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Louis Albert SERRUT

Auteur, essayiste. Docteur en sciences de l'Art (Paris 1 Panthéon Sorbonne)

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Billet de blog 24 juillet 2023

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Dangereuses falsifications

A défaut de s'exprimer sur les révoltes partout en France, Macron s'en prend aux services publics.

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Macron est engagé dans une entreprise de falsification de l’histoire. Nous l’avons déjà relevé à propos de son conseil national de la refondation, reprenant l’acronyme du Conseil national de la Résistance pour l’effacer. Le résultat fut, à l’inverse, un rappel de ce qu’a été le CNR durant la seconde guerre mondiale, un organe de résistance et de progrès social.

Dans sa volonté de démanteler la sécurité sociale - créée par le CNR, le vrai - Macron réécrit une nouvelle fois les faits. Le 4 juillet 2023, devant les maires qu’il a convoqués après la révolte dans les quartiers discriminés partout en France, il s’est exclamé « la santé est gratuite, l’éducation est gratuite, et on a parfois le sentiment que ce n’est jamais assez ». Il remet en cause deux piliers de la République, tout à la fois promoteurs et garants de l’égalité, de la solidarité et de la cohésion nationale. Ce propos relève soit de l’ignorance, ce qui devrait nous alerter, ou de l’impéritie, tout autant inquiétante, mais plus certainement de la provocation et de la propagande néolibérale pour laquelle tout n’est que marchandise.

Faut-il rappeler que les soins sont financés et remboursés par la sécurité sociale, en retour des cotisations que lui versent tous les salariés, une part retenues sur le salaire, la part salariale, et une autre versée par l’employeur, la part patronale ? Ces deux cotisations sont une part du salaire des salariés. Leur somme est la part du salaire dite socialisée, elle est générée par le travail des salariés à qui elle appartient. Il n’y a donc pas gratuité mais engagement et contrepartie solidaire. Disposer de ces cotisations par des exonérations, comme le font Macron et son gouvernement, sans l’accord des salariés, est une spoliation sinon un vol.

Macron rêve de transférer ce qu’il considère un « marché » aux opérateurs privés de santé, aux assureurs et aux mutuelles, à l’affut de ce pactole qu’ils voudraient accaparer, selon l’idéologie capitaliste. Bruno Le Maire, son ministre de l’économie, œuvre dans ce sens, exonérant toujours plus les employeurs de cotisations et d’impôts. A tel point que la Cour des comptes, dans une note du 6 juillet 2023, les évalue à 94,2 milliards d’euros en 2022, et s’inquiète de leur inefficacité. En compensation, la substitution des ressources de la sécurité sociale par des prélèvements fiscaux (CSG, TVA, impôts et taxes), qui représentent à présent plus de 47% du budget de l’organisme de protection sociale, changent le principe de solidarité et de mutualisation. Ce transfert prépare à une fiscalisation totale préalable à la privatisation qui sera ainsi présentée comme inéluctable. Le ministre rajoute au registre de la propagande son mépris des citoyens lorsqu’il déclare le 21 juin « la gratuité ou la quasi-gratuité peuvent conduire à déresponsabiliser le patient et expliquent que l’achat de médicaments soit encore si élevé en France ».

Quant à l’école, autre « marché » convoité par le secteur marchand, Macron choisit d’ignorer qu’il est un investissement de la nation pour son avenir, une richesse donc, et aussi un lieu d’émancipation des futurs citoyens de tous les asservissements économiques, sociaux, culturels. L’école est financée par les ressources fiscales de l’Etat, les impôts, elle n’est donc pas gratuite. Macron a continué, après ses prédécesseurs, l’entreprise de dégradation de l’école publique dans toutes ses composantes. Ce travail de délabrement vise à inciter les parents, ceux dont la situation économique et géographique le permet, à choisir l’enseignement privé. Pour celui-ci, majoritairement confessionnel et catholique, il n’y aurait pas de questions sur sa gratuité ou sa non-gratuité alors que son financement est assuré à plus de 70% par l’Etat, c’est-à-dire les impôts.

Macron remet en cause la République sociale inscrite dans la Constitution. Il n’hésite pas à en saper les fondements les plus importants, l’égalité et la solidarité, au prétexte fallacieux de vouloir moderniser le pays. Ses intentions sont au bénéfice de quelques-uns, au détriment de l’intérêt général qui, lui, est gage de paix sociale et de civilisation. Les révoltes qui se sont déclenchées dans les quartiers les plus discriminés nous avertissent du danger qu’il y a toujours à détruire nos biens communs. Macron serait avisé de s’en préoccuper.

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