Une pièce d'Ibsen. Un texte présent, une histoire comme si on y était.
L'eau des Thermes de la ville est polluée, c'est ce que découvre le médecin thermaliste après une enquête. Des cas de maladies se sont déclarées chez les curistes, les analyses qu'il fait en secret, qu'il fait jusqu'à acquérir la certitude de l'existence du problème, les analyses le prouvent.
Tout commence là et on assiste au démontage du fonctionnement politique de la ville.
Les liens affectifs aussi sont affectés par les relations de pouvoir, amour, amitié et liens familiaux, tout y passe.
Le Docteur comprend enfin que l'eau des thermes est polluée certes, mais que la démocratie l'est aussi.
Débat avec la Salle devenue le Peuple de la petite ville thermale. Le débat lui-même est piégé. Doit-on défendre la démocratie ?
On se prend au jeu, on pose des questions.
Le quatrième mur sort de l'espace, nous survole, atteint le ciel. Qui nous voit ? où sont les spectateurs ? jusqu'où vont-ils aller ?
Dénonciation de la société libérale qui pollue le système démocratique. Problématique des contrepouvoirs qui y deviennent inefficaces, dénonciation d'une presse qui ne joue pas son rôle, qui nie l'évidence, qui se fait acheter.
La démocratie, c'est évident est manoeuvrée, car les hommes démocratiquement élus se soumettent et s'allient au monde des intérêts financiers.
La Presse elle-même y perd son indépendance et son courage.
Le médecin thermaliste sera vaincu, acheté lui aussi. Il a pourtant resisté et tant qu'il a pu.
Je fais le parallèle avec les perversions de la démocratie engendrée par le système colonial en Algérie.
La démocratie nécessite que certaines conditions soient réunies pour être possible, elle ne s'impose pas alors naturellement, ni obligatoirement, mais elle devient possible.
Sommes nous dans une phase où le libéralisme (le capitalisme ?) tente de rendre toute démocratie impossible, dans une phase où il s'agit de rendre la démocratie inefficace, de la faire ennemie du peuple, de la rendre contradictoire d'elle-même, de la faire oxymore ?
Dans le Théâtre, le jeu règne et retrouve sa loi. Ostermeier dresse à nouveau le quatrième mur et nous assistons impuissants à la chute du Dr Stockmann.
à La chute de la conscience du Dr Stockmann et à sa future ascension sociale.
Un Arturo Ui qui aurait lutté, qui aurait resisté avant de prendre le pouvoir.
La Presse et ses compromissions ont un rôle central dans la pièce et Ostermeier nous donne l'image des journaux servant à nettoyer les "oeufs-peintures" reçus par l'orateur Stockmann, Stockmann qui défend la vérité.
Bref, notre monde comme si vous y étiez. Les mensonges de Fukushima, ceux plus anciens du sang contaminé, les noyés de la méditerrranée etc....
Nous vivons dans une démocratie dont chaque lieu, chaque être est perverti par le système libéral, voilà une des thèses de la pièce d'Ibsen lue par Ostermeier.
Beauté de la mise en scène, perfection des acteurs, prix des places 22 euros.