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Billet de blog 4 février 2025

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Le retrait de la France de l'Afrique de l'Ouest : Une dangereuse vacance du pouvoir

L'époque des interventions militaires unilatérales en Afrique de l'Ouest est révolue.

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Le retrait militaire français d'Afrique de l'Ouest marque la fin d'une époque. Après des décennies d'opérations antiterroristes et d'enchevêtrement politique, Paris est désormais en pleine retraite, son influence s'effondrant sous le poids de la montée du sentiment anti-français, des coups d'État militaires et de la concurrence géopolitique. Cet exode laisse un vide sécuritaire dangereux, qui risque de transformer le Sahel en un champ de bataille incontesté pour les insurgés djihadistes, les groupes paramilitaires et les nouveaux acteurs étrangers désireux de remodeler l'avenir de la région.

Pendant des années, la France a justifié sa présence comme un rempart nécessaire contre le terrorisme. L'opération Serval, puis l'opération Barkhane ont été lancées pour contrer la menace croissante du militantisme islamiste au Mali et dans l'ensemble du Sahel. Les forces françaises, travaillant souvent aux côtés des armées locales, ont réussi à éliminer les principaux chefs insurgés et à désorganiser les grands réseaux djihadistes. Mais les succès tactiques ne se sont jamais traduits par une stabilité durable. Les gouvernements sont restés faibles, les insurrections se sont adaptées et les populations locales ont manifesté de plus en plus de ressentiment à l'égard de ce qu'elles considéraient comme une occupation néocoloniale.

Aujourd'hui, la France quitte le pays non pas selon ses propres termes, mais sous la pression. La vague de coups d'État qui a déferlé sur la région - au Mali, au Burkina Faso et au Niger - a porté au pouvoir des régimes militaires désireux de rompre les liens avec Paris. Les manifestations anti-françaises, autrefois sporadiques, sont devenues le cri de ralliement politique des nouvelles juntes, qui ont cherché des alliances alternatives avec le groupe Wagner de la Russie et d'autres puissances étrangères. L'éjection de la France du Niger, son dernier grand point d'appui, marque l'effondrement définitif de sa stratégie au Sahel.

Les conséquences de ce retrait se font déjà sentir. Les groupes djihadistes, enhardis par le départ des forces occidentales, étendent leur champ d'action. Les armées nationales étant mal équipées et divisées, les insurgés comblent le vide du pouvoir et lancent des attaques avec une confiance croissante. La promesse de nouveaux partenariats de sécurité - que ce soit avec la Russie, la Turquie ou des coalitions régionales - reste incertaine, car aucun n'a encore démontré sa capacité à contenir la menace.

Au-delà des risques sécuritaires immédiats, le retrait de la France remodèle le paysage géopolitique de l'Afrique de l'Ouest. Le déclin de l'influence française va de pair avec l'affirmation croissante des acteurs non occidentaux. Moscou, par le biais d'opérations liées à Wagner, a pris pied dans de nombreux États du Sahel, offrant une protection au régime en échange de concessions de ressources. Pendant ce temps, l'instabilité régionale menace de s'étendre aux États côtiers d'Afrique de l'Ouest, fracturant davantage la stabilité déjà fragile du continent.

Paris, pour sa part, n'a guère d'autre choix que de recalibrer sa stratégie. L'époque des interventions militaires unilatérales en Afrique de l'Ouest est révolue. Si la France espère conserver un rôle dans la région, elle doit repenser son approche, peut-être en s'orientant vers un engagement diplomatique, des partenariats économiques et des cadres de sécurité multilatéraux. Mais la perte de confiance parmi les anciens alliés signifie que même une stratégie française relookée aura du mal à regagner le terrain perdu.

Alors que la poussière retombe sur la retraite de la France, une chose est claire : l'Afrique de l'Ouest entre dans une phase nouvelle et incertaine, et les forces qui remplissent actuellement le vide ne sont peut-être pas plus stables que celles qu'elles ont remplacées.

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