La justice est un domaine dans lequel les marges de manoeuvre sont restées très étriquées.
Il existe un espace de liberté, bien entendu, mais étroit.
Certains avocats ont pris cette liberté d'avoir une parole très libre - les avocats autorisés, car les juges n'ont pas la même indulgence pour tous les avocats -, mais dans la très grande majorité, les prévenus et témoins, qu'ils soient célèbres ou anonymes, ont toujours respecté ce cadre empreint d'une immense déférence envers la justice.
Hier pour moi une petite révolution s'est produite.
La prévenue Alexandra De Taddeo s'est présentée, sublime et impériale, en robe de sirène.
Trois témoins autorisés à déposer à la barre se sont exprimés dans le texte de Molière, avec un certain talent.
Ces dépositions ont été pour le moins mal accueillies par la 17ème chambre qui fait d'ordinaire preuve d'une grande indulgence à l'égard des intervenants.
Cette chambre se distingue en effet pour sa très grande libéralité, dans la tenue de ses audiences comme dans ses décisions d'ailleurs.
La Présidente a ordonné une suspension à la suite de la première déposition de témoin et a interrompu la deuxième afin de signifier au témoin qu'il devait être bien attentif à ne pas se rendre coupable d'outrage à travers sa déposition à venir.
Etait-ce là pourtant une révolution qui méritait ces actes d'autorité ? Aucune attitude agressive de la part des témoins, moins encore de menaces, d'invectives, de ton grossier.
Ces dépositions spontanées n'étaient certainement pas habituelles mais portaient-elles vraiment atteinte à la sérénité des débats ?
Richard Malka encore, l'avocat de la partie civile Benjamin Griveaux, qui jusqu'ici s'est publiquement beaucoup présenté comme l'avocat qui fait primer la liberté d'expression devant d'autres valeurs jugées plus traditionnelles m'a surprise en faisant le reproche aux prévenus de confondre procès et festival de Cannes.
Il est à mon avis bien rétrograde de moquer une personne parce-qu'elle ne respecte pas une étiquette vestimentaire.
Quand je lis les récits de presse, je suis étonnée que tous les journalistes s'offusquent de ce procès : "un tribunal n'est pas un spectacle " lit-on en substance partout.
Tout ceci est pourtant bien une imposture comme ont tenté de le dire les trois courageux témoins qui sont venus déposer à la barre.
On cherche par tous moyens à décrédibiliser la parole des deux prévenus car il ne respectent pas le protocole et le corps social considère qu'ils ne sont pas autorisés à le faire.
En France, on autorise certains à ne pas respecter le protocole.
Le Garde des Sceaux est autorisé à faire des doigts d'honneur à l'Assemblée nationale.
Richard Berry ou Dupont Moretti sont applaudis pour transporter sur scène ce qui se passe dans un tribunal. Pourquoi l'inverse choque-t-il tant ?
Au fond que juge t- on, qu'est-ce qui vaut des réquisitions aussi fermes telles que 6 mois d'emprisonnement ferme ?
Benjamin Griveaux s'est présenté dans le cadre de sa candidature d'édile de Paris comme un heureux mari et père de famille nombreuse.
Un site internet a diffusé des images de cette même personne se masturbant et il n'est pas contesté que ces images ont été filmées par lui et adressées par lui-même à une autre personne que son épouse.
Comment cette divulgation a été accueillie ?
Des voix de tous bords se sont insurgées à l'encontre de cette violation de la vie privée, de l'atteinte à la démocratie, on a décrié des méthodes dignes de la STASI, à des fins de déstabilisation politique.
Moi je m'insurge de la chose suivante. Un organe de presse est tenu à une certaine déontologie. Il me semble que s'il y a une atteinte à la démocratie ici il faut aussi s'interroger sur l'attitude de la partie civile et du journal.
Il ressort des informations relayées par la presse que l'envoi des video litigieuses est concomitante au reportage du journal faisant apparaitre le candidat comme un mari et père irréprochable.
Cet organe de presse, qui a une responsabilité dans la sauvegarde de la démocratie, et qui fait pourtant paraître un article sans vraisemblablement de vérification indépendante, est susceptible de porter atteinte à cette sauvegarde de la démocratie.
En effet, le reportage de Paris Match ne doit-il pas dans ces circonstances être regardé comme une "fake news" ? Il rapporte en effet sans doute quelque chose qui n'existe pas puisque Benjamin Griveaux n'est peut-être pas complètement ce mari exemplaire décrit à l'envi dans l'article.
Mais on ne dit pas que Paris Match fait des fake news car Paris Match est un journal autorisé.
Il n'existe pas cette culture en France de contredire la présentation que donnent d'eux-mêmes les hommes politiques.
Mon propos n'est pas de juger l'attitude de Benjamin Griveaux lorsqu'il envoie ces video.
J'accuse cependant cette imposture ambiante qui dénonce cette atteinte à la vie privée - certaine - sans dénoncer cette atteinte à la démocratie par la présentation faussée d'un candidat avec la complicité d'un journal.
C'est cette tartufferie que je souhaite dénoncer.
Le premier problème ici à mon sens est que le candidat à la mairie de Paris du parti majoritaire en France a dans une certaine mesure trompé son monde en se présentant, à des fins électorales, comme un mari modèle au sens de la morale actuelle d'une part qui réprouve encore les relations extraconjugales ou à tout le moins la pratique des dick pic à d'autres que son conjoint et au sens du droit d'autre part en ne respectant pas son obligation de fidélité à l'égard de son épouse.
Le second problème est que le journal a peut-être trompé son lectorat en ne précisant pas sur son article qu'il s'agissait d'un "publi reportage"et non pas d'un reportage indépendant.
En effet, dans la mesure où ce reportage apparait avoir été orchestré par le principal protagoniste, sans possibilité vraisemblablement pour l'organe de presse de mener sa propre enquête, il me semble qu'une telle mention devrait apparaître.
Sur le droit, je trouve les réquisitions sévères dans la mesure où jusqu'ici, aucune affaire dite de "revenge porn" n'a fait l'objet d'une condamnation au-delà de 6 mois d'emprisonnement avec sursis.
Ce dossier a fait l'objet d'une instruction conséquente - 7 tomes - et le Procureur a requis une peine particulièrement sévère, 6 mois d'emprisonnement ferme pour Pavlenski et 6 mois avec sursis pour Taddeo alors qu'elle conteste avoir diffusé les video.
Il ne me semble pas que d'autres dossiers de cette nature - infraction dite de revenge porn prévue à l'article 226-2-1 du Code pénal - aient jamais fait l'objet d'une instruction d'une part et d'autre part que des peines aussi sévères aient été prononcées.
Il y a eu à mon sens dans ce dossier une prime donnée à la notoriété de la victime et au vertige de sa chute.
Mais d'autres n'ont-ils pas chuté avant lui de manière tout aussi vertigineuse ?
Jérôme Cahuzac n'est-il pas également victime d'atteinte à sa vie privée quand les extraits d'enregistrement diffusés l'amènent à quitter le gouvernement ?
Il y a à mon sens quelque chose de fou en France qui n'est pas réglé avec la sexualité.
Elle doit être libre, elle doit être intense, elle doit être secrète, elle apparait presque comme une liberté qui est au-dessus de tout.
Mais cela est une imposture, car alors, pourquoi Benjamin Griveaux ou Paris match ne font pas état dans leur reportage de cette fantastique ouverture sexuelle dont il jouit ?
La diffusion de la vidéo a mis à jour que Benjamin Griveaux avait inventé une histoire de mari idéal, - car cela a encore son importance dans la société actuelle -, avec la complicité de Paris Match, à des fins électorales.
Aujourd'hui, trois ans après les faits, tout le monde s'émeut de ce qu'il aurait été piégé par une sublime jeune femme et un sulfureux artiste activiste russe, des personnes susceptibles de porter atteinte à la démocratie française.
Personne ne s'émeut qu'un candidat à la mairie de Paris du parti majoritaire français ait trompé son monde en complicité avec un des principaux organe de presse français, car la liberté d'avoir une vie sexuelle épanouie en France prime pour les dirigeants politiques sur la liberté des citoyens d'avoir accès à une information sincère de la part de leurs dirigeants politiques et à travers les organes de presse qui relaient ces informations sur les gouvernants.