Et si contrecarrer les imaginaires d’extrême droite passait par une refonte de nos imaginaires biologiques ?
La question peut paraître absurde. Et pourtant… L’image que nous nous faisons de nous-mêmes, les représentations que nous avons de notre biologie, influencent très certainement notre manière d’être au monde. Or, force est de constater que ces imaginaires, esquissés dès nos premiers cours de sciences, nous entraînent insidieusement vers des idéologies nationalistes et militaristes.
Nous sommes imprégnés de cette vision d’un « soi » en guerre permanente contre le « non soi ». D’un corps, parfaitement homogène, exclusivement constitué des descendants de notre première cellule-œuf, et doté d’un système de surveillance efficace qui empêche les éléments étrangers de franchir nos frontières.
Ces images guerrières du système immunitaire sont légion : on les trouve dans les livres scolaires, dans les ouvrages de vulgarisation, dans les films. Non seulement, elles nous entraînent vers des idéologies dangereuses, mais en outre, elles sont fausses, scientifiquement parlant.
Nous ne sommes pas, loin s’en faut, des organismes purs : nos corps font preuve d’une hospitalité débordante ! Dès le début, nous nous construisons en nous entremêlant avec des cellules en provenance d’ailleurs, via le microchimérisme.
Et dès notre sortie du ventre maternel, nous accueillons des cellules microbiennes par milliards. Sans elles, nous ne pourrions pas survivre. Autrement dit, notre système immunitaire n’a rien d’une armée belliciste qui patrouille à nos frontières pour expulser les étrangers.
Certains scientifiques suggèrent au contraire de l’envisager comme une force capable d’unifier l’incroyable diversité qui nous compose. Comme un mécanisme qui nous permet précisément de vivre avec les autres. Parce que les autres nous sont essentiels.
Pour contrecarrer les imaginaires d’extrême droite, adoptons un nouveau langage sur notre biologie. Inventons un autre imaginaire, qui ne nous assimile plus à une nation uniforme calfeutrée derrière ses frontières, angoissée par ses flux migratoires.
Un imaginaire qui nous révèle enfin tels que nous sommes : des organismes entremêlés, en co-construction permanente, riches de l’altérité qui nous entoure.