Je veux être moi-même,
sans bagouts ni dédoublements,
avec la beauté des choses anciennes
que j’ai quintées,
dites autrefois et qui me délaissent
sans mots d’adieu.
J’ai essayé de saisir la main d’un ciel disparu.
Une pavée usée, comme une fumée,
ne supporte plus le vent d’Ouessant.
Et puis…
J’ai essayé.
Tu ne vois plus rien.
On m’a enseigné, de même,
le faux de chair que les tirs n’ébranlent,
les tombes que l’on racine
avec des bombes.
La petite fille
qui vient de perdre la vue.
Je l’entends : le risque d’Hiroshima
dans des quartiers de Palestine.
J’entends aussi la voix d’un vieillard
qui dit ses songes d’oiseau,
et la clameur des entassés.
J’ai beaucoup lutté contre ces voix,
vois-tu ?
Mais
la chambre n’a plus
de remparts,
et ses rideaux n’étouffent pas les cris.
Est-elle encore debout,
la maison familiale de Darwish,
un lieu éternel ou un lieu de tourments ?
Je veux être moi-même, dis-je.
Mais jamais le lit
ne m’a autant manqué,
jamais le lit n’a été aussi proche.
Je veux être moi-même,
avec un peu de dédoublement :
un Salah Edin à Ben Yehuda,
évoquant Hockel comme
un exemple terne
que personne ne voit frémir.
Je veux être moi-même.
Mais après trente ans,
Gonaïves et Port-au-Prince
ne sont plus la même amitié.
Le sommeil n’a jamais été
aussi proche,
et vivre le monde – moins inutile.
LA