Louis de La Crecelle

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Billet de blog 1 mai 2016

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"Tabassez-moi, je suis une vieille, tabassez-moi!"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

59 Mars 2016,

Il est environ16h quand j'arrive prés du pont d'Austerlitz par l'Avenue Ledru-Rollin. Il fait beau, un peu froid mais il fait beau. Une grosse présence policière aux abords du pont. Je m'engage sur le pont et au milieu, un mur de CRS bloque le passage des premiers manifestants... Ceux-ci demeurent très calmes... Un homme grimpé sur les épaules d'un autre entonne même quelques chants devant le parterre de Playmobils régimentés... Je suis derrière le barrage et décide de passer de l'autre côté, de rejoindre la manif'.

Arrivé à l'entrée du pont, côté gare d'Austerlitz, il y a, à gauche comme à droite, des rangs groupés de CRS. La tension est palpable... Je continue le long des cortèges. Ceux-ci sont moins denses qu'au 31 mars mais la manif s'étend sur au moins deux bons kilomètres voire plus. Je reviens vers le pont d'Austerlitz et vois un groupe d'une trentaine de gars portant des brassards CGT. Un gars au milieu est en train de les briefer... Puis ils se mettent à remonter vers la tête de la manif au pas de course... Qui sont-ils ? Syndicalistes, flics déguisés... ? Qu'ont-ils décidés de faire ?

De retour vers l'entrée du Pont d'Austerlitz, plus de CRS mais deux camionnettes de flics garées sur un côté. Au pied de ces camionnettes, gisent pas mal de gros pavés carrés, des capsules de grenades lacrymos, des sacs à dos déchirés, vides...

Le Pont d'Austerlitz est complètement dégagé et la manif se poursuit avenue Ledru-Rollin. Des CRS sont postés le long de la marche... La présence policière est impressionnante. On se sent cernés, enfermés comme dans un tunnel jusqu'à Nation, la plupart des rues adjacentes étant bloquées par des cordons de robocops. Je continue sur l'avenue, il y a pas mal de casse : kiosques à journaux désossés, vitrines martyrisées etc... Le bitume laisse parfois place à des tapis de pépites de verres...
J'arrive tranquillement à Nation, un hélicoptère traîne au dessus de nos têtes. L'accès à la Place de la Nation est bloqué, comme d'hab. L'odeur de gaz lacrymo devient irrespirable et beaucoup de manifestants reviennent de la place en se frottant les yeux...
J'aperçois une trés vieille dame toute menue qui revient elle aussi de la manif. Respect !

Dans la soirée, les radios, la télé, les journaux, tous les laquais de pisse aux ordres du dogme néo-libéral servaient la même soupe : " Les casseurs ont commencé à s'attaquer aux forces de l'ordre qui ont ripostées. " Et pour donner l'illusion d'une neutralité, le préposé à la désinformation vous explique que la plupart des manifestants sont pacifiques mais discrédités par de vilains casseurs tout de noir vêtus et venus pour en découdre...
Parce que la précarité salariale qui s'annonce avec cette loi travail n'est pas violente peut-être ? Parce que la condescendance et la surdité du pouvoir face à ces millions de manifestants qui descendent dans la rue pour se faire entendre depuis deux mois n'est pas violente ?
Et que dire de cette répression policière socialiste d'une brutalité jamais rencontrée ??

À l'issue de cette 5ème manif (et non la 4ème comme présentée par tous les médias ou presque) et la 11ème pour les étudiants, j'avais besoin de réponses à pas mal de questions. Qui était cette trentaine de types portant des brassards CGT et qui se sont mis à cavaler vers le pont d'Austerlitz ? Que s'était-il passé à l''entrée de ce pont où de gros pavés carrés gisaient près des capsules de grenades lacrymos... Et c'est à l'AG de Nuit debout que j'ai eu un élément de réponse dans la soirée...

Une femme qui se prénommait Lulu a pris la parole pour parler de ce qu'elle avait vécu cet aprés midi.
Elle a raconté qu'une fois arrivée sur le pont d'Austerlitz, elle s'est trouvée en face de ce mur de CRS... Elle a bien précisé que les manifestants étaient calmes. Ayant déjà connu une répression policière en 68, elle appréhendait cette nouvelle traversée du pont..." Et soudain, nous a-t-elle dit, les CRS ont lancé des gaz lacrymos et ont commencé à matraquer les manifestants sur le pont." Alors, elle s'est mise à genoux et a dit au CRS devant elle : "Tabassez-moi, je suis une vieille, tabassez-moi ! "
Ce à quoi le CRS lui a répondu : "Ta gueule ! "
Alors elle : Ta gueule toi-même !"
Et le CRS lui a donné un coup de pied...
Un jeune qui se trouvait près d'elle aurait donné un coup de pied à ce CRS avant d'éloigner Lulu des hostilités.

Elle a conclu en disant : " Quand vous entendrez ce soir à la télé que ce sont les jeunes qui ont attaqués les CRS, ce n'est pas vrai ! Ce sont eux qui ont lancé des gaz lacrymo et qui ont matraqués... J'étais là, je l'ai vu ! "

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