Lirina Bloom (avatar)

Lirina Bloom

Collectionneuse de souvenirs.

Abonné·e de Mediapart

127 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 avril 2012

Lirina Bloom (avatar)

Lirina Bloom

Collectionneuse de souvenirs.

Abonné·e de Mediapart

BEN BELLA, la SFIO, l'armée française

Lirina Bloom (avatar)

Lirina Bloom

Collectionneuse de souvenirs.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sur le site fabriquedesens, la retranscription de l'émission Algérie, vingt cinq ans après. Point de vue de Ben Bella.

Tournant de la Guerre, engagement de la France dans le drame sans fin, les acteurs sont là, avant scène du Putsch des généraux, début de la fin de la SFIO, arrière plan de la défaite en Indochine, internationalisation du drame.

Signes avant coureurs du gaullisme et de notre présidentialisme.

Voir là une défaite de la démocratie en France ? Et les débuts de la prise du pouvoir par l'armée française et  sa prépondérance sur le politique.

Moment clef.

Le point de vue de Ben Bella :

"Le 22 octobre 1956, un avion transportant des dirigeants importants du FLN a été intercepté au-dessus de la Méditerranée et est contraint de se poser à Alger. Il semble que cette initiative ait été prise à l’insu du Président du Conseil, Guy Mollet, qui, depuis plusieurs semaines, négociait même discrètement avec les dirigeants du FLN. Parmi ceux-ci, Ben Bella qui était dans l’avion détourné ce 22 octobre et qui révèle jusqu’où ont été les négociations.

Ahmed Ben Bella, premier Président de la République Algérienne : Elles débouchaient sur un processus d’autodétermination, comme les accords d’Évian. C’est à peu près aux accords d’Évian que nous étions arrivés. À peu de choses près, c’était ça. Un processus d’autodétermination, un référendum, etc., etc., avec aussi la garantie des intérêts français, la présence de la colonie française, etc. Nous avions donné des garanties, c’est vrai. Nous sommes arrivés à un canevas, à peu de chose près, est exactement ceux qu’ont été les accords d’Évian.

Et vous croyez que le gouvernement français aurait accepté ?

Ahmed Ben Bella, chef de l’organisation spéciale du MTLD, responsable du FLN, 1er Président de la République Algérienne : Ils l’ont accepté. Ils devaient faire avaliser ça par un vote à l’Assemblée, or ils étaient majoritaires. L’armée, ils avaient déjà des officiers qui étaient d’accord avec eux, sur cette solution, mais la grande majorité des officiers je dois dire était hostile à cela. Mais ce qui s’est passé, c’est que l’affaire de l’avion a été faite par l’armée, par un groupe de l’armée, pas toute l’armée. Et là, ça a déclenché un processus disant non au déterminisme, tout simplement. La guerre aurait du… tout était préparé pour que la guerre se termine en 56.

Avec ce canevas, Ben Bella qui se trouvait au Maroc devait se rendre à Tunis pour y soumettre ce projet à la réunion qui devait s’y tenir entre les dirigeants du FLN d’une part et d’autre part le roi du Maroc et Bourguiba, chef du gouvernement tunisien, dont les pays venaient d’accéder à l’indépendance. Au cours de cette réunion, les trois délégations devaient aussi mettre sur pied un projet de fédération maghrébine. Mais pendant son trajet entre Rabat et Tunis, l’avion de Ben Bella est intercepté.

Ahmed Ben Bella, chef de l’organisation spéciale du MTLD, responsable du FLN, 1er Président de la République Algérienne : L’enlèvement se fait dans un avion marocain avec un équipage français. Cet avion devait nous mener à Tunis. Nous devions aller avec le sultan du Maroc dans son avion, puis tout d’un coup on a changé d’idée, on nous a dit : vous n’allez pas dans l’avion de Mohamed V parce qu’il y a son harem, etc. vous irez dans un autre avion. Nous avions émis des réserves je dois dire mais enfin finalement étant donné l’importance de l’événement, ne voulant pas quand gâcher cette grande fête, qui allait se dérouler à Tunis, de retrouvailles de toute l’Afrique du Nord, nous voulions au contraire être là puisque finalement c’était l’élément essentiel, l’Algérie, et les solutions qui allaient être dégagées en faveur de l’Algérie, donc cet avion a été intercepté par l’avion française à Alger. Ils s’étaient mis en contact, par radio, avec cet avion pour lui demander d’atterrir à Oran. Et puis au moment où l’avion s’est posé à Palma de Majorque, pour attendre des ordres, et ensuite a repris la route vers la Tunisie et à hauteur d’Alger il a bifurqué sur à Alger et alors là l’armée française avec les chars nous a cueillis.

Comment vous avez réagi vous-même ?

Ahmed Ben Bella, chef de l’organisation spéciale du MTLD, responsable du FLN, 1er Président de la République Algérienne : Très simplement. C’était un beau coup, c’était un coup bien soigné, il n’y a pas de doute. Il faut être élégant, c’était un coup bien préparé mais enfin un mauvais coup parce que politiquement ça a été une catastrophe parce que ça a mis fin à un processus. De toute façon, peut-être qu’il fallait attendre le vrai partenaire, il est venu par la suite, de Gaulle. Mais je dis que cela aurait pu se terminer en 56.

«  ? journaliste : Ici Alger, RTF. Le dépouillement des documents trouvés dans les bagages des chefs FLN, arrêtés avant-hier, continue et les prisonniers sont invités à donner des précisions sur certains renseignements qui s’y trouvent. Il semble que l’essentiel de cette précieuse documentation soit maintenant bien connu et qu’on attache une attention plus particulière au carnet d’adresse de Ben Bella. On comprend que les milieux officiels sur ce point soient extrêmement discrets. »

Ahmed Ben Bella, chef de l’organisation spéciale du MTLD, responsable du FLN, 1er Président de la République Algérienne : Lorsque nous avons été arrêtés - évidemment dans nos bagages nous avions le fameux projet, le canevas dont je vous ai parlé. Je me rappelle qu’à un moment donné, on me dit : quelqu’un veut vous voir. J’ai dit : oui, je veux bien, Ok, et puis je me trouve en face d’une dizaine d’officiers et là on me dit : Monsieur est le chef de l’armée française actuellement en Algérie. Et bon, Je n’ai pas voulu parlé, sincèrement ça ne m’intéressait pas, j’ai dit : je n’ai rien à dire à ces messieurs, ils n’ont rien à me dire. Puis, l’homme était très fin, ce général en chef, du coté français, il me dit : écoutez, je suis un militaire, je ne suis pas un politicien, je ne suis pas venu pour connaître, pour faire encore le policier, non ce qui m’intéresse, c’est de savoir ce que vous voulez. Je lui ai dit : ce que nous voulons, nous l’avons dit à vos négociateurs qui sont venus nous voir depuis six mois. Nous négocions depuis six mois et nous sommes arrivés à un accord, puisqu’ils détenaient le papier, dans nos bagages, ils l’ont eu. Nous sommes parvenus à un accord, nous pensons que cet accord permet de mettre fi à ce drame, à cette tragédie que nous vivons tous. Nous, cela nous permettrait de récupérer ce qui nous tient à cœur : notre dignité, notre droit à être libres, à être des hommes libres, à autodéterminer nos choix, le choix de ce que nous voulons être, et nous pensons que cela peut conserver l’essentiel des intérêts de la France. Et il me dit tout de suite : nous, ne nous voulons pas du tout avaliser l’accord fait par nos politiciens. Ils nous ont trahis en Indochine, ne nous sommes pas du tout décidés à être trompés une autre fois. Etc., etc. je lui dis : écoutez, c’est votre affaire. Nous, nous avons discuté avec un gouvernement, dûment mandaté, et nous voulons nous en tenir là. Ce que vous venez de faire, nous pensons que ce n’est pas honnête, parce que vous négocier avec nous puis finalement nous sommes arrêtés alors que je devais rentrer en Algérie pour voir les miens et pour préparer les conditions de l’application de cet accord, etc. Et me dit : non, nous ne voulons absolument avaliser cela, maintenant nous serions heureux de décider avec vous de voir ce que nous pouvons faire, peut-être que vous pouvez aider à dédramatiser ce problème, chercher des solutions qui aussi convenables pour nous. J’ai dit : non, absolument pas, vous ne pouvez pas compter sur moi pour cela. Je n’ai pas à discuter avec un chef d’une armée d’un État qui lui négocie avec nous, vous êtes au service de… Il me dit : non, ne nous sommes pas au service de cet État, le cas échéant nous prendrons nos responsabilités. Je lui ai dit : ça, c’est votre affaire. Et là un colonel s’est énervé, parce que le général m’avait dit : écoutez Monsieur Ben Bella, c’est terminé ! Ben Bella, c’est terminé ! Nous venons de l’arrêter, c’est terminé ! Là, j’ai dit : Il y a douze millions de Ben Bella. C’est terminé aussi Dien Bien Phu. Il Douze millions ou dix millions ou huit millions de Ben Bella. Puis, il me dit aussi autre chose : pour votre ami aussi c’est terminé. Je lui dis : mais de quel ami s’agit-il ? Il me dit : Nasser. C’était le 22 octobre, et le 29 ils attaquaient. Il me dit : dans une semaine environ nous allons régler le cas de Nasser. Je lui ai dit : écoutez, il vous attend. C’est vrai, je venais de quitter Nasser, il s’attendait à une attaque. J’ai dit : il vous attend d’un pied ferme, vous allez voir que cela ne sera pas terminé. Ça va commencer.

Le 5 novembre 56, après la nationalisation par l’Égypte du Canal de Suez, les parachutistes de Massu débarquent à Port-Saïd. Il s’agit, par une victoire sur Nasser, d’attaquer le principal pourvoyeur d’armes du maquis du FLN en Algérie. Mais un ultimatum américano-soviétique contraint les gouvernements français et anglais à rappeler leurs troupes alors qu’elles progressaient le long du canal de Suez. Une fois de plus l’armée française est frustrée de sa victoire. Elle ne le pardonnera pas à la IVème République. Après Dien Bien Phu, après Suez, l’armée veut sa revanche,« La bataille d’Alger va la lui donner."

http://www.fabriquedesens.net/

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.