Extrait de la Newsletter Spéciale « Assemblées générales décentralisées Europe Écologie - Les verts » (EELV)
Date : 17 février 2011 22:51:10 HNEC
Parce que nous sommes confiants dans le débat démocratique sur le fond
pour dépasser la logique des courants, notre proposition de motion a
l'ambition de rassembler le plus grand nombre autour d'une idée :
privilégier les idées et la qualification des personnes dans le choix des
futur-e-s membres des institutions et instances d'Europe Ecologie - Les
Verts.
Dany Cohn-Bendit, pour l'ensemble des personnes impliquées dans la
démarche
Ébauche d'une motion d'orientation proposée aux adhérents d'Europe Écologie les Verts
Construire l’écologie pour tous !
Les temps changent. Et une nouvelle fois l’écologie est à la croisée des chemins.
Après une séquence politique et électorale qui a redonné consistance à l’écologie politique en
France et conduit à la naissance d’EELV, les années qui viennent sont celles de nouveaux
défis, plus capitaux encore que ceux déjà affrontés et, à ce titre, plus délicats à négocier.
Quels sont ces défis ?
Il y a urgence à mener la transformation écologique de la société. En France bien sûr, mais
aussi à l’échelle internationale, et en particulier européenne. A l’heure des crispations
identitaires, du retour des sirènes nationalistes et tribuns souverainistes à droite comme à
gauche, il est temps de rappeler que l'Europe est le lieu pertinent pour une action politique de
transformation. L'Union européenne ne se réduit pas à sa technocratie ou aux gesticulations
médiatiques des sommets internationaux. L'Europe est avant tout un idéal de paix et de
prospérité partagée qui repose sur des valeurs fondamentales de liberté, d'égale dignité, et
surtout de solidarité. En ces temps d’interdépendance et de mondialisation, s’accrocher aux
ombres de la souveraineté nationale c’est se condamner à l’impuissance politique. Les crises
économique, sociale et politique sont bien installées. Les crises écologiques qui vont du
changement climatique à l’épuisement des ressources naturelles et de la biodiversité
deviennent chaque jour plus prégnantes. Laisser penser qu’on peut sauver un modèle
économique, financier et social en banqueroute par un productivisme effréné ne fait
qu’accentuer la dette écologique abyssale que nous commençons seulement à payer. Il y a
urgence à mettre en place des politiques à long terme pour un modèle nouveau de société.
Pour ce faire, nous ne devons pas seulement remporter des élections, mais aussi bénéficier
d’un soutien large et durable de l’opinion nous permettant de mettre sur pieds des chantiers
qui nécessitent inventivité et engagement. L’écologie politique a certes fait d’impressionnants
progrès dans le monde mais nos idées demeurent encore minoritaires. Cette métamorphose à
la fois complexe et incertaine que nous appelons de nos vœux nécessite de rassembler vite et
efficacement des gens aux parcours différents des nôtres et dont nous avons parfois trop
dogmatiquement ignoré l’existence.
Notre responsabilité politique est donc immense. Agir pleinement en conscience de celle-ci
constitue le second grand défi. Nous ne pouvons plus nous contenter de postures critiques
marginales dans l’espace institutionnel ou public. Penser que nous serions des justes, pour
avoir été les premiers lanceurs d’alerte d’une faillite devenue évidente pour beaucoup, serait
une erreur profonde. Le meilleur et le plus précoce des diagnostics ne vaut rien s’il ne
s’accompagne pas des soins et du consentement du patient à les suivre. L’urgence écologiste
nous oblige à occuper durablement la scène politique. L'autonomie d'une pensée politique ne
se résume pas au confort des positions radicales et minoritaires.
En France, l’écologie politique est étroitement associée à la culture anti-autoritaire et
libertaire. Pour beaucoup d'entre nous, le rapport au pouvoir n’est pas simple. En même
temps, une position d’observateur cynique à l’heure où tout un modèle de société semble se
diriger dans un mur est humainement et politiquement inadmissible.
En matière d’expérience du pouvoir, nous ne partons heureusement pas de rien. En France
comme dans plusieurs pays d’Europe, nous avons déjà participé à des exécutifs. Nous ne
pourrons pas éternellement nous contenter d'être une sorte de promesse utopique sans capacité
à mettre en œuvre avec réalisme et détermination les projets ambitieux que nous portons pour
et avec la société.
Le troisième défi que l’écologie politique doit aujourd’hui relever peut apparaître plus
prosaïque, mais il découle directement des deux précédents : c’est celui de la manière dont
nous devons aborder les échéances politiques à venir. L’enjeu d’EELV n'est pas seulement de
consolider ses acquis politiques. Il s'agit surtout d’aller de l’avant et d’élargir notre assise à la
fois électorale et culturelle au sein de la société. Sans rien renier des performances électorales
de nos listes aux européennes et aux régionales, la séquence électorale qui s’annonce avec la
présidentielle et les législatives de 2012 ne sera pas la plus simple à négocier. En
contradiction avec notre conception des institutions démocratiques, la première ne nous a
jamais été favorable. Quant aux secondes, déformées et même détournées par un mode de
scrutin inéquitable, une inversion stupide du calendrier électoral et une hyper-
présidentialisation du régime, elles entravent mécaniquement la reconnaissance sociale dont
jouit à présent l’écologie politique. Mais là encore, il serait trop facile d'expliquer notre
difficulté à percer dans ce type d’élection simplement par des règles du jeu handicapantes
sans reconnaître nos propres limites. L’écologie politique a certes progressé ces trois dernières
années, mais nos réussites électorales sont proportionnelles à la forte abstention qui sévit dans
les milieux populaires et parmi les jeunes lors des scrutins intermédiaires. En 2012,
l’intermittence électorale sera différente et nous peinons encore à rendre nos idées
intelligibles auprès d’une vaste proportion de la population. Nous ne pouvons nous satisfaire
d’une écologie des centres urbains, des populations aisées au niveau d’études élevé.
L'écologie populaire ne peut pas rester un slogan! Dans certains domaines, nos propositions
politiques restent faibles et trébuchent encore sur des dogmes surannés importés de la vieille
gauche. En dépit de la complexité des solutions qu’elle tente d’esquisser, l’écologie politique
doit parler à toute la société et continuer de ramifier dans tout le terreau de la civilité.
Ouvrir, élargir et rassembler encore
L’écologie politique n’est pas qu’une culture qui vise à renouer avec des rapports équitables
entre l’homme et la nature. Précisément, parce qu’elle est le fruit de la pensée humaine,
l’écologie politique est aussi un objet social qui entend réconcilier les hommes entre eux à
l’échelle d’un territoire, d’une nation mais aussi dans une dimension qui est aujourd’hui
véritablement planétaire. L’objet de l’écologie politique c’est le respect d’un équilibre
équitable entre l’humain et son environnement global, autrement dit ce qui recoupe à la fois et
simultanément son environnement naturel, son environnement social et les dimensions
transterritoriales de celles-ci, celles de réalités qui dépassent désormais les frontières
culturelles, institutionnelles, politiques mais aussi quotidiennes des territoires et de la
cartographie d’antan. Vaste défi pour tout dire ! L’écologie politique s’adresse à tous et pour
tous. D’abord parce que les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la vie et sur la planète se
moquent du statut social, de la culture ou du lieu de résidence.
Parce qu’elle pense global, l’écologie politique comprend la nature de la mondialisation. Elle
en connaît la valeur, en particulier son impact sur la cristallisation d’une conscience
planétaire. De même en reconnaît-elle les dangers, en particulier l’accroissement des
inégalités sociales aux plans local et mondial. La réalité urbaine de la France contemporaine
est celle de villes déstructurées toujours plus vastes, où convergent les cultures, les questions
et les visages du monde entier. Parce qu’elle pense à la fois global et local, l’écologie
politique comprend et embrasse aussi la diversité et la complexité de nos sociétés
cosmopolites.
Parce que la transformation écologique de la société coûte évidemment cher, nous devons
veiller à ce que son impact ne s'acharne pas contre les mêmes étages de la chaîne sociale, que
les efforts soient proportionnels à la richesse et que les effets économiques de cette
transformation profitent notamment en termes d’emploi comme en termes de revenus à celles
et ceux qui en sont privés. En France comme dans de nombreux pays, le système fiscal est
particulièrement inégalitaire et relativement inefficace. Il doit être repensé à l’aune de
l’urgence écologique, de la mondialisation des flux financiers et de la dématérialisation de
l’économie. Au mille-feuilles baroque et injuste issu d'une succession de réformes partielles et
incohérentes, il faut substituer une fiscalité mieux répartie et plus équitable où l’humain serait
réhabilité en lieu et place d'un productivisme aveugle et d’un consumérisme effréné. Sortons
de l’image d’une écologie punitive pour fonder les bases d’une écologie de la créativité et de
la réconciliation.
Une coopérative politique pour inventer, renouveler, accompagner et réconcilier
De la dynamique née des élections européennes et régionales, une nouvelle formation
politique est née. C’est ainsi qu’Europe-Ecologie-Les-Verts s’est constituée lors des Assises
de Lyon en novembre dernier. C’était une étape indispensable au dépassement de ce qu’avait
été jusque-là l’organisation de l’écologie politique en France. Mais Lyon n'est que le début de
la dynamique de l’écologie politique et de l'accélération du processus d’ouverture et de
renouvellement. Jamais dans la société française, la question écologique n'a autant animé les
esprits. La gauche modérée ou radicale, de même que le centre ou plus encore la droite
peinent à réviser leur matrice politique datant du siècle dernier. La présidentielle qui vient, au-
delà des coups de drague pour s’attacher un électorat écolo, va inévitablement montrer la
dissémination du logiciel écologiste dans la vie publique et toutes les questions laissées dans
le placard vont ressurgir comme autant d’impératifs repoussés.
Présidentielle encore, mais par la lorgnette de la sempiternelle question "aller ou pas à une
élection" éloignée de nos valeurs mais qui reste un moment rare de vie politique partagée par
tous les Français. La famille écolo s'anime pour ce débat et c'est tant mieux!
Aujourd’hui , on repère 3 positions dont les effectifs varient au fil de la situation politique :
- Il y a celles et ceux qui s’interrogent sur une candidature coûte que coûte
- Il y a celles et ceux qui soutiennent une candidature d’Eva Joly, parce qu’elle incarne le
besoin de justice d’une société française malade et symbolise cette explosion du champ de
l’écologie et de ses compétences au-delà des domaines où l’on avait voulu nous cantonner.
- Il y a celles et ceux qui soutiennent Nicolas Hulot pour tout ce qu’il représente notamment
en matière de prise de conscience publique et de défense de l’environnement.
Dans ces trois cas de figure, une chose est commune : celle ou celui que nous appuierons dans
cette élection n’appartiendra pas au cercle traditionnel de ce que représente EELV. Abstention,
exclusion, clientélisme : depuis des décennies, le fossé n'a cessé de se creuser entre politique
et société, au point d'amener une remise en cause profonde du système représentatif.
Mascarade, duperie, escroquerie... les termes utilisés traduisent une certaine fatigue de la
démocratie en Europe en général et en France en particulier. On assiste au divorce
démocratique entre un système partidaire fonctionnant hors-sol selon une projection
fantasmée du "peuple" et une société active, diverse, créative mais sans illusion sur la nature
et les formes du pouvoir qui s'exerce sur elle. Depuis une grosse décennie se succèdent
régulièrement des expériences sans lendemain pour surmonter ce divorce : collectifs anti-
libéraux, comités désirs d’avenir et MoDem ont tous procédé de logiques très différentes et se
sont tous abîmés dans la résilience ou le cannibalisme des appareils partidaires incapables
d'évoluer. C'est à la mesure de ces échecs successifs que doit s'apprécier la construction d'un
mouvement comme Europe Écologie. Certes le moment est propice avec l'amorce d'une réelle
prise de conscience élargie des enjeux environnementaux. Mais 20 ans après les premières
victoires électorales de mouvements écologistes, l'alchimie délicate d'Europe Écologie résulte
de la mise en présence de trois éléments fondamentaux : la nature propre de la pensée de
l'écologie politique, la forme particulière du parti Vert, tout à la fois solide et conscient de ses
limites, et l'influence décisive de figures de rassemblement, catalyseurs indispensables à cette
cristallisation inédite. Nous devons démontrer que cette dynamique d’espérance n’a pas cédé
devant la Realpolitik sclérosante des appareils parce qu’elle s’est structurée en mouvement
intégré. L’écologie pour tous, c’est un mouvement écologiste qui refuse le sinistre modèle
léniniste d’un parti-noyau se prenant pour l'avant-garde éclairée de la conscience écologiste,
et obnubilé par son fonctionnement interne au lieu de se préoccuper de son ancrage dans la
société, de son rôle de formation citoyenne et de sa capacité à renouveler ses réponses et ses
acteurs.
Devant l'ampleur des défis qui se profilent, la consolidation d'un mouvement écologiste
rassemblé tient désormais de l'ordre de la responsabilité historique. Ce qui cherche le jour,
c'est bien une forme politique inédite capable de mener la transformation de la société, sans
s'abîmer ni perdre son objet dans l'apathie qui affecte les partis politiques traditionnels. Une
forme politique singulière et diverse par nature, directement animée par la vitalité de la
société et sa biodiversité politique. Quelque chose qui demande à être et qu'il nous appartient
de faire advenir...