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Billet de blog 6 mars 2012

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Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon : Extrêmisme politique, espérance et l'être du milieu

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extrait du "journal des chercheurs"  (avec tous les liens hypertextes) et voir la vidéo de l'émission en question sur le blog de JL Mélenchon

Hier soir lundi 5 mars 2012 j'ai pris le temps de regarder complètement l'émission politique de Laurence Ferrari sur TF1 consacrée à Marine Le Pen et à Jean-Luc Mélenchon, deux leaders d'opinion de l'extrême droite et de l'extrême gauche. Ce n'est pas mon habitude de perdre du temps avec les extrémismes parce que je sais qu'ils rabotent évidemment la complexité du réel pour emporter la conviction de leurs auditeurs par la parole ou souvent aussi par la violence. Je suis un être du milieu, non au sens d'une moitié de quelque chose, au sens arithmétique, ou d'une mollesse de décision et de point de vue comme on les rencontre chez les tenants de ce qu'on nomme "le centre" politique, mais parce que la lucidité, comme dit René Char "est la blessure la plus rapprochée du soleil". L'être du milieu est avant tout un éducateur pour autrui et pour lui-même.. Un être du milieu se méfie toujours de la violence proclamée ou dissimulée. L'être du milieu concilie épaisseur et transparence, bonheur et malheur, naissance et mort, espérance et désespoir, possible et impossible. Il ne croit jamais que le futur sera un "lendemain qui chante" ou que le passé va se reproduire absolument dans ses tenants et ses aboutissants. Il est l'être du présent et de la pleine complexité en interaction, interdépendance, auto-éco-hétéro-organisation permanentes. Du côté des extrêmes-droites politiques il sait que se cache la Bête immonde du racisme et de l'antisémitisme, de la haine de la démocratie et de la jouissance perverse des élites supposées. Du côté des extrêmes-gauches il n'oublie pas que derrière Lénine, Staline faisait son nid d'horreur, que Pol Pot ou Mao Tse Toung ont su peupler les camps de concentration et les charniers d'innocents et de dissidents. L'émission de TF1 ne présentait pas deux êtres politiques qui auraient pu s'affronter sur des idées. On sait que Marine Le Pen se pense autrement supérieure à Jean-Luc Mélanchon parce que les sondages lui accordent un peu plus de voix qu'au leader du Front de gauche. C'est dommage parce que ce dernier est bien l'autre face politique de Marine Le Pen. Tous les deux d'ailleurs tapent très fort sur Sarkozy avec juste raison. Ce dernier tente de masquer par tous les moyens dans l'imaginaire le bilan de faillite de son mandat présidentiel. Il ose encore tenir un langage d'espérance alors qu'il est le capitaine qui a brisé le navire sur les récifs. Qui peut encore le croire à moins d'avoir des intérêts personnels dignes du libéralisme à la Alain Minc ? Marine Le Pen n'arrête pas de redorer le blason de son parti avec son sourire systématique (bien visible dans l'émission), sa bonhomie, ses réparties, sa faconde télévisuelle. La dédiabolisation du Front National réussit pour les gogos, les imbéciles heureux ou les naïfs à toute épreuve. Non que ce parti soit le diable, en effet. Le diable n'existe pas, seules les idéologies sont destructrices. Celle du Front National, que l'ombre du Père Jean-Marie Le Pen garantit dans sa pureté, relève des ombres assassines qui ont fomenté depuis toujours la haine de l'étranger, du différent, du non-conformiste. Elle est porteuse d'un avenir engrossé d'horreurs insupportables, plus encore que la mixture que le Sarkozysme pur jus nous concocte tous les jours avec son ministre de l'intérieur. La soupe de Marine Le Pen n'est qu'une soupe future à la grimace. Ce qui ne l'empêche pas de dire un certain nombre de vérités sur la réalité politique d'aujourd'hui concernant la détresse des oubliés de la croissance 'mais à condition qu'ils soient "français" bien entendu, si possible, bien "blancs" et bien catholiques à la manière de Monseigneur Lefebvre, Son slogan "tous pareils" à l'UMPS vise à dévaloriser toute forme de démocratie authentique. Si elle gagne des points dans les sondages, c'est en grande partie parce que la culture politique et historique des Français les plus pauvres est insignifiante depuis longtemps, grâce à la destruction systématique de l'Ecole républicaine par les pouvoirs de droite en place depuis des décennies. Jean-Luc Mélenchon est d'une autre trempe. Il possède la flamme du révolté à la Camus et le sens de l'organisation du révolutionnaire. À l'entendre, il nous fait presque croire que le célèbre "Principe Espérance" de Ernst Bloch puisse être, un jour, l'âme des peuples. Jean-Luc Mélenchon est animé par la figure de Jean Jaurès plus qu'aucun autre. Contrairement au journaliste Michel Field qui le présentait sous la figure d'un Guy Mollet, il est loin de cet être inauthentique et faux. Tous les arguments qu'il a tenus devant les téléspectateurs sont cohérents et chiffrés, même si on peut les contester au nom du statu quo. Évidemment sa politique n'est pas la soupe au choux plus ou moins rance et froide que veulent nous servir encore une fois le parti de la majorité et même le parti socialiste dominant. Elle implique un bouleversement réel de nos modes de vie au nom d'un véritable partage des biens et des services dans notre pays. On peut imaginer que les 200 familles qui règnent en maître sur notre économie, les joueurs de foot et autres tennismen suprêmement riches, comme les PDG des entreprises du CAC 40 qui ont fait leur beurre sur le dos des salariés n'ont aucune envie de la voir arriver au pouvoir. N'a-t-il pas promis de taxer à cent pour cent les revenus au dessus de 360000 euros par an ? Mais tous ceux qui, au bas de l'échelle, vivent avec moins de 700 euros par mois, comme l'une des interlocutrices de l'émission, et ont besoin de soins et d'éducation, de protection sociale, de liens de solidarité, de retrouver un sens à leur travail avec d'autres, d'envisager l'avenir avec un peu d'ouverture, que risquent-ils à considérer plus positivement cette orientation politique ? Pourquoi trente pour cent d'entre eux pensent voter pour Marine Le Pen et son parti dont l'idéologie ultime et, en d'autre temps et en d'autres lieux, n'a jamais été que le soutien d'un capitalisme à la KRUPP et l'antichambre du fascisme et du national socialisme ? Sans doute l'être du milieu reste dubitatif sur les espoirs tendus du Front de gauche. Il n'en accepte les possibles que nous bénéfices d'inventaire dans la réalité. Il se méfie des grandes déclarations d'intention. Il connaît les ambivalences, les contradictions, les équivocités des uns et des autres et surtout ce besoin de pléonexie, d'accaparement de pouvoir qui anime les militants de tous bords. Il sait que le changement de politique économique commence d'abord par un changement personnel de fond en comble, une autre vision du monde résultant d'une autre conscience noétique. Mais surtout il reconnaît que la politique proposée par le Front de gauche est une métamorphose et non un simple réajustement sociodémocrate. Lucide, il n'est pas sûr que les Français soient encore prêts pour tenter l'aventure. Sans doute faudra-t-il encore d'autres catastrophes écologiques et sociales pour qu'une ouverture de fasse réellement à cet égard. Mais en attendant, certains êtres, dans leur conscience à la fois philosophique et politique, prennent la peine de considérer l'enjeu d'une telle entreprise, simplement parce qu'ils sont des "indignados" et qu'ils ne supportent plus de voir, à leur porte, de plus en plus d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants venir mendier leur pitance comme des chiens dans les rues de plus en plus sans âme de nos villes modernes. Ils ont toujours dans leur mémoire ce vers de Guillevic "Savoir nous fait porter tout le poids de nos gestes". Ils cherchent à comprendre ce que veut dire un "vivre ensemble" digne de ce nom et continuent leur quête et leur lutte, sans fin, sans jamais renoncer.

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