Sa stratégie est connue, détruire l’État pour servir le capital et bâillonner les oppositions.
Les services publics, promoteurs d’égalité, ont été rognés, réduits, débilités, vidés de leur substance, rendus inefficaces. Les administrations ont été privées de leurs compétences à coups de réductions d’effectifs et d’appels d’offres, au bénéfice d’intérêts particuliers. Elles sont ainsi, au prétexte d’efficacité, insidieusement et progressivement privatisées, soumises aux lois du marché, concurrence et rentabilité, profit et dégradation des services rendus. Elles le sont aussi par le transfert des biens publics aux investisseurs privés. C’est ainsi que les hôpitaux sont dépossédés de leurs murs, devenus propriété de fonds d’investissement dont la marge, toujours excédant la rentabilité des établissements, est payée par l’argent public. Le tribunal judiciaire de Paris ne s’appartient pas, il est la propriété, meubles inclus, d’une société privée qui le loue au ministère de la Justice. L’Éducation nationale, avec l’aval de Macron, finance les établissements privés catholiques dont l’ambition est de miner l’école publique pour s’y substituer progressivement. La liberté des universités est sous contrôle autant qu’elles sont soumises à des exigences de « rendement ». L’eau, bien commun, est transformée en marchandise sans concertation sur son usage et sa distribution. Les transports sont morcelés, les chemins de fer entre régions, les bus entre lignes, entre quartiers, transférés aux entreprises privées au motif de la saine et libre concurrence. La police, dévoyée de sa mission de service à la population, est défaite en force brutale, découplée en polices nationale, municipales et sociétés de « sécurité privée »… Tout est transmis à des potentats qui accaparent et s’arrogent le pouvoir de décider.
L’égalité sous ses diverses acceptions, civique, politique, économique, sociale, culturelle, si elle n’a jamais été totalement effective, a durant les mandats de Macron profondément régressé. Les droits à la santé, à l’éducation, au travail, au logement ou à la sûreté, à la dignité, tout comme ceux de l’enfance, ne sont plus universels, ils sont à présent conditionnés à des critères extra-républicains comme l’origine, le lieu de résidence, la condition sociale. Sur ces sujets, Macron et ses gouvernements n’hésitent pas à reprendre les idées des extrêmes droites. Les inégalités économiques, déterminantes, sont à nouveau ce qu’elles étaient au 19ème siècle ou dans l’Ancien régime. Rentiers, actionnaires et financiers ont la besace bien garnie par l’argent public détourné à leur profit, quand leurs pouvoirs illégitimes n’ont jamais été aussi protégés par l’Etat. Ici la mesure des régressions s’évalue en siècles.
La citoyenneté est étroitement circonscrite à ce qui ne compromet pas la marche des affaires. Elle est ravalée aux seuls jours de vote, toute expression hors ceux-là est réprimée. Syndicale, associative, sociale, solidaire, voire internationale, l’action civique devient criminelle. Bien qu’étroitement surveillées, il est difficile d’enchaîner les volontés, soudain elles font émeutes, elles font gilets jaunes, bonnets rouges, Kanakie, Sainte Soline, Martinique, disent non à la réforme des retraites, pour la Palestine, toutes manifestations éminemment civiques, ou citoyennes. Auxquelles répondent les violences, les mutilations et les meurtres par la police. La régression sociale s’accompagne - mais n’est-ce pas le même trait ? - d’une régression démocratique.
L’opposition sociale-technocratique à Macron, qui se satisfait de modifier les seuls paramètres du capitalisme et non de combattre son idéologie et son emprise, ne le conteste pas mais au contraire le consolide. Elle l’accrédite d’une valeur de véracité et ce faisant, sert et amplifie sa mainmise sur la nation. En adoptant son langage et ses critères, elle s’accorde à son idéologie, qui demeure le premier trouble à l’ordre démocratique. Toute opposition qui ne condamne pas le capitalisme le conforte et le renforce car la démocratie, régime de liberté et d’égalité, est incompatible avec lui. Toute volonté démocratique ne peut que s’y opposer pour faire cesser la ruine de l’Etat que Macron et ses gouvernements continuent après leurs prédécesseurs, et les régressions qui s’en déduisent.