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Billet de blog 17 février 2025

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Un journaliste du Point menace un contributeur de Wikipédia

Qu'un journaliste d'un hebdomadaire français ayant pignon sur rue se livre à des menaces de révélations publiques sur l'identité d'un contributeur et d'interventions auprès de son employeur pour tenter de faire retirer une information sourcée, c'est une atteinte à la déontologie et à l'éthique inquiétante. Surtout quand il dit avoir l'accord de sa direction.

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Erwan Seznec n'est pas content. Pas content de plusieurs articles de Wikipédia, dont celui sur son employeur, Le Point. Erwan Seznec, qui n'est pas seulement journaliste mais aussi contributeur, a déjà dit en mars 2024 qu'il souhaitait un article faisant moins état des casseroles du journal. La page ressemblait alors à ça. Il souhaitait plus de faits positifs.  Sollicité pour fournir des sources avec lesquelles enrichir l'article, Erwan Seznec s'y était refusé.

Ce qui ne l'a pas empêché d'écrire en décembre dans un article du Point tout le mal qu'il pensait de Wikipédia. Selon lui, un monde peuplé de militants imposant des contre-vérités.  En donnant au passage les métiers et lieux de travail, réels ou supposés, des contributeurs de l'article ou de la page de discussion. 

Ce week-end, un contributeur, FredD, a fait des ajouts sur la page du Point, pour documenter le virage politique pris par ce journal depuis 2014.  Et Erwan Seznec n'a pas aimé non plus. Plutôt que de contester les sources, l'analyse rapportée ou son importance, il a eu une idée de génie. Ou pas : informer FredD sur sa boîte mail et sur son téléphone portable qu'il connaissait son identité Irl. En le menaçant d'intervenir auprès de son employeur si le texte n'était pas retiré. Et en faisant valoir que sa démarche faisait suite à des échanges avec sa hiérarchie au Point.

Inutile de dire que ces méthodes sont contre-productives : en général cela a plutôt tendance à braquer les contributeurs qu'à attiser leur sens du dialogue. Alors que factuellement, la page est déséquilibrée et a besoin de compléments pour donner une image plus équilibrée de ce journal.

Mais surtout, il s'agit de méthodes moralement condamnables. Le degré zéro de l'argumentation. Une atteinte à l'éthique et à la déontologie des journalistes. Il est vrai que ce journaliste a déjà dit s'asseoir sur les avis du Conseil de déontologie journalistique et de médiation, qui en février 2024 l'avait épinglé avec Géraldine Woessner pour « informations fausses ou trompeuses » à propos d'un article intitulé « Bayer, Syngenta : des fabricants de pesticides ont-ils vraiment menti sur la toxicité de leurs produits ? »

Et il est même possible que la méthode soit aussi pénalement condamnable. Car quand on dit autant de mal des contributeurs de Wikipédia, qui dans les fantasmes d'Erwan Seznec seraient, pour ceux qui interviennent sur les pages qu'il critique, tous des militants « radicalisés 2.0 » (et menteurs, faut-il le rappeler ?) , il n'est pas exclu que contacter l'employeur d'un de ces contributeurs vise à porter atteinte à son honneur ou à sa considération. Ce qui serait alors tout simplement du chantage. 

Toujours est-il que plusieurs contributrices et  contributeurs n'ont pas aimé, et commencent à le faire savoir dans une lettre ouverte entamée ce matin. Une lettre au ton neutre, signée aussi bien par des personnes de droite que de gauche ou du centre.

Mais pour rompre avec cette neutralité, un avis personnel : ces méthodes m'inspirent une grande crainte. Celle de voir l'information s'effacer au profit de la raison du plus fort. Il parait qu'aux États-Unis, ils expérimentent déjà. Et que c'est un phénomène qui se serait déjà produit dans l'Histoire.  Je vais faire un tour sur Wikipédia pour voir si un lien a déjà été fait entre bruits de bottes et post-vérité.

Edité le 24/2 pour correction de coquilles

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