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Louis Albert SERRUT

Auteur, essayiste. Docteur en sciences de l'Art (Paris 1 Panthéon Sorbonne)

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Billet de blog 4 février 2024

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Attal, du vieux sous allure jeune

Macron a choisi un premier ministre d’allure jeune. Ce fut un des critères de son choix, n’en doutons pas. Mais sous son allure jeune, Gabriel Attal pense comme le président, partage sa pensée conservatrice, droitière, réactionnaire. Nous avons déjà pu le constater durant ses brefs séjours aux ministères avant sa nomination à Matignon.

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Aux Comptes publics, Attal a fait siennes les antiennes et vieilles ficelles de droite, la réduction des déficits, la fraude sociale, le désir d’autorité dans le pays…

A l’Education nationale, nourri par sa scolarité au sein de la très privée et sélective École alsacienne, il a poursuivi la reprise des rengaines anciennes portées par les droites et extrêmes droites. Il a débuté par une tonitruante interdiction des abayas à l’école, enchaîné avec l’expérimentation de l’uniforme, réintroduit le redoublement, poursuivi par la casse du collège unique en créant des groupes de niveau. Il a eu le temps enfin d’amorcer la réforme du brevet qui instaure un concours d’accès au lycée.

Toutes ces mesures sont d’ordre réglementaire, elles lui ont évité le débat et le vote d’une loi. Elles permettent, sans l’annoncer, de discriminer les élèves, les trier et les sélectionner au plus tôt. Transformant la formation des enfants en parcours compétitif, la réforme du brevet introduit, à l’âge où doit se former la connaissance, la notion parasite de concurrence et de rivalité. Les prépas au brevet qui sont la conséquence de cette réforme seront accaparées par les familles aux revenus supérieurs et les officines d’enseignement privé, l’éducation nationale restant la parente pauvre à laquelle seront chichement comptés les moyens.

Ces nouvelles règles traduisent la volonté du ministre, du gouvernement et du président de restreindre le nombre d’élèves admis au lycée, ce qui frappera au premier chef les populations les moins dotées en capital économique et capital culturel. Il s’agit bien d’une régression sociale et démocratique mise en œuvre autant que d’une politique de classe dans un pays dont la devise égalitaire disparaît un peu plus encore.

La méthode Attal est à présent connue, qui consiste à s’approprier des sujets qui font discussion dans l’opinion, d’en tirer une décision politique et de la médiatiser avec tout son talent de communicant. Mais cette méthode lui suffira-t-elle à Matignon ?

 Sa déclaration de politique générale a été l’occasion d’entendre la ligne qu’il entend suivre. Sans surprise, il a renouvelé son mépris pour les citoyens, appréhendés par classes. Il prétend, dans un calcul électoraliste non dissimulé, privilégier les seules classes moyennes sans toutefois n’annoncer aucun moyen. Les services publics de l’éducation, de la santé, des transports, laissés sans ministre de tutelle, sont abandonnés à leur sort, c’est-à-dire à leur disparition par épuisement au profit des intérêts du secteur marchand privé. Les pauvres quant à eux, c’est-à-dire tous les salariés, les retraités, les sans emploi, les précaires, les sans domicile, les bénéficiaires des minima ASS ou RSA seront encore un peu plus taxés, l’énergie, l’électricité un peu plus hors de prix. Mais son silence a été complet sur la taxation des rentes, plus hauts revenus, des patrimoines, de la richesse accumulée. Nous pourrions presque, à tendre l’oreille, dans une inversion des mots, l’entendre maudire ces salauds de pauvres, fainéants, profiteurs, resquilleurs, tricheurs, fraudeurs.    

 Le mouvement des agriculteurs, première épreuve du nouveau premier ministre, a été résolu par l’acceptation de toutes les demandes des syndicats, dont la toute puissante fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Annulation de la taxe sur le carburant agricole, suppression des normes et règlements au nom de la simplification, annonce du contrôle de l’application de la loi Egalim, défense de l’agriculture et des produits français, sorte de préférence nationale, contre les règles européennes et la politique agricole commune (PAC). Alors que le ministre de l’intérieur fermait les yeux sur leurs débordements et retenait les forces de l’ordre, Attal accordait en outre aux syndicats d’agriculteurs la fin de toutes les dispositions permettant de préserver un tant soit peu la biodiversité (pause du plan de réduction des pesticides, fin de protection des zones humides, de l’indépendance de l’agence de la biodiversité) et ainsi la santé des citoyens, laissés au bon vouloir des préfets et des circulaires qu’ils reçoivent du ministère de l’intérieur.

 La ligne politique de Gabriel Attal est, de son propre aveu, celle du président de la République. Sans expérience ni convictions sur nombre des politiques publiques qu’il aura à conduire, il continuera d’épouser fidèlement l’indécision présidentielle et ses revirements. La jeunesse est la possibilité que se donne Macron de faire accepter, sous une apparence juvénile, un pouvoir élitiste de plus en plus replié sur lui-même, de plus en plus étranger aux réalités et toujours plus tourné vers l’extrême droite.

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