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Louis Albert SERRUT

Auteur, essayiste. Docteur en sciences de l'Art (Paris 1 Panthéon Sorbonne)

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Billet de blog 21 juillet 2025

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Le capitalisme, un système illégitime et destructeur

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Les premières formes du capitalisme sont apparues avec les sociétés par actions créées en Europe au XVIIème siècle pour la pratique du commerce triangulaire intercontinental, soit la traite négrière transatlantique vers les Amériques, le transport de denrées au retour et à nouveau des cargaisons d’esclaves. Le profit en était le premier objet, la technologie maritime en fournissait les moyens, et les êtres humains enlevés à peu de frais la matière première.  

Le mercantilisme privé s’est alors libéré de l’autorité monarchique en constituant le capitalisme par actions, adapté aux réalités géopolitiques internationales et habile à user des nouveautés technologiques. L'actualité néolibérale semble, avec le libertarisme, retourner à ses sources. La Révolution a imposé l’autorité de l’État démocratique et l’égalité, mais les puissances d’argent, en introduisant le droit à la propriété privée, ont substitué au régime féodal de double domination, hiérarchique et économique entremêlées, un système au bénéfice des possédants, celui de la subordination. Sous ce système de domination, le capitalisme, c’est-à-dire ceux qui s’en réclament, s’attribuent comme légitime, voire naturel, un pouvoir sur les individus fondé sur la possession, l’appropriation et l’accumulation.

Le capitalisme est l’oppression par le capital. Advenu par et pour les possédants, porté au pouvoir par sa double puissance financière et d’influence, le capitalisme n’a d’autre légitimité que celle qu’il déclare et s’attribue.  

En effet, par sa nature et son régime, le capitalisme est illégitime.

Il est contraire au droit fondamental de l’égalité, à la justice et à la raison. Le capitalisme est intrinsèquement inégalitaire. Il ignore l’égalité des individus et citoyens. Dès lors que ses partisans gouvernent, ils organisent la société hiérarchiquement, la fracturent par classes inégalitaires, celle des possédants, celle des dominés, accordant le pouvoir aux uns, refusant la parole aux autres. Car il s’oppose au principe démocratique de la discussion et de la décision partagée qu’il restreint ou interdit dans les espaces qu’il s’approprie, publics ou privés.

Par toutes ses caractéristiques et dans toutes ses manifestations, le capitalisme est injuste. Les bienfaits quels qu’ils soient sont distribués selon des règles non discutées et des critères arbitraires, sans que soit considérée la justice dans les attributions. Chacun aura aisément à l’esprit un exemple de cette injustice qui, souvent, est inapparente, reste dissimulée.

Enfin, le capitalisme est contraire à la raison. Ses partisans affirmés, qui le soutiennent activement, comme tous ceux qui l’acceptent passivement ou l’entretiennent sans y réfléchir, par habitude ou paresse de pensée, n’envisagent jamais la raison comme instrument de sa critique. La raison qui défait les constructions théoriques des abuseurs, spéculateurs, approprieurs et accumulateurs.

Le capitalisme a aussi un trait tout aussi dangereux que les précédents, il est partout destructeur.

Il détruit les solidarités et les cohésions culturelles, associatives et éthiques. Au prétexte du profit, il s’active à détruire les organisations syndicales et le droit du travail ; les structures de protection sociale et les systèmes de Sécurité sociale ; les institutions républicaines comme l’Assemblée nationale en France, éminemment démocratique mais contournée, manipulée, empêchée de représenter les citoyens et de débattre des lois. Macron depuis 2017 s’est employé avec persévérance et férocité  à entraver les institutions républicaines pour servir les desseins du capitalisme. Celui-ci détruit aussi les écosystèmes, derniers communs garants de la possibilité de vivre ; il détruit tout autant, par la concurrence et la rivalité, par l’affrontement et la guerre, les relations de fraternité des humains. Cette volonté destructrice des constructions humanistes sert une intention.

Dans son mode d’agir, par les multitudes d’individus qui reprennent ses principes, s’activent sous son dogme, exécutent ses préceptes d’accaparement, le capitalisme opère une régression civilisationnelle, un  retour à un passé et un régime anciens. Le capitalisme reconstitue une nouvelle féodalité de vassaux et de suzerains. Il vassalise les esprits, les groupes, les entreprises, les institutions publiques, les Etats. A chaque niveau, le vassal a son souverain dont il dépend, auquel il est soumis, subordonné. L’employé est soumis à son employeur, celui-ci à son donneur d’ordre ou son banquier, qui lui s’incline devant plus grand, plus gros, les investisseurs, les fonds, le marché. Les services communs, dits publics, gangrenés par la logique marchande et financière, sont  les vassaux des cabinets de conseil, des groupes privés qui les dépouillent de leurs prérogatives. La dynamique de vassalisation vaut aussi pour les Etats où les plus faibles sont soumis, et se soumettent à plus fort.

L’ordre capitaliste est aussi devenu, et c’est son trait le plus redoutable parce que le plus implicitement accepté, destructeur  des normes du droit comme structures de la société et bases de la vie collective. Le régime du capitalisme est celui de la force contre le droit, la force qui s’y substitue. Le droit lui-même devient celui du « droit par la force » quand la force crée le droit. Netanyahou ne craint pas de renverser la leçon apprise de Rousseau, selon laquelle la force ne crée pas le droit mais elle s’y plie. Et à l’image de Trump, de Netanyahou, Khamenei ou Poutine, Orban ou Erdogan, et d’autres autocrates, le capitalisme s’accorde à l’invocation d’un dieu. L’ordre capitaliste redevient celui du plus croyant.  

L’alternative au capitalisme est l’égalitarisme, régime de la fraternité et du respect. Il se traduit par la coopération, l’acceptation, l’association générale de tous en tout. La démocratie véritable est son expression. Il est le régime de la raison, qui considère l’autre à l’égal de soi sans restriction, et la propriété un accaparement injustifié. Ce régime est celui qui peut envisager la paix comme manière de vivre et d’être.

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