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Louis Albert SERRUT

Auteur, essayiste. Docteur en sciences de l'Art (Paris 1 Panthéon Sorbonne)

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Billet de blog 29 octobre 2025

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Sarkozy, la chute

Ce mardi 21 octobre 2025, Nicolas Sarkozy a descendu à pied, main dans la main de sa femme, l’impasse Guérin où ils demeurent, dans ce coin pour privilégiés du seizième arrondissement de Paris. Voisins sans en être de la villa Montmorency, village privé de millionnaires ou milliardaires soucieux de se maintenir à l’écart. De quoi ? Du tout-venant, de la racaille populaire, des citoyens ?

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Désordre à l’ordre public

Ils ont descendu, ils habitent tout en haut au bout de cette petite rue sans issue, encadrés par la double haie de leurs amis et soutiens venus souvent en voisins. Le microcosme de la droite sévère et dure, dure aux autres. Guaino, le raciste antiafricain était parmi ceux-là venus fêter, en quelque sorte, le départ de Sarko en prison. C’est aujourd’hui qu’il entre à la Santé, en quartier d’isolement pour être préservé.

Depuis la veille, les CRS en nombre ont quadrillé le quartier, bloqué toute circulation, posé des barrières en long et en travers sur sa rue, les rues voisines, les trottoirs, patrouillé toute la nuit tous feux allumés. Un véritable désordre, une atteinte à l’ordre public. Mieux gardé que le musée du Louvre cambriolé la veille, qui serait donc de moindre importance que le repris de justice.

Depuis sa condamnation, Sarkozy n’a cessé de contester la décision, ce qui se comprend de tout justiciable criant à son innocence. Et d’ameuter les médias, les réseaux sociaux, d’aller sur les plateaux, publier des tribunes dans les journaux amis, prendre à témoin les français de son honneur sali, de la honte pour la nation, d’accuser la justice, les juges, bref, d’inverser la réalité, ou dire celle qu’il veut imposer, sa vérité.

Il est outré, il ne décolère pas que lui, ancien président, soit traité ainsi, sans égard à sa position d’ancien. Il considère sans doute qu’ancien président vaut diplôme pour autoriser toutes les tractations, organiser tous les coups sans jamais rendre de compte. « Ancien président » serait un statut qui assure honneurs, bonnes places et privilèges, notamment fiduciaires, et son corollaire le respect protégeant son titulaire de toute question, requête ou enquête.

Quelle est sa vérité ? D’avoir atteint à la plus haute charge de l’Etat l’exonèrerait de tout soupçon de malversation, de fraude, de tromperie. Elle le transformerait en un individu au-dessus de toute suspicion, tout grief attentatoire à sa probité, qui ne saurait faire l’objet du moindre doute quant à son honnêteté. « Ancien président » mettrait hors de cause par principe d’ancienneté.

Une manière de malfrat

Le soupçon en effet porte sur un individu qui s’adapte, compose, tergiverse et s’accommode de petits arrangements avec la loyauté, la fidélité, la transparence - voire la rectitude, pourquoi pas ? Le soupçon ne date pas d’hier. Souvenons-nous de son parcours, qui révèle le personnage : l’ambition justifiant toutes les trahisons, celle de Pasqua pour la mairie de Neuilly sur Seine, de Chirac pour la présidentielle, et de ses affidés les plus dévoués et les plus anciens, Guéant et Hortefeux quand les questions des juges le serrent de près.

Ministre de l’intérieur, il allait provoquer et insulter les habitants des banlieues, « la racaille », sans que sa forfaiture ne soit relevée, ses amis et son camp s’en étaient gardé. Elu Président par effraction, il préfèra le Fouquet’s et aller naviguer avec son ami Bolloré. Et se vit reprocher de transformer la République en une dictature.

A présent, ce terme «  caillera » retourné à son endroit résonne avec justesse. Car l’individu « ancien président » n’en finit pas d’être condamné pour diverses escroqueries. Condamné définitivement pour corruption dans l’affaire « Bismuth », fait anodin pour ses supporters ; doublement condamné pour financement illicite de campagne électorale dans le scandale Bygmalion, broutille là encore ; condamné à cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs dans l’affaire libyenne, dont le jugement n’a retenu qu’un seul des quatre chefs d’accusation, insupportable complot crient à présent ses soutiens. Faut-il charger l’âne davantage ? Une enquête est ouverte à son endroit pour trafic d’influence dans l’attribution de la Coupe du monde de football 2022 au Quatar ; une autre pour subornation de témoin dans l’affaire libyenne...

A reprendre cet alignement d’escroqueries, il apparaît bien que Sarkozy raisonne, calcule, projette ses coups comme font les malfrats, en s’autorisant à ignorer les règles, le droit, la loi et dans son cas particulier d’avocat, l’éthique. Pour sa défense, il est vrai que l’escroquerie est une tradition politique. Son prédécesseur, Jacques Chirac, celui qu’il a trahi, a été en son temps condamné définitivement pour détournements de fonds publics, et les premiers ministres Alain Juppé et François Fillon ont été eux aussi condamnés chacun définitivement. Une tradition qui vaut aussi pour son compagnonnage avec son ami Patrick Balkany, ancien député et maire de Levallois-Perret, lui aussi condamné définitivement.

La chute

En dépit de ses dénégations, malgré le soutien que lui garde le monde économique, nul doute que ce séjour en prison, quelle que soit sa durée, et quelle que soit la décision qui sera rendue en appel, ne marque le début de la chute inexorable de l’« ancien président » dans l’esprit et la mémoire des citoyens qui subissent la flétrissure de l’abus de confiance.

Ministre de l’intérieur, Sarkozy voulait introduire dans la loi une automaticité de peine à partir d’une troisième condamnation. Devons-nous être satisfaits que la mesure qu’il voulait ne s’applique pas à son cas ? Mais plus certainement, ne devrait-il pas être déchu, comme il l’a été de son titre à l’ordre de la Légion d’honneur, de celui d’ « ancien président » et des privilèges attachés. A le voir hier courir dans son quartier, bracelet électronique à la cheville mais accompagné de deux officiers de sécurité qu’il conserve aujourd’hui en prison, il est difficile d’accepter que la République soit si bonne pour ceux qui l’ont trahie.  

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