Une rencontre
samedi 31 décembre 2016, par René Barbier
Des brumes mousselines de l’enfance montent vers mon âge comme une vapeur soudaine. J’ai tant envie de dire un mot couleur d’extase. Ma pensée est une petite fête noire. Je descends des hauteurs comme un grimpeur qui décroche d’une paroi trop lisse. Qu’est-ce qui m’entraîne ainsi vers la gueule hurlante des profondeurs ? Plus mon âme pêche dans l’amour, plus des poissons au dents de scie surgissent de mes larmes.
Cet après-midi dans un grand centre commercial aux foules anonymes, une vieille femme désemparée m’a abordé pour me demander l’aumône. Après mon geste elle a fondu en larmes. Je lui ai pris la main et l’ai fait asseoir à mes côtés. Elle m’a parlé de sa détresse. De son licenciement abusif comme tant d’autres. De sa solitude de plomb. De ses racines qui se perdent dans le vent. Une tristesse immense m’a submergé comme un flot de mazout. Comment se peut-il que nous ayons inventé une telle société d’ombres mutilées ? Pourquoi tant de richesses sur les neiges éternelles et tant de misère dans les bas-fonds ?
Tout mon savoir de professeur grouille en moi comme une langue de vipère. Depuis des siècles, des centaines d’économistes s’agitent en ombres gardiennes. Chacun y va de sa ritournelle, de son déchiffrage de notes sans harmonie. Aucune espérance dans leur économétrie futile. Ces grands illusionnistes porteurs de tombes sont les prêtres d’aujourd’hui d’une religion sans êtres vivants.
Voici venir le temps de l’insurrection de la conscience !
Trouverons-nous les politiques qui conviennent à notre nouvelle voie ? Je ferme les yeux pour laisser les peuples-racines me réconforter. Ils savent si bien inventer l’air du large. Ils ont depuis toujours compris la fraternité de Reliance entre les êtres humains et leur environnement. Nous n’avons su que les détruire par notre accaparement. Redécouvrons tous ensemble les vrais racines du beau nom de peuple !