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Billet de blog 26 mai 2008

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La saga Carrefour : Sa stratégie de conquête en Turquie (Lola)

En 15 ans d’existence, Carrefour SA est devenu le premier distributeur alimentaire et le plus gros employeur français en Turquie.Tout comme en Pologne ou au Brésil, en Turquie, Carrefour accélère l’ouverture de nouveaux magasins. Le mastodonte de la grande distribution n’a qu’une seule volonté : rafler les plus grandes parts de marché et faire du chiffre

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En 15 ans d’existence, Carrefour SA est devenu le premier distributeur alimentaire et le plus gros employeur français en Turquie.

Tout comme en Pologne ou au Brésil, en Turquie, Carrefour accélère l’ouverture de nouveaux magasins.

Le mastodonte de la grande distribution n’a qu’une seule volonté : rafler les plus grandes parts de marché et faire du chiffre

d’affaires !

Une stratégie d’expansion et d’acquisitions offensive

Le groupe Carrefour s’est installé en Turquie en 1993. Il s’est allié au conglomérat familial Sabanci, qui détient 40 % de sa filiale locale.

Depuis cette date, Carrefour SA n’a pas cessé de grossir et d'essaimer ses magasins à travers tous le pays. On en décompte aujourd’hui plus de 600. Avec 28 hypermarchés, 150 supermarchés, 271 magasins maxi-discount sous l’enseigne Dia, 155 magasins de proximité et 126 magasins Gima et Endi, Carrefour est devenu le leader du marché de la grande distribution en Turquie, devant le turc Migros et l’Allemand Metro.

Qui sème les grains récolte le profit: en 2007 la filiale Carrefour SA a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 1, 3 milliards d’euros.

Ce succès, carrefour l’explique par sa nouvelle stratégie de développement. Dès 2005, sous l’impulsion de son nouveau président, José-Luis Duran, le groupe a décidé de cesser son activité dans les pays où ses parts de marché étaient jugées trop faibles. Autrement dit, les pays où Carrefour n’entrait pas dans le palmarès des trois premiers distributeurs.

Aujourd’hui Carrefour privilégie son implantation sur des marchés émergents. Des pays comme la Turquie, la Chine ou encore le Brésil ne sont pas encore mature du point de vue de la grande distribution et offrent donc de grosses opportunités commerciales. Les bonnes places sont encore à prendre et les débouchés sont au rendez-vous. Carrefour l’a bien compris. La Turquie est dans le top trois des pays prioritaires du groupe en termes de stratégie de croissance.

Maintenant que Carrefour est bien implanté en Turquie, le groupe est passé à la vitesse supérieure: la consolidation locale et le rachat d’unités concurrentes sont ses nouveaux chevaux de bataille. Ce type d'acquisition permet de faire des gains de synergie importants et immédiats (production plus élevée, réduction des coûts, marketing local…). Il permet en outre de profiter de la notoriété de l’enseigne. C’est exactement l’esprit du rachat des enseignes turques Gima et Endi par Carrefour en 2005. Gima est la troisième chaîne de supermarchés avec 81 magasins dans le pays. Endi est le quatrième hard-discounter du marché et exploite 45 magasins. Cette acquisition permet en outre à Carrefour de se placer sur l’important marché urbain de la distribution de proximité.

Il est parfois bon d’avancer déguisé pour se rapprocher de la clientèle!

Les coups gagnants : les “coups” immobiliers

Pour que l’argent fasse des petits, Carrefour fait le choix de la stratégie gagnante mais prudente : celle qui consiste à s’éloigner de son coeur de métier en réalisant des investissements ciblés et rentables.

Il en est un qui mérite bien son pesant d’or : le coup immobilier. Il consiste à vendre le terrain de Carrefour à un acheteur en réalisant une plus-value et en s’y installant par la suite en tant que locataire.

En janvier 2008, Carrefour SA annonçait la vente de son terrain situé à Merter (Istanbul) à une joint-venture constituée entre Apollo Real Estate et Multi Turkmall, qui y développera l'un des plus grands centres commerciaux du pays. Un hypermarché Carrefour devrait y ouvrir ses portes en 2010. La transaction s'élève à 267 millions d'euros et donnera lieu à une plus-value d'environ 150 millions d'euro avant impôts.

"Cette transaction illustre un des moyens de création de valeur liée à la gestion du portefeuille d'actifs du groupe, lui permettant de contribuer à sa croissance future", conclut Carrefour.

C’est en France que Carrefour a développé cette grande recette. En 2007, le groupe a mis en bourse 20% du capital de sa filiale Carrefour property qui détient les 2/3 de ses actifs immobiliers (les terrains et les murs de ses magasins). Ainsi Carrefour paye ses loyers à sa filiale dont le seul métier est d’être propriétaire des magasins. Pourquoi diable un tel montage? C’est qu’en mettant en bourse sa filiale, Carrefour espère valoriser son capital et retirer la bagatelle de trois milliards d’euros.

La Turquie : un eldorado économique

La Turquie a longtemps été un pays de gros contrats pour la France, selon Jean-Antoine Giansily, l’ancien chef de la mission économique française d’Istanbul. “Le gaz d’Istanbul, le stade olympique Atatürk ou les turbines de barrages du Sud-Est anatolien en sont des exemples. Aujourd’hui, on s’attaque à la consommation” déclare-t-il.

Dans un pays dont la richesse nationale croît au rythme de 8 % par an, la marge de développement est considérable. De fait, la Turquie est de plus en plus décrite comme un eldorado économique. En à peine quinze ans, le nombre d’entreprises françaises implantées est passée de 15 à 250. Parmi elles, Darty, Renault, Carrefour, Michelin, Danone... La plupart sont désormais n° 1 en Turquie.

Des perspectives d’avenir ambitieuses

Il ne fait aucun doute que Carrefour va continuer à inonder le marché turc de la grande distribution au moins jusqu’à ce que le marché arrive à saturation. Pour l’instant la Turquie reste une poule aux œufs d’or et les projets d’investissements vont bon train. En 2005, le directeur Carrefour Istanbul, Luc de Noirmont annonçait au journal « Le Monde » que le groupe allait accélérer son développement “en ouvrant 5 hypermarchés et 80 Dia par an dès 2006”. Et d’ajouter “Nous avions besoin de nous renforcer sur le marché de proximité, crucial dans les grandes villes de Turquie. Avec Gima, c’est chose faite.”

Lola

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