Une fois encore démonstration est faite que l’unité est une force quand la division est une erreur stratégique, une faute sociale… et politique. La leçon devrait être entendue quand, dans le groupe Auchan, le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, si mal nommé) licenciant plus de 1200 salariés, validé par la CFDT, a été invalidé par le tribunal administratif saisi par la CGT. Largement entendue sinon réclamée par les salariés, les privés d’emploi, les jeunes, les citoyens dans leur diversité, cette journée du 18 septembre a été vécue aussi comme un geste politique, au-delà des revendications sociales, syndicales ou professionnelles, adressé au gouvernement et au président de la République contre ses orientations de classe, en faveur des plus riches, des nantis et des entreprises.
Serait-ce à dire que le syndicalisme doit se mêler de politique ? Ne nous payons pas de mots, ne nous trompons pas nous-mêmes jusqu’à l’hypocrisie. Des individus qui s’organisent sur leurs conditions de travail accomplissent déjà un acte politique car il concerne la polis, la vie dans la Cité. Lorsque des organisations de salariés pèsent sur le gouvernement pour faire valoir leurs revendications, elles entrent dans le champ politique si elles n’y sont déjà. Les rencontres actuelles des organisations syndicales avec le premier Ministre sont éminemment politiques, médias, presse, partis, syndicats, citoyens, chacun l’a compris.
La séparation entre syndicalisme et politique est-elle encore pertinente ? Instituée par la charte d’Amiens (1906) adoptée suite à la création de la SFIO, la force politique de gauche qui accompagnait le syndicalisme, cette séparation avait alors un sens qu’elle n’a plus. Et le texte de la charte porte en lui-même ses contradictions. Il décrit bien la tâche du syndicalisme « il prépare l'émancipation intégrale contre toutes les formes d'exploitation et d'oppression, tant matérielles que morales » et l’assigne à la « double besogne, quotidienne et d'avenir ». Mais si le syndicalisme est tenu à l’écart de l’action politique, le texte ne dit rien de son lien aux organisations, les partis, qui devraient porter la défense du travail et des travailleurs dans l’espace politique.
Enfin, le texte laisse l’entière liberté aux syndiqués de « participer à toutes formes de luttes philosophiques ou politiques » à condition de « ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu'il professe au dehors. » Comment les syndiqués peuvent-ils tout à la fois militer avec ou dans le syndicat pour leurs droits et participer à un des partis, droite et extrême droite, qui s’activent à réduire ces mêmes droits ? Comment ces mêmes syndiqués pourraient-ils ne pas « introduire les opinions qu’ils professent à l’extérieur » quand le parti qui les porte, le RN en particulier, prétend capter la question du travail sous toutes ses modalités, quand bien même il en est l’ennemi le plus déterminé ?
La sauvegarde des aspirations originelles, émancipation intégrale, démocratie égalitaire, impose une analyse critique des acquis pour leur mise en conformité aux réalités du présent.