Texte extrait du "Journal des chercheurs"
à Michel Lobrot
Dans une maison trop blanche pour être vraie, les Hommes en noir de Sarkozy saisissent le tsigane endormi.
Ils l'accusent d'un vol de rêve dans la France Majuscule, celle qui pète plus haut que sa Tour Eiffel les jours d'élections présidentielles et de quatorze juillet.
Mais une main jailli dont ne sait où, arrache le tsigane aux matraqueurs et l'entraîne au loin dans le ciel de Chagall.
Son violon s'enfuit aussi en dévalant les arpèges d'un vieil accordéon. Sa flûte se fait plus petite qu'un point d'exclamation.
Les Hommes en noir de Sarkozy restent là tout ahuris avec leurs visages de ballons rouges qui éclatent comme des sacs poubelles. Il faut faire quelque chose. On risque l'apoplexie. Un gradé consulte son BlackBerrry en direction du Ministère de l'Intérieur.
Un jeune arabe arrive en souriant comme par miracle. Les Hommes en noir de Sarkozy débusquent un Coran en coin dans son regard. Ils le confondent aussitôt avec une mitraillette de la Seconde Guerre Mondiale.
Il est jeté encore vivant dans un panier à salades déjà peuplé de femmes vêtues de nuit jusqu'aux chevilles, mais aux yeux d'étoiles filantes.
Ce n'est pas assez pour satisfaire le petit homme dont la Loi est si grande pour la sécurité de tous.
Les Hommes en noir de Sarkozy se mettent à courir après un Noir d'Afrique qui remonte fatigué la pente du petit jour.
Ils l'aplatissent au sol, un genou sur la nuque et lui demandent ses papiers avec courtoisie.
Un mot poudré de silence sera son ultime réponse.
Dépités les Hommes en noir de Sarkozy cherchent encore une autre face sombre et nécessairement dangereuse. Mais ils ne trouvent qu'un pauvre juif qui ne ressemble pas un juif et qui siffle tranquillement une mélodie mélancolique.
Ils hésitent un instant mais ils l'arrêtent quand même sans ménagement, pour trouble à l'ordre public.