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Billet de blog 1 avril 2013

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"Riso Amaro", plaisanteries amères à l'italienne

Une nouvelle fois, quelques amis italiens plaisantent sur le sort politique de leur pays. Rien de quoi plaisanter pourtant. Comme le disait Massimo d'Azeglio il y a plus de 150 ans: "Abbiamo fatta l'Italia, bisogna fare gli italiani", (construite l'Italie, il faudra faire les italiens).

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Une nouvelle fois, quelques amis italiens plaisantent sur le sort politique de leur pays. Rien de quoi plaisanter pourtant. Comme le disait Massimo d'Azeglio il y a plus de 150 ans: "Abbiamo fatta l'Italia, bisogna fare gli italiani", (construite l'Italie, il faudra faire les italiens).

N'oublions pas que c'est quand même le pays de Antonio Gramsci, mais aussi celui de Benito Mussolini ou encore le pays des "Années de plomb", des brigades rouges et celui de la "banda Magliana".

La culture politique italienne peut être divisée entre l'avant et l'après Bettino Craxi. Berlusconi en est "son produit" et souvent nous l'oublions.

C'est à partir du gouvernement Craxi que la gauche italienne s'est ensevelie dans les sables mouvants, Occhetto, D'Alema, Prodi et Fassino puis Bersani, toute une armée de personnages inquiétants qui s'embrouillent les pinceaux. A tel point que beaucoup d'italiens commencent à penser sérieusement que le tout soit orchestré... et craignent que les expériences de la mort de Togliatti, de la Gladio, des accords entre CIA et mafia, de la P2 ou des infiltrés des années de plombs, fassent à nouveau partie des mécanismes politiques de leur pays. 

Les réactions et les événements forts liés à la politique italienne sont légion. Surtout lorsque le centre-droit et le centre-gauche auraient pu trouver un accord, comme le compromesso storico proposé par Berlinguer et Moro. Les deux trouveront la mort avant de pouvoir le mettre noir sur blanc.

Depuis plus de dix ans l'Italie nous "offre" deux phénomènes : Berlusconi / Grillo.

Du point de vue politique, nombreuses sont les différences entre les deux, mais ils utilisent presque les mêmes techniques de communication, et c'est cet aspect qui m'intéresse ici :

Le Storytelling.

Un usage stratégique des tempi (les rythmes) pour obtenir une tension permanente et être toujours à la une des médias, comme si une nouvelle "société du spectacle", plus violente encore que les précédentes, était au centre de leur pouvoir de communiquer. Ils utilisent les temps et les instruments médias aussi bien que les grands de la communication qui ont participé à la campagne de Obama. Berlusconi utilise les télévisions et les journaux, Grillo les réseaux sociaux, mais les temps sont les mêmes parce que ils décident exactement quand les citoyens ont soif de leur présence.

Narrateurs et orateurs, les deux ont construit une véritable histoire de leur personne, en étudiant a priori les destins individuels qui les rapprochaient le plus des citoyens italiens.

Berlusconi avec le rêve de la réussite et le buffonismo de la richesse d'un milliardaire, comme s'il avait construit son empire tout seul, comme s'il était un grand entrepreneur. Son attitude est imitée par la plupart des jeunes entrepreneurs italiens. Ces jeunes qui n'ont plus d'exemples de ceux qui étaient les vrais entrepreneurs italiens.

Grillo avec le "ras de bol" et l'anti-européen. Contre! "Mandiamoli tutti a casa" (renvoyons-les tous à la maison) était son accroche durant toute la dernière campagne électorale. Il a construit son personnage sur les base du théâtre italien, la commedia dell'arte est présente quasiment dans l'âme de ses discours et de ses meetings. Ce n'est pas par hasard que Dario Fo s'est rapproché de lui. Comme si la sceneggiata était l'instrument pour que le citoyen italien puisse changer véritablement son pays.

"Je me sacrifie pour le pays".

Je ne me suis pas du tout étonné quand Nicolas Sarkozy est rentré sur la scène politique en mars en utilisant pratiquement les même formules utilisées en Italie par les deux personnages/phénomènes Grillo et Berlusconi. Cela fonctionne à merveille! Pourquoi ne pas en profiter en France aussi ?! Mais sommes-nous sûrs que l'utilisation d'une campagne basé sur le dévouement engagé créera la même fièvre populiste qu'en Italie ? J'ai plutôt l'impression que le Français est à la recherche d'une proposition européenne, voire globale, au lieu d'un intérêt "nombriliste" de la politique. Là aussi l'exercice porte à créer une histoire. Cela frôle le folklorique, le rituel, la légende…

Ils affirment tous que s'ils se lancent en politique ce n'est pas pour faire de l'argent ou pour la soif de pouvoir, mais simplement parce qu'ils vont sauver le pays et pourquoi pas le monde. Il est étonnant de voir que l'idéologie, les idées, les programmes, n'ont plus de place dans leurs discours.

Serait-il le résultat de la complète défaillance de crédibilité des personnalités politiques en Europe ?

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