L'Orient express (avatar)

L'Orient express

Abonné·e de Mediapart

12 Billets

0 Édition

Billet de blog 20 avril 2017

L'Orient express (avatar)

L'Orient express

Abonné·e de Mediapart

La fraude sociale : entre mythes et réalités

La fraude aux charges sociales non acquittées par les entreprises pénalise la Sécu 10 fois plus que celle des usagers de cette dernière...

L'Orient express (avatar)

L'Orient express

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La fraude sociale : qu’est-ce que c’est ?

Quand on parle de fraude « sociale », il s'agit de deux choses : la fraude aux prélèvements (les « charges sociales » non payées par les employeurs) et la fraude aux prestations (la fraude des usagers ou des professionnels de santé, en dépenses de santé). L’opinion publique, influencée par les médias et nombre de responsables politiques, ne retient que la fraude des usagers. Or, cette fraude représente 1/10ème de la fraude des employeurs. Est-ce un effet d’optique ou une manipulation de l’opinion ?

La fraude aux prélèvements (cotisations des employeurs)

Le non versement de cotisations sociales (aux URSSAF, qui servent à payer la sécurité sociale) est estimé entre 20 à 25 milliards d’euros. On peut comparer ce montant aux 458 milliards d’euros que représentent chaque année les dépenses de santé et les allocations en France. Les fraudes détectées – mais pas toujours sanctionnées – ne sont que de 300 millions d’euros environ. Pour la plus grande part, il s’agit de travail dissimulé (travail « au noir »), le reste est lié à la sous-traitance et au détachement de personnel, non déclarés. Ces chiffres ne comprennent pas les ménages employeurs (personnel de service) ni les entreprises d’une seule personne. En cas de poursuites judiciaires, seules 10 à 15% des sommes détectées lors des contrôles sont récupérées.

La fraude aux prestations (consommations de santé et allocations)

On l’estime entre 2 et 4 milliards d’euros, dont 300 millions sont réellement détectés (la même somme que pour les fraudes aux prélèvements). Il y a la fraude des usagers : falsifications de carte vitale, escroqueries aux indemnités journalières (arrêts de travail), RSA perçu alors qu’on n’y a pas droit)… Et la fraude des professionnels du soin (médecins, infirmiers, ambulances, cliniques privées…) : surfacturation, fraudes à la nomenclature… La part des soignants et des établissements de santé représente 70% du total des fraudes à l’assurance maladie. Dans les estimations de cette fraude, on ne compte pas les économies faites par l’interruption d’une prestation, comme les arrêts de travail après un contrôle.

Que penser de ces comparaisons ?

Les responsables principaux de ce manque à gagner de la Sécurité sociale ne sont pas les usagers mais d’abord les entreprises, puisque leur fraude est estimée à 10 fois celle des usagers, alors que les contrôles permettent de déceler le même montant pour les deux. Autant dire que les contrôles sont surtout dirigés sur les usagers. Et qu’ils sont beaucoup moins efficaces chez les employeurs. Mieux lutter contre la fraude des employeurs est difficile car cela concerne souvent des petites entreprises qui ne pourraient survivre si elles déclaraient le travail dissimulé. A cause des problèmes de concurrence internationale.

En contrepartie : le non-recours aux soins et aux allocations

En même temps qu’on accuse les usagers de fraude, on ne parle pas de ceux qui ne recourent pas aux soins ou aux droits et qui sont les plus démunis. Quelques 10 milliards de prestations seraient ainsi inutilisés (pour le RSA, les allocations familiales ou les allocations logement mais aussi la CMU-C, l’AME et l’ACS). En effet, les personnes concernées se sentent stigmatisées, en partie à cause des campagnes sur la fraude, et parce que les démarches à faire sont complexes. De ce fait, l’économie ne profite pas de l’effet que la redistribution de ces moyens produirait sur l’activité (les personnes étant moins démunies pourraient consommer plus). Au contraire, la politique d’austérité continue, tout en pointant du doigt les prétendus auteurs de fraude qui en sont les moins responsables.

Ce texte est extrait du cordel publié par les outilsdusoin.fr.

Pour consulter et télécharger la version complète de ce cordel : http://www.outilsdusoin.fr/spip.php?article157

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.