il offre à bon nombre de puissances financières? Qu'il nous explique comment légitimer les actions scélérates de ses ministres, certains sous le coup de notre justice, qui valident par leurs actes inconstitutionnels la défiance envers les institutions dont nous leur aurions donné la charge de protection? Qu'il nous explique comment restaurer l'état social qu'il a pour mission de détruire à la manière d'un prestataire en recouvrement? On connaît sa riposte : enterrer les dossiers pour régner encore et parfaire leur œuvre prédatrice.

Non, rien ne sert d'en débattre. Ni l'une, ni l'autre n'ont que faire de nos avis. Leurs fins sont établies et leurs moyens sournois. Autant lutter au sommeil face à un hypnotiseur.

Alors si les dés sont jetés, nous faut-il faire le tri dans l'horreur sociale que ceux-là nous offrent? Le doute est permis entre brun bonnet et bonnet brune. Le premier de cordée ayant pour lui la non remise en question théorique des droits de étrangers; et à sa charge le fait de ne rien faire pour qu'ils soient intelligemment respectés. La seconde, transformiste, se mue en amazone contre-révolutionnaire dans un tour de prestidigitation qui ne trompe que des poulets sans tête, de par trop nombreux dans la basse-cour. A les entendre, on perçoit en sourdine le cri enraillé d'un coq paternaliste touché par l’Alzheimer, patriarche. Et s'ils divergent, la route que chacun d'eux trace sied à l'autre. Leur débat n'a pas lieu d'être, autant qu'ils en fassent un battle de courtoisie, ce serait plus véridique.

Personnellement, participer à la mascarade des élections présidentielles m'a toujours paru une démarche désagréable, un sentiment d'abandonner une part de mon être politique au pouvoir irraisonné de quelques-uns. Et cette fois, une ouverture semblait s'offrir à nous. Mais sous le règne du grand capital, les fenêtres libertaires et égalitaires sont rapidement murées avec l'assentiment complice de citoyens dont les choix riment avec leur désinvolture crasse à légitimer l'indéfendable, à mettre sous le tapis les remises en causes légitimes, allant jusqu'à entraver le travail d'une justice qui fait ce qu'elle peut quand elle est intègre. Et qui à sa part de vérole...

Sans leur en vouloir car je n'aspire pas à plus de division du côté camarades, il me semble important que cela soit compris par ceux qui nous ont taxé de lobbyistes pro-union populaire, alias pro-mélenchon pour la verve des amateurs d'hommes providentiels. Et ils se trompent. Le rempart qui s'est dressé au premier tour s'est bâti par calcul, non par aliénation. La France insoumise a été le choix qui s'est offert à nous, nous aurions fait le même choix si le pcf, les écologistes, le npa, avait eu l'opportunité de faire advenir l'opportunité d'être représentés au deuxième tour. Ce que nous ne serons pas. Nous pourrions par ailleurs reconnaître le travail de l'Union Populaire sans devoir paraître béats et dénués de regard critique. Des réserves il y en a. Et en face nous avions la démonstration de l'imposture droitière, à présent seule en scène pour parachever l’œuvre de destruction de notre socle commun.

Alors que faire électoralement parlant?

Je m'en rend à mes doutes et me laisse la discrétion de mes tourments et mes craintes. Choisir de ne pas choisir, ça marche dans les deux sens. Qu'on trouve ce jour là l'occasion d'un bol d'air loin des turpitudes étatiques ou que l'on se flagelle à la corvée nauséabonde ne nous rendra pas moins dignes, pas plus légitimes. Et il faudrait bien dire que les élections législatives suivantes seraient d'autant plus importantes qu'elles devraient, si la nature de notre culture politique garde sa constante, accoucher d'une souris radioactive. Ce qui serait à déplorer. Encore.

Dé lors je m'en remet à l'absence de finitude. Chacun joue sa partition sans en savoir la fin. La mienne a ses armes, les mots pour digérer, la voix pour les porter, et faire commun. Parce qu'il nous faut bien vivre malgré, à défaut de vivre pour, et c'est là notre impasse légitime, celle des modestes et des humbles, faisant avec le réel. De libre arbitre c'est à peu près tout ce qu'il nous reste : l'intégrité. Nous reconnaissons notre incapacité à faire suffisamment corps pour combattre la pègre. Car nous ne pouvons face à l'adversité légitimement revendiquer autre chose que le constat de notre impasse contrainte. Il n'est, à ce jour et c'est à regrets, de souffle libérateur assez fort pour retourner les alizées fascistes. Non pas que nous ne soufflons pas et que nous comptions cesser. Ne nous frappons pas la tête contre les murs. Restons les pieds sur terre. Agissons à nos portes, persistons dans nos méandres. Nous sommes orphelins d'un grand soir repoussé à jamais. Nous sommes contraints à la résilience, et il nous faut nous montrer intelligents sans exubérance. Pour cela nous devons abandonner leur table des négociations, pour ne plus nous y user face à la surdité de ceux qui nous interpellent. Soyons radicaux en toute clairvoyance, sobres et solidaires, autonomes et productifs. C'est là notre seule voie à présent.

Car il faut bien nous l'avouer, quand d'autres n'en feront rien :

Nous sommes en état d'urgence démocratique!

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