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Louis Albert SERRUT

Auteur, essayiste. Docteur en sciences de l'Art (Paris 1 Panthéon Sorbonne)

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Billet de blog 5 juillet 2022

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Sémantique événementielle ou le discours phénoménal

Le surgissement dans le monde du discours du président de la fédération de Russie nous oblige à réfléchir à la nature de l’événement et aux conditions de sa possibilité. Quel lien peut relier ce discours particulier à l’événement ?

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Le surgissement dans le monde du discours du président de la fédération de Russie nous oblige à réfléchir à la nature de l’événement et aux conditions de sa possibilité. Conséquemment et plus largement, il amène à observer au regard de l’histoire humaine récente - celle du langage et de l’écrit - quelques événements similaires par leur incidence, leurs répercussions et conséquences pour un grand nombre d’individus, la multitude. Il est remarquable qu’à chacun de ces événements semble correspondre un discours particulier. Lexique, sémantique et rhétorique sont alors mobilisés pour produire un discours spécifique à l’épisode. Quel lien peut relier ce discours particulier à l’événement ? Le discours est-il l’origine de l’épisode ou résulte-t-il a posteriori d’une pensée qui s’est révélée, répandue et devenue principale à la faveur de la séquence ? La durée des effets de ces discours phénoménaux est-elle perceptible et de quelle ampleur est-elle ? Enfin, une correspondance peut-elle être décelée entre la nature du régime politique producteur du discours et la nature de ce dernier ?

Quelques discours spécifiques

Le maintien de la langue latine par l’appareil ecclésial chrétien introduisit un corpus de termes et de propositions lexicales qui ne cessera pas d’être augmenté jusqu’au XIXème siècle, dans une logique totalisante qui visait au contrôle des individus dans toutes les composantes de leur existence. Instrument d’influence, le discours visait aussi, par son élitisme, à exclure de sa connaissance et de son usage les incultes, les populations laborieuses, la plèbe. C’était la langue d’un discours de pure représentation. Pour ces populations, l’incompréhension de la langue ajoutait à son mystère un effet de domination, elle lui conférait une puissance supplémentaire, celle de l’autorité du savoir. L’épisode des croisades fut lancé et entretenu par le discours des plus hautes autorités chrétiennes, les papes successifs. Leur prédication fut un discours d’incitation et de provocation, de rivalité et de concurrence, de revanche et d’affrontement, d’anathèmes et d’expiation, de haine et de ressentiment. Le phénomène qui se répéta durant trois siècles fut particulièrement productif d’un discours spécifique, de justifications, de conquêtes, de reniements, de colonisation et de violences, de guerres et de cruauté. Il faisait réponse à un autre discours totalitaire spécifique, propulsé par la langue arabe devenue au VIIème siècle la langue de l’islam. Les deux expressions se nourrissaient chacune d’un référentiel compilé dans un livre, la bible pour l’une et le coran pour l’autre. Le phénomène des discours rivaux a instauré des ruptures qui perdurent encore dans les cultures et la géographie politique autant que dans les imaginaires.

L’esclavage est une institution immémoriale et universelle, ou un fait primordial[1]. En Afrique, la traite transsaharienne vers les pays arabes est ancienne, liée à l’expansion de l’islam. L’esclavage et la traite furent, dès les grandes explorations du XVème siècle, actualisées et développées par les nations européennes avec la traite transatlantique vers les Amériques. Un vocabulaire et une production théorique répondirent à la nécessité d’accréditer l’esclavage et de justifier la déportation, leur donner un statut et un cadre juridique. Les licences (asiento), la plantation, la traite négrière, les négriers et navires négriers, les pièces, les esclaves, le commerce triangulaire, les compagnies, les sociétés par actions[2], tout un lexique se développa, toute une rhétorique expliquée et confortée par la théorie de la race - infériorisation et supériorité naturelles - servit une économie nouvelle. Les séquelles socio-économiques et culturelles sont toujours vives dans les pays destinataires des deux Amériques mais le discours esclavagiste et ses préjugés ont été diffusés et imprègnent à présent toutes les régions du monde. « …considérée comme une simple étape de l’histoire de l’Afrique Noire, la traite revêt justement cette importance particulière et fondamentale d’avoir été la forme sous laquelle l’Afrique et les Noirs entrèrent dans la conscience de ce monde où nous vivons aujourd’hui et dont les jalons furent posés au XV° siècle par l’expansionnisme européen le long des côtes atlantiques de l’Afrique. » [3]

Toute période révolutionnaire est par nature propice à la constitution d’un langage nouveau en rupture de l’ancien qui reflète la société à changer. « La conscience de faire voler en éclats le continuum de l’histoire est propre aux classes révolutionnaires dans l’instant de leur action » écrivait Walter Benjamin[4]. La révolution française de 1789 est de toutes la plus prolixe. Une abondance de textes, de publications diverses, de billets, journaux, manifestes, produits dans toutes les catégories de la population et accompagnant la constitution des nouvelles institutions politiques, répandit une forme lexicale spécifique, largement  nourrie par les productions théoriques antérieures, celles des penseurs et philosophes des Lumières et leur discours émancipateur des structures d’ancien régime. Prenons pour exemple le seul concept de citoyen dont la publicité extraordinairement abondante répandit le terme jusqu’aux strates les moins éduquées de la population. Ainsi également de la liberté, de l’égalité, de la République, de la civilité, du vote ou de la représentation. La pensée la plus théorique se trouvait, par l’intermédiaire de groupes, de clubs, d’auteurs, distribuée au plus grand nombre.[5] Il n’est pas besoin de rappeler quelle fut la diffusion contemporaine de ces idées, ni quelle postérité la période laissa durablement dans le monde.

La découverte et l’emploi d’énergies nouvelles, la vapeur et l’électricité, au XVIIIème siècle furent au sens premier du mot une révolution énergétique qui se développa rapidement au XIXème siècle en Europe. Ces énergies devenues disponibles favorisèrent le développement de la production industrielle. Pour comprendre, expliquer et justifier l’expansion commerciale qui en découlait, une science nouvelle apparut, l’économie[6]. La science économique élabora un discours dont les concepts imprègnent encore aujourd’hui la pensée et la politique contemporaines : le travail, la concurrence, le rendement, la productivité, la compétitivité, l’investissement, le capital…[7] Le discours économique est entré dans l’enseignement en France dans les années 1970 avec l’invention d’une troisième voie entre lettres et sciences, la filière économique et sociale[8]. Cette science fournit aux politiques les éléments d’organisation capitaliste des sociétés. Devenue toute puissante et dominante, elle impose désormais sa doctrine, capitaliste, elle a pris le pouvoir en France[9] et partout dans le monde. Ceci est manifeste partout où les règles, les instruments, les logiques économiques sont reprises et imposées par les institutions internationales financières et commerciales autant que par les pays des économies dominantes.

Concomitamment, la naturalisation de la guerre, fondée sur les temps les plus anciens de l’humanité, justifiait l’impérialisme colonial et la logique capitaliste d’accaparement. La recherche préhistorique, mobilisée à cette fin, permettait cette naturalisation. « La division entre Paléo et Néolithique, proposée en 1865 par John Lubbock, associe à une progression dans le temps un progrès dans la maîtrise des outils, du silex taillé au granit poli, et fait de cette maîtrise technique le critère déterminant de distinction entre les périodes de développement de l’humanité. Les armes en font partie, ces « beautiful weapons »[10] qui suscitent l’admiration du savant anglais et ouvrent la voie au progrès technique, c’est-à-dire, en somme, au bout du processus, au complexe militaro-industriel dont on a vu que l’Allemagne nazie, en 1936, reprenait à son compte la célébration préhistorique et moderne. »[11] Le colonialisme du XIXème siècle, qui se substituait à l’esclavage et la traite désormais condamnés et interdits, suscita un ample narratif qui lui fournit des arguments économiques, sociaux, philosophiques, religieux et politiques. La science dans tous ses états écrivait ce récit de circonstance alors que les corps expéditionnaires étaient déjà partout à pied d’œuvre pour imposer par la violence la domination des nations impériales. Les conséquences de la colonisation sont vivaces dans les relations entre Etats, toujours définis en colonisateur ou colonisé. Un vaste mouvement, décolonial, s’efforce de changer cette perception dans tous les domaines et d’y substituer des relations égalitaires.

La langue du troisième Reich allemand, finement observée et analysée par Viktor Klemperer qui eut à la subir et l’expérimenter[12], est sans doute l’exemple le plus probant de l’adéquation d’un projet et de sa sémantique propre. Au fil de son déploiement, le parti nazi constitua son discours avec des éléments de natures diverses et de disciplines scientifiques multiples (cf. supra). « Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. »[13]  Klemperer assimile la langue à un poison « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. »[14] Mais dès ses premiers temps, ses prémisses même, le nazisme fonda son discours sur un phénomène que la chrétienté avait vulgarisé, un discours antérieur, la haine du juif. Cette reprise, base de son propos et de sa rhétorique, assura au nazisme une audience large à son discours et la complaisance, sinon l’adhésion, d’une grande part des populations non-juives partout en Europe. Le discours nazi, criminel, a été condamné et interdit dans de nombreux pays. Il n’en demeure pas moins toujours actif dans des circonstances et des régions où son utilisation sert des politiques locales, il reste un repère pour nombre de groupes qui s’en réclament partout dans le monde, qui se définissent néonazis par rapport à lui.

Le gouvernement de la République populaire de Chine a entrepris en 2017 sur son territoire une vaste opération de déportation des populations Ouïgours. Il s’agit d’enfermements de masse à visée de rééducation qui s’inscrivent dans une politique de répression violente, et sans fin par sa nature et ses objectifs. Les « quatre ruptures » données en instructions aux policiers par Chen Quanguo, secrétaire du Parti communiste chinois du Xijiang, consistent à casser les lignées familiales, les racines des populations, leurs relations et même leurs origines[15]. Ces opérations sont régies par une rhétorique et un vocabulaire qui masquent ou travestissent la réalité. Ainsi, sont utilisés des termes qui inversent les faits par l’inversion du sens des mots. Elèves, étudiants ou stagiaires désignent les détenus. Les centres de formation professionnelle sont des camps, des centres de détention et d’internement réservés aux populations musulmanes. Le « déplacement » des populations, entre 900 000 et 1,8 million de détenus Ouïgours, est bien une déportation de masse. Les cours et l’éducation sont des programmes de rééducation. Il s’agit d’une colonisation par les populations Han qui, comme au Tibet, remplacent ici les populations du Xijiang[16]. Tous ces actes, notamment la déportation au sein d’un État, contreviennent aux traités internationaux et aux principes de la Convention des droits de l’homme. Ces faits explicitement décrits et néanmoins dissimulés par le gouvernement chinois malgré les faits établis et leur publicité, ne seront pas sans conséquence durables pour les populations concernées.

Le président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine a élaboré en ce début de XXIème siècle, depuis son élection en 2000, un récit de l’histoire de la nation russe qui lui fournit les arguments et les justifications politiques, sociales, religieuses et militaires pour déclencher des guerres contre les pays limitrophes en vue de les soumettre. Composé tout autant par référence à la période de l’Union des républiques socialistes soviétiques qu’au passé plus ancien, réécrit selon son dessein impérial, le récit poutinien use d’un lexique et d’une rhétorique adaptés à son objectif. Concernant l’Ukraine, État internationalement reconnu, il considère qu’elle n’existe pas, qu’elle est partie de la Russie et que la détruire n’est donc pas un acte de guerre mais « une opération spéciale » menée militairement sur une partie du territoire russe. En justification de cet acte de guerre qui ne dit pas son nom, Poutine prétend empêcher le génocide des populations russophones de l’Ukraine. Il affirme également que l‘Ukraine doit être dénazifiée, les Ukrainiens sont des nazis qui préparent des agressions tantôt militaires, tantôt nucléaires, contre la Russie, ou conspirent pour la détruire. Le discours renverse la sémantique, les faits sont inversés, le sens des mots est contradictoire à la réalité constatée. Le journaliste devient mercenaire terroriste, le pays envahi devient territoire libéré, les agresseurs sont les victimes et la victime devient bourreau. Le discours inverse aussi le sens du terme nazi en qualifiant les Ukrainiens de néonazis. Poutine use de tous les moyens de propagande de l’État russe pour imposer ses arguments et motivations, depuis la loi qu’il décrète et fait voter, jusqu’aux forces de police et au système judiciaire, pour faire taire toute voix qui exprimerait autre chose, toute pensée qui dévierait de son discours. Ce discours est tragique car l’objectif de cette guerre est la destruction des structures de l’Etat Ukrainien et l’asservissement de ses citoyens, et comme lors de toute guerre, les victimes sont tout autant civiles que militaires. L’absurdité des affirmations de l’autocrate russe ne nuit pas à leur diffusion et leur perpétuation dans l’espace - d’autres autocrates sont incités à répéter le même processus d’invasion/accaparement - ni dans le temps. Les effets du monopole du discours, de sa réitération constante par les médias soumis au pouvoir russe le constituent en vérité unique pour la majeure partie de la population russe. Combien de temps, de propos, de commentaires, d’articles de presse, de messages, d’enquêtes, d’études et de publications faudra-t-il pour effacer, sinon annuler leurs effets ?

D’autres événements pourraient être soumis à la même observation d’un lien entre discours et phénomène. Recep Tayyip Erdoğan devenu président de la Turquie avec le soutien de Fethullah Gülen, a rétabli l’Islam dans le pouvoir politique et constitué un discours sur les ennemis de l’Etat turc dont son ex-allié Gülen. Ce discours de la puissance s’est affirmé lors d’une tentative de coup d’État visant à le renverser, il a été imposé au détriment de la  justice, manipulée, et du droit, affaibli. En Hongrie, Viktor Orban viole les principes du droit et son discours, mensonger et manipulateur, lui permet de se maintenir au pouvoir. Quitte pour détourner le regard de ses turpitudes, à transformer lui aussi, par le discours encore, son ancien ami Georges Soros en ennemi d’Etat. Au Rwanda, c’est un discours de haine propagé de longue date par les Hutus qui devint discours meurtrier lorsque, relayé par la radio, il entraîna l’exécution des crimes. L'assassinat du président rwandais le 6 avril 1994 fut le détonateur de l’explosion meurtrière génocidaire des Hutus, dont la violence entretenue était alors latente, qui exécutèrent massivement les Tutsis[17]. L’extrême absolu de la sémantique, déployée à outrance, remplit sa fonction sans que le discours ne fut contesté ni refusé, à quelques exceptions. Ils attestent la même analyse et d’identiques résultats que les cas précédents.

Sens et représentations

L’observation de ces quelques événements-phénomènes permet de réfléchir à la relation complexe entre leur survenue et les conditions de leur possibilité. Le discours est à la fois lexical, sémantique et rhétorique, et ceci qui le compose lui confère un sens. La technique d’emploi, qui le rend opératoire, est comme l’écrit Michel Foucault en rapport avec ce qu’il produit (sens, désignation, savoir, lien) selon plusieurs agencements. « Le discours n’est pas simplement un ensemble représentatif, mais une représentation redoublée qui en désigne une autre – celle-là même qu’elle représente »[18]

Nous relevons dans tous les événements observés ci-dessus plusieurs appariements entre discours et effets. Tout d’abord, la position du discours est variable : il peut être antérieur, contemporain ou postérieur, selon qu’il est l’initiateur du phénomène, l’instrument qui le confirme ou le renforce, ou qu’il en est le produit, l’héritier. Et sa part dans l’événement, soit sa part de responsabilité, est corrélative à cette position. Ensuite, l’opératoire du discours se décline en trois modalités : le renversement (du lexique, de la sémantique, de la syntaxe) ; le monopole plus ou moins établi du discours dans la période concernée ; la durabilité de ses effets après même que la période ou l’événement soit considéré clos, encore que les effets peuvent empêcher la clôture.

La mise en ordre du discours est construite par l’« épistémè moderne» de Michel Foucault qui en définit la typologie. « L’épistémè moderne […] comme un espace volumineux et ouvert selon trois dimensions. Sur l’une […] les sciences mathématiques et physiques pour lesquelles l’ordre est toujours un enchaînement déductif et linéaire de propositions évidentes ou vérifiées ; dans une autre dimension, des sciences (comme celles du langage, de la vie, de la production et de la distribution de richesses) qui procèdent à la mise en rapport d’éléments discontinus mais analogues, si bien qu’elles peuvent établir entre eux des relations causales et des constantes de structure. […] Quant à la troisième dimension, ce serait celle de la réflexion philosophique qui se développe comme pensée du Même. »[19] Appréhender les conditions de vérité d’un discours use ainsi de ces présomptions : déduction vérifiée des sciences, relations causales et constantes structurelles pour le langage, réflexion sur elle-même comme pensée philosophique. Nous pouvons saisir mieux et à quel niveau, ou profondeur, les discours, leur technique et appariement agissent.

Le renversement, qui attente à la fonction du langage, construction collective dans la longue durée, c’est aussi briser le « quadrilatère du langage », celui que forment, selon Foucault, la proposition, l’articulation, la désignation et la dérivation. En son centre, il y a le nom. « Nommer, c’est, tout à la fois, donner la représentation verbale d’une représentation, et la placer dans un tableau général. » [20] Ainsi, le renversement, quel que soit la fonction à laquelle il s’attaque, empêche la représentation, le fonctionnement de la langue et la nomination. C’est désorienter l’interlocuteur ou le lecteur, le destinataire du discours, et le tromper, ou lui dissimuler la réalité sinon la vérité.

Le discours économique, par exemple, présente les trois caractéristiques, sciences, langage et pensée philosophique. Il a accompagné le développement de la production industrielle en lui donnant ses bases théoriques et juridiques, il a conforté l’émergence du capitalisme en justifiant sa substitution au féodalisme aristocratique. Le discours économique a façonné la société selon le modèle d’exploitation des individus, fondement du capitalisme considéré comme appropriation de la création de valeur. Le discours économique a fourni également ses arguments au capitalisme d’accaparement colonial. Soit un ensemble de vérités affirmées sans fondement. Le discours économique n’a cessé d’accroître son influence en convainquant les politiques d’inscrire sa doctrine dans la loi. Les critiques du discours économique dominant, les contestations dont il est l’objet, pointent sa responsabilité dans les désordres sociaux, économiques et politiques qu’il génère. Les propositions alternatives sont néanmoins esquivées ou étouffées par la puissance de l’économie capitaliste qui exclut tout autre modèle. Le discours a naturalisé la technique économique capitaliste, comme fut naturalisée la guerre, par défaut ou empêchement d’autre logique.

Le discours chinois sur la rééducation de masse des Ouïgours use d’une rhétorique qui s’efforce de rendre acceptable et conforme au droit ce qui ne l’est pas. La transgression des droits humains fondamentaux, penser, parler, échanger, communiquer, exprimer une opinion, pratiquer une religion, se déplacer, avoir une famille, sont refusés à des milliers d’individus. Cela se fait par l’organisation d’une force armée coercitive (les services de différentes polices), la codification de la vie quotidienne des internés, la sanction des activités religieuses, un système de surveillance prédictive, l’usage de la violence physique ou psychologique. L’obsession sécuritaire contre le terrorisme ou le séparatisme est la justification de la déportation et de l’internement de masse - il y a 64 fois plus de détenus Ouïgours que Chinois en Chine. Une autre volonté apparaît alors, celle de la conformation des individus à un modèle unique, celui de la population Han, majoritaire en Chine. La conséquence en est une discrimination légale au titre d’une différence anthropologique et culturelle. Les Ouïgours ne sont pas les Han et ne le seront jamais. C’est pourquoi cette répression n’aura pas de fin car elle n’atteindra jamais l’objectif que lui a assigné le gouvernement chinois. En effet, conformément aux « enseignements » du président Xi Jinping, « il s’agit de ne pas baisser la garde pour un moment. »[21]

Le discours poutinien, à l’instar des autres exemples, use d’une rhétorique et d’un lexique propres à son projet, qui n’est pas de dire les faits mais de les ordonner selon son dessein. Qui est de conduire contre les pays, dont l’Ukraine est le dernier à la subir, la guerre, de destruction et d’usure pour la prise d’un territoire soi-disant « russe » perdu. C’est une guerre de prédation, de colonisation capitaliste, la conquête des richesses qu’il recèle. C’est une guerre anachronique qui marque « l’aboutissement de la dégénérescence idéologique »[22] de son premier protagoniste, Vladimir Poutine, qui dénie le droit à exister à un peuple et un Etat, qui renie les traités et conventions internationaux, viole les principes du droit international dont ceux de la guerre, accomplit les crimes les pires. Les sorties vulgaires de Poutine relèvent d’une forme de populisme, mais plus précisément, son discours ressort de l’argot et des conduites mafieuses. Il se conduit en « parrain » et la contamination, sous son influence, de la société par la « morale » mafieuse[23] a conduit à la criminalisation de la langue[24]. Cette dérive mène à la démesure et la paranoïa, troubles qui affectent un jour tous les tyrans.

De toute guerre la mémoire ne s’éteint pas car la guerre est injustifiable, et si la douleur disparaît avec les témoins, les passions sont entretenues par les traces, les souvenirs, les discours. Le ressentiment et les rancœurs, l’esprit de vengeance, se perpétuent de génération en génération. Par la raison et le respect, la mémoire et le pardon - don gratuit selon Jankélévitch - les passions peuvent être apaisées. Ce sont les vertus des commémorations de s’opposer à l’oubli pour taire les passions. Les effets du discours sont d’une toute autre durabilité. Vladimir Jankélévitch l’a pressenti et expliqué concernant le discours nazi. En réponse à une lettre publiée par Le Monde, le 3 janvier 1965, tribune qui plaidait pour la prescription des crimes de guerre, Jankélévitch répondit par un article paru en 1966 dans le no 103 de la Revue administrative qui a contribué à définir la notion d'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité. Un tel crime est l’affaire de toutes les nations, il n’est pas motivé, l’oublier serait commettre à nouveau le crime. L’un de ses arguments compare le crime crapuleux, dont le souvenir se perd avec le temps, et le crime contre l’humanité - l’entreprise d’extermination des juifs par les nazis - dont le caractère inédit le met hors toute catégorisation, qui ne cesse d’être révélé et dont l’ampleur s’accroît à mesure que le temps passe et que sa connaissance s’approfondit. « Les preuves ne dépérissent pas avec le temps, mais au contraire, elles se multiplient. »[25]

Régimes et discours

Enfin, dernière interrogation de notre introduction, quelle correspondance peut être établie entre la nature du régime politique producteur du discours et ce dernier ?

Les discours religieux sont, chacun à son moment de constitution, des syncrétismes successifs. Ils ont en commun d’imposer leur exclusivité et de n’avoir cessé de prétendre à la conduite des hommes et du monde. Les discours religieux sont ceux d’organisations totalitaires à visée hégémonique hautement hiérarchisées. La nature de leur propos autant que sa sémantique et sa rhétorique sont leur production particulière, spécifique, dont les caractéristiques épousent la structure des appareils sacerdotaux et leur projet. L’homme y disparaît entre dieu, la nature et la grâce, il n’est jamais formulé en tant qu’entité autonome.

L’esclavage a prospéré par l’amplification de la traite transatlantique et le discours qui a institutionnalisé cette pratique était d’ordre économique. Les nouveaux territoires pour être exploités et produire la richesse exigée manquaient de main d’œuvre[26]. Le discours esclavagiste fut initié par la couronne espagnole, tout récemment victorieuse de ses ennemis musulmans et sous influence catholique. Le discours esclavagiste fut repris par les nations d’Europe et les nouvelles nations d’Amérique, quel que soit leur régime, monarchie, démocratie, colonie. Il fut soutenu durant des siècles par l’église catholique qui trouvait à y satisfaire sa puissance et son ambition territoriale.

Dans le discours révolutionnaire, les principes qu’il portait d’égalité, de liberté, de droit ont été souvent négligés ou contredits. Les guerres révolutionnaires, à commencer par celles de la France en Europe, basculèrent de la défense à l’agression au nom de l’émancipation des peuples. Sous la contrainte extérieure, l’intransigeance du discours révolutionnaire évolue, voire se renie. La transformation du discours révolutionnaire de la Russie soviétique est un exemple, qui évolua d’un régime démocratique au totalitarisme le plus répressif.

L’économie impose le discours du dogme du capital, accaparement et accumulation, au détriment des droits de l’homme et des principes démocratiques. L’économie, science devenue économie politique, gouverne désormais les Etats et oriente les décisions des gouvernements et des individus au travers des organes de communication. Philosophes, sociologues et linguistes ont analysé les procédés de ce discours[27] par lequel les individus se soumettent, dans une servitude volontaire, à leur propre exploitation. Le discours économique prévaut, en dépit d’un des principes de l’Organisation Internationale du Travail qui déclare : « Les considérations humaines et sociales doivent primer sur les impératifs économiques et financiers ».  

Le fait colonial, qui fut accaparement par la violence de territoires et leurs populations, s’est épuisé dans les indépendances des colonies. Mais le discours colonial perdure qui consiste dans la dépréciation et la minoration des individus et des populations au titre de leur histoire et de leur différence. La colonisation a produit un discours dont les effets se perpétuent au travers de discriminations (les afro-descendants), de catégorisations (par l’origine), de traitements (les migrants) et d’asservissement économique (néocolonialisme). Ce discours demeure actif dans les pays autrefois colonisés autant que dans les pays anciens colonisateurs, mais aussi par porosité dans ceux qui n’ont eu aucun lien à la colonisation.

Le développement de la Chine, qu’il soit technique, économique, social, politique, accompagne autant qu’il produit un discours d’affirmation de sa grandeur et de sa puissance. Ce discours, à usage interne et à destination externe, est l’expression d’un pouvoir autoritaire, celui d’un parti et sa bureaucratie dont la position tient à ce qu’elle dirige l’Etat[28]. Depuis l’écrasement de la place Tian An Men en 1989, la bureaucratie a renforcé son contrôle des populations, Tibétaine et Ouïghour, et la répression de tout mouvement syndicaliste non officiel. Le régime totalitaire bureaucratique à parti unique, s’accommode de l’économie de marché, les entrepreneurs privés ont des facilités sous réserve d’adhérer au Parti communiste chinois (PCC) et s’accorder avec l’un de la centaine de conglomérats gérés par le gouvernement. Le discours externe vise à installer la Chine et le modèle de son régime dans les organisations internationales, mais aussi à accompagner son expansion territoriale et d’influence par la voie de projets d’investissements et de confrontation militaire. Avec « les mille fleurs » ou « les routes de la soie », la Chine communiste ne cesse cependant d’user de la sémantique et de la rhétorique impériale ancienne. Et la réhabilitation de la pensée de Confucius, discours lui aussi ancien, dans l’Etat chinois est un autre instrument du discours que Xi Jin Ping utilise.   

Vladimir Poutine a réactivé le discours soviétique, haine des minorités exogènes, des juifs, violence physique contre les opposants (interdiction d’exprimer un avis différent du discours officiel, emprisonnement, assassinat), contre les Etats (guerre numérique et guerres d’agression armée). Il a aussi, cette fois a contrario de la doctrine soviétique, réinséré la religion orthodoxe dans le pouvoir politique. La rhétorique guerrière de Poutine, autocrate autoproclamé président à vie de la Russie, s’est accompagnée de la dénonciation des traités militaires et accords internationaux qu’elle avait ratifiés, en même temps qu’il transgressait les conventions internationales. Le dernier retrait de la Russie en date est celui de la Cour européenne des droits de l’homme. Ces reniements sont autant de régressions dans l’organisation que les pays du monde ont élaborée pour réguler les relations des Etats. Ces reniements sont acte de décivilisation. Le discours poutinien est devenu de surcroît, en quelques semaines de guerre en Ukraine, source de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

La collusion des discours.

Plusieurs traits se dessinent qui relient entre eux ces discours, tels des connivences actives. Tous se réfèrent à des discours anciens dont ils reprennent des motifs, des thèmes, des propos pour les réintroduire dans le présent. Ce sont des transferts de l’un à l’autre, dans le temps, de discours qui résonnent, se répercutent ou se répètent. L’historicité convoquée, gage d’authenticité, sert à établir la vérité du présent.

Les croyances immémoriales furent les bases des croyances des religions nouvelles, le recours à l’esclavage antique autorisa sa pratique moderne, le discours grec sur la cité et la res publica nourrit les Lumières et les révolutions de leurs enseignements, le discours économique se fonda sur l’asservissement naturel et l’ordre féodal, la colonisation sur l’impératif économique. Le discours d’autorité et de contrainte en Chine en appelle, pour se justifier, à son histoire impériale et aux enseignements de Confucius sur l’ordre. Poutine quant à lui renvoie aux origines de la Russie et son passé autant qu’à son éducation personnelle sous régime soviétique.

Le processus du recours à des éléments à prétention « scientifique » demeure un des instruments du lexique et de la sémantique propagandistes, celle qui veut convaincre sans argument pertinent et avéré. « … en avril 2003, la respectable revue américaine Archaeology a fait paraître un numéro spécial intitulé “ Préhistoire de la guerre ”, où l’on pouvait lire entre autres que “ les humains se sont entr’égorgés depuis l’aube de l’espèce ” [29] – inévitable fatalité qui venait à point nommé justifier la guerre exactement concomitante des Etats-Unis en Irak. Situer la pulsion guerrière au point de naissance des cultures humaines, c’était implicitement légitimer le fait d’y recourir dans le présent, pour assurer à la fois sa propre prospérité et l’empire du bien. »[30] Situer la violence humaine dès l’origine demeure indécidable. Néanmoins, la signification des traces disponibles, à défaut de connaissance des interactions individuelles, peuvent se comprendre comme politiques. « … le philosophe allemand Max Raphael[31], réfugié en France à partir de 1932 puis aux États-Unis, a pour sa part désigné les cultures paléolithiques comme des phénomènes de part en part historiques (et non “préhistoriques”), du fait même qu’il croyait pouvoir déceler dans l’iconographie des grottes ornées, notamment à Altamira, les signes d’une “lutte socio-politique” »[32].

Les discours imbriquent le religieux dans leur propos qui ne l’est pas, ou ne l’était pas, la pratique de cette association est ancienne, elle est de diversion à défaut de conviction. L’option religieuse présente l’avantage de conférer au propos le plus faible et le moins argumenté une autorité qui lui fait défaut, une autorité transcendante. Par cette alliance au religieux, les discours politiques changent de nature et les discours religieux se font politiques. Le ralliement au discours ne se fait plus ou plus seulement sur son sens et son propos mais, principalement, sur son « air » ou sa « musique » théologique. La raison est écartée ou hors-jeu, l’assentiment plus aisément obtenu. Les prêtres ou les imams, les théologiens n’ont pas condamné l’esclavage, ils l’ont tous et longuement justifié comme naturel. La révolution politique, où qu’elle se soit accomplie, s’est heurtée aux appareils sacerdotaux et leur discours prônant la soumission à l’ordre naturel des choses dont ressortirait l’ordre économique capitaliste. C’est ainsi que la colonisation a trouvé sa justification dans le discours religieux. Les centres Confucius en Chine, le patriarche orthodoxe de Moscou, sont des alliés du discours oppresseur de Xi Jinping et de celui, criminel, de Poutine.

Le monopole du discours comme seul possible, sans alternative, est le propre de l’autoritarisme totalitaire. Ainsi de l’économie capitaliste, de la religion, qui posent la certitude de leur propos comme vérité unique. Le monopole du discours porte atteinte à la liberté de penser et d’être, elle est une agression à la conscience de soi, à la capacité d’autonomie et d’indépendance de l’individu. La pensée est alors empêchée d’agir, elle est annihilée. Les discours chinois et russe ont ces caractéristiques d’imposer aux citoyens chinois ou russes un propos, une sémantique, une rhétorique incontestables.

Le discours, tel que la propagande chinoise ou russe le conçoivent, énonce sa propre justification, il y est contraint car lui seul peut établir sa propre vérité. Refusant de se soumettre à l’examen et la critique de la raison, il est conduit par la nécessité de son objet à constituer des éléments de sa sémantique, composer une syntaxe et élaborer une rhétorique qui correspondent à son dessein.

Le discours affirme la puissance de son énonciateur. Il est performatif dans son temps d’effectivité. Qu’il s’agisse de celui des religions, de l’esclavagisme, de la révolution, de l’économie, de la colonisation, chacun d’eux a exprimé ou exprime la puissance de l’institution, de l’organisation, de l’Etat qui le produit et l’émet. Cette puissance est d’autant plus irrésistible qu’il admet peu la contradiction.

Les effets de ces discours sont durables, nous l’avons constaté pour ceux, anciens, que nous avons pris pour exemples, effets qui conservent leur capacité opératoire bien après qu’ils aient été produits, qu’il s’agisse de la religion, de l’esclavage, de la révolution, de l’économie ou de la colonisation. Ils le seront, durables, pour ceux de la Chine concernant les Ouïgours et de la Russie à propos de l’Ukraine. Toute répression imprime dans les chairs opprimées, les esprits contraints, toute violence suscite, dans la mémoire, des traces qui conservent leur effectivité, leur réalité, mais surtout qui se transmettent de génération en génération.

En guise de conclusion

Les relations complexes des discours à leurs initiateurs/énonciateurs autant qu’à leurs destinataires rendent difficile la formulation d’une notion de l’histoire, car c’est bien cela que nous apercevons, l’histoire, et l’effort d’appréhension de son concept. Nous avons examiné les discours dispensés par les maîtres de la propagande. « Tous ceux qui, jusqu’ici, ont remporté la victoire participent à ce cortège triomphal où les maîtres d’aujourd’hui marchent sur les corps des vaincus d’aujourd’hui. A ce cortège […] appartient le butin. Ce qu’on définit comme bien culturels. […} dès qu’on songe à leur origine, comment ne pas frémir d’effroi ? »[33] Nous vient à cet instant la figure de l’Angelus Novus de Klee, que cite Benjamin (Thèse IX), « l’ange de l’histoire, le visage tourné vers le passé » au regard empli d’effroi. Cette représentation, figure théologique disqualifiante par là-même, reprend les vieilles habitudes et les oripeaux de l’absence de penser, celles d’un discours de maîtres.

Le discours est une habitude tenace et il est difficile de l’évincer, de s’en extraire. Ce que Benjamin écrivait à propos « des asservis à un incontrôlable appareil », le régime nazi, est d’un constant actuel. Ceux qui professent le discours et la pensée, ces « politiciens qui trahissent leur propre cause […] donnent une idée de combien il coûte cher à notre façon de penser habituelle de mettre sur pied une conception de l’histoire qui ne se prête à aucune complicité avec celle à laquelle s’accrochent ces politiciens »[34]

Tout au plus pourrions-nous scinder les discours par leur mouvement, entre ceux qui descendent des organes du pouvoir vers les populations, et les discours émanant de celles-ci (le discours révolutionnaire). La longue durée d’effet des discours, prolongée encore par leur reprise, comme une réitération du passé au présent, devrait inciter tout promoteur à la prudence dans le recours à leur médiation. Car les effets produisent des conséquences imprévisibles et incontrôlables. Enfin, la prégnance du discours religieux qui ne cesse pas, sous toutes ses formes successives, d’intervenir dans les discours au long de l’histoire humaine. Ces discours seraient ceux dont nous devrions nous défaire, ou bien plutôt nous défaire de l’habitude des discours.

L’antidote à tout discours autoritaire et monopolistique, de puissance et de coercition, l’empêchement même à sa constitution est la parole démocratique, partagée et diffuse. Produite par le débat raisonné, elle limite les excès et les abus, bannit le monopole, interdit le totalitarisme. Non-discours par sa prolifération, elle seule fait barrage au discours phénoménal.

[1] Fustel de Coulanges. Recherches sur quelques problèmes d’histoire. N.M. 1885. Au chapitre « Le Colonat romain », il écrit « l’esclavage était un fait primordial, contemporain de l’origine des sociétés ». p.1-186 ; Moses Immanuel Finley. Ancient Slavery and Modern Idelolgy. 1979. Esclavage antique et idéologie moderne. Editions de Minuit, 1981. Il cite Anderson, 1974 « Le mode de production esclavagiste fut l’invention décisive du monde gréco-romain ». p.87.

[2] Henry Lapeyre. Le trafic négrier avec l’Amérique espagnole. https://www.cervantesvirtual.com/descargaPdf/le-trafic-negrier-avec-lamerique-espagnole/ 

[3] Nicolas Ngou-Mvé. L’Afrique Bantu dans la colonisation du Mexique (1596-1640). Ciciba, Libreville, 1998. Introduction. p.5.

[4] Walter Benjamin. Über den Begriff des Geschichte. 1940. Institut de recherches sociales. 1942, Los Angelès. Walter Benjamin : Avertissement d’incendie, Une lecture des Thèses « Sur le concept d’histoire ». Editions de l’Eclat, 2014. Ici, nous reprenons la première phrase de la Thèse XV.

[5] Jean-Luc Chappey. Des Lumières à l’Empire. In Christophe Charle & Laurent Jeanpierre. dir. La vie intellectuelle en France I, Seuil 2016. L’historien écrit, p.21 « Souligner l’importance de la Révolution française, c’est encore rappeler que les respirations de l’histoire scientifique, littéraire ou philosophique sont indissociables, sans s’y réduire totalement, de celles qui caractérisent l’histoire politique et sociale des décennies 1780-1830. »

[6] François Jarrige. La querelle des machines. In Christophe Charle & Laurent Jeanpierre. dir. La vie intellectuelle en France I, Seuil 2016. L’historien écrit, p.153 « …les économistes sont d’abord assiégés de toutes parts et contraints de justifier le profit, le machinisme, et la possibilité même d’une croissance continue et infinie. »

[7] Michel Foucault. Les mots et les choses. Tel Gallimard, 1966. Le chapitre VIII, Travail, vie, langage est sous-titré Les nouvelles empiricités. Dans son développement de l’épistémè moderne, Foucault aborde ainsi l’économie dont les termes en sont, selon lui, déjà empiriques. Il étudie le travail, la valeur, les coûts, la production, l’échange, la rareté. Comparant les thèses de Ricardo et de Marx, il décrit ce qu’est l’économie « Un tel système d’options ne représente rien de plus que les deux manières possibles de parcourir les rapports de l’anthropologie et de l’Histoire, tels que l’économie les instaure à travers les notions de rareté et de travail ». p.273. 

[8] Charles Soulié. De l’étude des mots à celle des choses. In Christophe Charle & Laurent Jeanpierre. dir. La vie intellectuelle en France I, Seuil 2016. p.73.

[9] Christian Laval. Orthodoxie et hétérodoxie économiques. In Christophe Charle & Laurent Jeanpierre. dir. La vie intellectuelle en France I, Seuil 2016. Le sociologue écrit, p. 363 « Cette expertise économique accompagne un phénomène plus général d’institutionnalisation du discours économique au cœur de l’État, dans tous les secteurs de l’action publique ».

[10] John Lubbock. Pre-historic Times, as Illustrated by Ancient Remains and the Manners and Customs of Modern Savages. Londres, Williams and Norsac, 1865, p. 2.

[11] Rémi Labrusse  La préhistoire et ses interprétations idéologiques et politiques. Atelier Politiques de la préhistoire Politika, mai 2022. https://www.politika.io/fr/article/politiques-prehistoire

[12] Viktor Klemperer. LTI, La langue du troisième Reich. Albin-Michel, coll. Agora, 1996.

[13] Ibid. p.40.

[14] Ibid. p.40

[15] Bruno Philipp. Réduire à néant les séparatistes et les traitres. Le Monde, Mercredi 25 mai 2022. p.4 International.

[16] Nathalie Guibert. « Ouïgours : au cœur de l’appareil répressif ». Xinjiang police files. Enquête collaborative de quatorze médias internationaux à partir de milliers de fichiers informatiques. Le Monde, 25 mai 2022.p. 2 et 3.

[17] Jean Hatzfeld. Là où tout se tait. Gallimard, 2021. L’auteur restitue les témoignages de rescapés Tutsis mais aussi Hutus, pourchassés pour avoir aidé ou protégé des Tutsis.

[18] Michel Foucault. Les mots et les choses. Op. cit. p. 106.

[19] Michel Foucault. Les mots et Les choses. Op. cit. p. 358

[20] Michel Foucault. Les mots et les choses. Op. cit. p. 131-132.

[21] Bruno Philipp. Réduire à néant les séparatistes et les traitres. Op. cit.

[22] Thomas Gomart. La Russie livre en Ukraine une guerre coloniale sous protection nucléaire. Entretien, Le Monde, mercredi 25 mai 2022, p.30.

[23] Yves Hamant. Le recours de Poutine à l’argot mafieux indique une sorte d’appartenance au monde des malfrats. Le Monde, lundi 21 mars 2022. L’auteur, premier traducteur en français d’Alexandre Soljenitsyne, relève l’emploi par Poutine du « mat », langage mafieux né dans les camps du goulag.

[24] Françoise Thom. Comprendre le poutinisme, Desclée de Brouwer, 2018.

[25] Vladimir Jankélévitch. L’imprescriptible. Seuil, 1986. p. 26

[26] Nicolas Ngou-Mvé. L’Afrique Bantu dans la colonisation du Mexique (1596-1640). Ciciba, Libreville, 1998. « en 1590, le Marquis de Villamanrique propose l’envoi de 3 000 Noirs de Guinée à distribuer aux mineurs qui les paieraient de la même manière que le mercure, c’est-à-dire à crédit et par le quart de leur production d’argent. » p. 108. « …le gouvernement espagnol accordait …[en 1600] au Mexique de les acheter [les Noirs] à crédit. » p. 142.

[1] Max Horkheimer et Théodor Adorno. Philosophische Fragmente, New York, Institute of Social Research, 1944. La dialectique de la raison, Gallimard, 1974 ; Michael Burawoy. Manufacturing Consent: Changes in the Labor Process Under Monopoly Capitalism. University of Chicago Press, 1979. Produire le consentement. La Ville brûle, 2015 ; Noam Chomsky et Edward Herman. Manufacturing Consent: The Political Economy of the Mass Media. Pantheon Books, New York, 1988. La Fabrication du consentement : De la propagande médiatique en démocratie. Agone, 2008 ; Michel Clouscard. Le capitalisme de séduction. Delga, 2015 ; Alain Supiot. La gouvernance par les nombres. Fayard, 2015.

[28] Albert Tarp. Où va la Chine ? La Vérité n° 101, mars 2019. « C’est ce qui a amené la IVème Internationale à qualifier la Chine après 1949 d’Etat ouvrier déformé et bureaucratique », p. 7.

[29] Adam Stout, Creating Prehistory, Druids, Ley Hunters and Archaeologists in Pre-War Britain, Oxford et Malden MA, Blackwell, 2008, p. 2.

[30] Rémi Labrusse. Op.cit.

[31] Max Raphael, Prehistoric Cave Paintings, New York, Pantheon Books, Bollingen Series, Princeton University Press, 1945, p. 42.

[32] Rémi Labrusse. Op.cit.

[33] Walter Benjamin. Op. cit. Thèse VII.

[34] Walter Benjamin. Op. cit. Thèse X

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