Le décret Crémieux, la loi de 1889 décrétant la naturalisation des étrangers chrétiens et le code de l'indigénat sont une seule politique.
Il fallait faire croire à la compatibilité de la République et de sa démocratie avec le système colonial antidémocratique, par essence même.
Le mensonge s'est poursuivi sans faiblir, ni faillir. Il est encore présent dans les récits séparés de nos histoires.
Dans le tissu du peuplement, les législateurs de l'état colonial tenaient des ciseaux invisibles de main de maître. L'armée n'y aurait pas suffi.
La Guerre de papier agissait en profondeur, créait des fissures jusqu'au cœur des êtres, trompait et abusait.
La Guerre de papier créait pour chacun une seconde peau dont la couleur variait en ses nuances plus ou moins brunes ou blanches.
Il n'est pas sûr que quelqu'un de précis l'ait décidée, mais l'idée de la conquête et du maintien nécessaire de la domination y menait droit.
Lila rédigeait ces lignes avec application, certaine que le jury l'approuverait : le temps avait passé, était venu le moment d'y voir clair.
Lila dit, écrire du point de vue des bourreaux est à la mode, on veut leur donner une présence, eux qui pour tuer s'ingénient à s'abstraire.
Les bourreaux eux-aussi sont dans la lumière aveuglante du présent, regarder le monde de leur point de vue ne montre que la banalité du mal.
Ils finissent par nous attendrir par leur humanité, les écrivains leur octroient un don pour l'art ou un amour ectopique ; le tour est joué.
Lila disait qu'elle étudierait la pensée qui sous tend les systèmes politiques et y situerait ensuite les histoires singulières.
Lila disait que la pensée politique est un être multiforme. Note : dire les pensées car elles sont comme ces trains qui en cachent d'autres.
Lila tentait de cerner le problème et Rachid lui disait qu'elle s'ingéniait à chercher les sources du pardon.
Lila, lui disait, je ne crois pas.
Lila disait, comment extirper le mal avec ses racines si on nie leur existence et qu'on ne regarde que ses fleurs.
Lila disait, couper les fleurs fanées ne suffit pas.
Lila savait que Jeanne évitait un des aspects du problème, mais tournait autour sans fin.
Lila écrivit : en revenir à l'histoire de Samuel, à sa légende, enquêter, se documenter.
(à suivre...)
LB