C’est bien au titre du film de Gilles Perret que le titre de mon billet d’humeur se veut faire allusion. Ce n’est pas un billet de mauvaise humeur d’ailleurs ; c’est simplement un double hommage que je me dois de rendre à cette institution, à laquelle je dois personnellement beaucoup : la sécurité sociale.
Gilles Perret explique et fait expliquer pourtant à juste titre, et avec tellement de pédagogie, la fragilité de ce dispositif si précieux au service des Français, et disons-le, assumons-le, pas seulement des Français.
Mon histoire est plus personnelle.
Le premier volet de ce petit itinéraire :
Il s’agit de mon embauche au sein de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie à 17 ans et demi, en mai 1978. Loin de moi l’intention de « faire du Zola » pour expliquer la nécessité d’entrer dans le monde du travail au plus tôt, du fait d’une part que mes résultats scolaires semblaient exiger qu’on m’oriente vers « le cycle court », et d’autre part parce que contribuer par un salaire, même modeste, à l’équilibre du budget familial me paraissait logique et indispensable ; mon père et ma mère appartenait à l’époque « au monde ouvrier ».
C’est donc au poste de « commis d’ordre et d’employé aux écritures », le plus petit niveau de la chaîne hiérarchique, que j’entrais dans cette institution, avec une fierté que seule la perspective de toucher un premier salaire et de l’offrir avec bonheur à mes parents pouvait justifier.
J’eus d’autres occasions d’être fier de ce choix d’adolescence. La sécurité sociale m’a offert, dans un ordre chronologique la possibilité de connaître à l’âge de vingt ans la femme de ma vie, (Ariane), de construire progressivement une vie de famille, (trois enfants), d’accéder à la formation de cadre (BAC + 3) et de devenir à 25 ans l’un des plus jeunes cadres de l’institution. Ce fut-là, en 1985 et aujourd’hui sans aucun grief à l’endroit de « l’éducation nationale », une petite vengeance personnelle sur mon passé scolaire et les jugements portés par des représentants de cette autre belle institution nationale à qui j’avais fait l’offense ou l’honneur d’occuper le statut de cancre.
Il s’ensuivit une carrière de cadre, non pas magnifique mais très honorable, sans jamais perdre de vue ni mon parcours, ni les personnes que j’ai croisées, ni « mes collègues d’avant », ni les souvenirs les plus émouvants.
Mis à disposition de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie en 2007, j’ai œuvré au sein d’une petite équipe soudée (La MARP [Mission d’Accompagnement des Régimes et Mutuelles Partenaires]) à un projet d’intégration des régimes spéciaux et des mutuelles dans le système d’information de l’Assurance Maladie. J’affirme aujourd’hui, qu’au-delà de de ma vie de famille et de ma passion pour le club de Rugby que je préside, mon engagement pour l’Assurance Maladie aura été une priorité absolue, tant je me sens encore aujourd’hui redevable de ce qu’elle m’a offert, de ce qu’elle m’a donné à connaître et partager.
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Le second volet de ma petite histoire est plus contemporain ; c’est un épisode hospitalier que j’ai vécu voilà deux semaines, au cours du mois de janvier 2024.
Une simple cholécystectomie (Ablation de la vésicule), s’est parfaitement déroulée dans les services du Docteur D, à l’Hôpital Privé de Trappes (Hôpital de l’Ouest Parisien).
Trois jours plus tard, rentré à mon domicile, survient une fièvre, dont j’avoue a posteriori que j’aurais dû la prendre plus au sérieux tant, sous plusieurs couvertures, je tremblais. Un rendez-vous en urgence fut pris par mon épouse avec mon chirurgien, le docteur D, dont je ne louerai jamais assez la disponibilité, l’efficacité et le sens du devoir qui l’anime.
Confronté à un choc septique, je suis dans l’instant admis, dans une certaine confusion qui règne habituellement au service des urgences (selon beaucoup de commentaires).
J’ai été pris en charge par « Le SAUV » (Service d’Admission des Urgences Vitales) pendant plusieurs heures et là, je crois bien, je sais même aujourd’hui, que l’équipe en place m’a tout simplement sauvé la vie. Merci entre autre à Anaïs, infirmière, de m’avoir aidé et soulagé avec tant de bienveillance dans ces instants si délicats où le corps s’abandonne sans pouvoir convoquer la pudeur qu’on appelle pourtant de ses vœux.
Même si à l’heure actuelle je ne sais pas encore si la bactérie qui a touché d’autres organes (sans s’en emparer fatalement) est d’origine nosocomiale ou si au contraire je la portais déjà dans mon métabolisme, je tiens à remercier du fond du cœur l’équipe médicale qui me permet sans doute aujourd’hui de continuer de vivre encore le bonheur de voir mes enfants s’épanouir, de partager des moments de complicité avec mes trois petits enfants (9 ans, 21 mois et 1 mois et demi), et chaque jour encore d’admirer le visage d’ange ou de fée que pose sur moi Ariane à chaque instant qui ponctue mon existence.
Je voulais expliquer, car je le vis dans mes tripes, ces deux raisons distinctes mais essentielles, et personnelles c’est vrai, de protéger la sécurité sociale de toutes les atteintes qu’elle subit.
Mais au-delà de cette simple expérience, et pour donner un écho plus « politique » à mon témoignage, comment peut-on imaginer par exemple, dans le monde que nous connaissons, que l’on puisse attenter à l’Aide Médicale Etat (L’AME) ?
La Direction de la Sécurité sociale (Caisse Nationale), et le ministère de la santé et de la Prévention (Au sein du giga ministère du Travail, de la santé et de la Solidarité administré par Mme Vautrin), ont-ils conscience ou bien sont-ils eux-mêmes complices du degré de dégradation de notre système de santé ? OK, laissons cette nouvelle équipe s’emparer des sujets mais j’ai déjà du mal à imaginer quelque progrès que ce soit à venir dans la sauvegarde de notre si cher patrimoine social.
Après l’offensive de grande ampleur contre les retraites, nous savons que le gouvernement prépare de nouvelles mesures régressives contre la branche maladie de la Sécurité sociale, sans épargner les autres branches de la Sécu (accidents de travail et maladies professionnelles, allocations familiales, perte d’autonomie, financement).
Ambroise Croizat, fondateur de la Sécurité Sociale, énonçait : « La sécurité sociale est la seule création de richesse sans capital. La seule qui ne va pas dans la poche des actionnaires mais est directement investie pour le bien-être de nos citoyens ».
Cette indépendance financière, sur le principe fondateur de la redistribution reste essentiel pour échapper à toute emprise financière en provenance du monde privé.
Et pourtant ! La sécurité sociale est-elle si riche qu’elle peut se permettre de « sponsoriser » une nouvelle fois nos médecins ?
3,50€ de plus en perspective pour la consultation des médecins. Nul doute que je suis personnellement solidaire du corps médical ; je l’ai toujours été et le suis plus particulièrement encore après cet épisode septique personnel, tant nous connaissons la dévotion de nos professionnels de santé, mais faisons un petit calcul.
20 consultations à 3,50€ par jour, (a minima), multipliés par 20 jours de travail (toujours a minima), correspondent à la somme additionnelle mensuelle de 1400€. Quelle catégorie socio-professionnelle dans notre pays est-elle en capacité de se féliciter d’une telle augmentation de revenu ?
Et je ne fais pas allusion dans ce billet à toutes las aides pérennes qui viennent s’additionner en milliers d’euros aux seuls revenus des consultations et autres actes médicaux. (Accès aux soins, Consultations majorées aux patients en affection de longue durée, Complémentaire santé, aide à l’équipement informatique, Perte de salaire, retour et maintien à domicile, réinsertion professionnelle, insertion à domicile des personnes en situation de handicap, aide à l’embauche d’assistants médicaux, etc.)
Nul doute que certaines de ces aides sont parfaitement justifiées et que la lutte contre les déserts médicaux pourrait s’inspirer (au moins partiellement) de ce principe d’aides, mais quels sont les Français qui ont connaissance de ces revenus additionnels attribués à nos médecins ?
D’autres personnels de santé dévoués eux-aussi restent les grands oubliés du fonctionnement de notre système de santé, faute d’ailleurs d’être aussi bien organisés que les médecins avec leurs syndicats qui eux non plus ne convoquent pas la pudeur dans leurs revendications.
L’hôpital de Trappes comme bien d’autres établissements a besoin de l’aide de la sécurité sociale, leurs infirmières et infirmiers, les sage-femmes, les brancardiers, etc.
Je l’ai entendu plusieurs fois dans les couloirs de l’hôpital, je l’ai vécu, j’ai ressenti leur stress, et le sens professionnel qu’ils démontrent au quotidien mérite bien mieux que ce détricotage silencieux et sournois que notre gouvernement, et d’autres avant, ont engagé.
Il est bien loin le temps où Ambroise Croizat déclamait utilement et publiquement : « Jamais nous ne tolérerons que ne soit renié un seul des avantages de la sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès ».
J’ai pleinement conscience dans l’expression de mes états d’âme d’aborder de façon un peu anarchique divers sujets controversés qui concourent au fonctionnement de la sécurité sociale, conscient également de n’être ni précis ni exhaustif. D’autres personnalités plus affûtées que je ne le suis sauront sans doute étayer ou nier mes propos néanmoins sincères et motivés.
Merci Monsieur Croizat, merci Docteur D, à vous et à votre équipe, merci à ma petite femme d’avoir agi à temps, merci infiniment au personnel des urgences de Trappes.
Aujourd’hui encore, je vous applaudis !
Lionel Garrigue