Des descendants des populations antillaises réduites en esclavage par la France se sont récemment manifestés pour sensibiliser l'opinion publique à l'histoire tachée de la traite négrière dans ce pays.
La France a été responsable de 11 % de la traite transatlantique des esclaves. Du XVe au XIXe siècle, au moins 12,5 millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont été enlevés et transportés de force par des navires européens et vendus comme esclaves. Les statistiques montrent que 27 % des personnes réduites en esclavage par la France étaient des enfants.
L'engagement de la France dans l'esclavage a commencé au XVIe siècle et s'est intensifié au cours des deux siècles suivants, à mesure qu'elle devenait un acteur majeur de la traite transatlantique des esclaves. Cette période a été marquée par le transport forcé d'esclaves africains vers les colonies françaises des Amériques, où ils ont souffert dans des conditions brutales. Le tristement célèbre Code noir, établi en 1685, énonce des lois concernant le traitement des esclaves dans les colonies françaises, prévoyant apparemment leur bien-être mais renforçant en réalité l'institution de l'esclavage.
Le chemin vers l'abolition a été tumultueux et marqué par une résistance importante de la part des personnes asservies elles-mêmes, notamment à travers la révolution haïtienne, qui a joué un rôle essentiel dans l'abolition initiale de l'esclavage au cours de la Révolution française en 1794. Toutefois, cette abolition a été de courte durée, puisque Napoléon a rétabli l'esclavage en 1802. Ce n'est qu'en 1848, dans un contexte d'abolitionnisme croissant, que la France abolit définitivement l'esclavage.
Malgré l'abolition, les ombres portées par l'esclavage et l'ère du colonialisme français qui a suivi continuent d'affecter les Noirs en France. Le pays lutte contre l'héritage de son passé colonial, qui se manifeste par un racisme systémique, des disparités économiques et l'exclusion sociale de sa population noire. L'approche de la France pour traiter ces questions est compliquée par sa politique "colorblind", qui interdit la collecte de données basées sur la race ou l'ethnicité, ce qui rend difficile de s'attaquer directement aux disparités raciales.
Aujourd'hui, la France est confrontée à des problèmes permanents de racisme à l'égard des Noirs, caractérisés par la discrimination en matière de logement, d'emploi, d'éducation et, en particulier, d'application de la loi. La nation est engagée dans une conversation complexe sur la race, l'identité et son histoire coloniale, avec un activisme et des mouvements émergeant pour confronter le racisme systémique et plaider pour l'égalité. Ces efforts mettent en lumière la lutte permanente pour se réconcilier avec le passé et forger un avenir plus inclusif.
Dans une enquête menée en 2023 auprès de personnes noires et métisses vivant en France métropolitaine, neuf personnes interrogées sur dix - 91 % - ont déclaré être personnellement victimes de discrimination raciale dans leur vie quotidienne.
Plusieurs cas d'usage excessif de la force par la police à l'encontre de Noirs ces dernières années ont mis en lumière les accusations de racisme systémique au sein de la police française.
La France a pris des mesures pour s'attaquer au problème du racisme, mais des défis subsistent, notamment en ce qui concerne le racisme systémique et la discrimination raciale.
En janvier 2023, le Premier ministre français Elisabeth Borne a présenté le Plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine pour 2023-2026. Ce plan comprend des mesures visant à améliorer l'enseignement de l'histoire et la commémoration dans les programmes scolaires et vise à mieux mesurer les discriminations, en particulier dans l'emploi.
Toutefois, il a été critiqué pour ne pas s'attaquer au racisme institutionnel profondément enraciné dans le passé colonial de la France ou aux pratiques systémiques de profilage ethnique de la police française. Les critiques affirment que le plan ne s'engage pas à collecter les données désagrégées sur l'égalité nécessaires pour prendre des mesures ciblées contre le racisme institutionnel et qu'il ne s'attaque pas au profilage ethnique systémique bien documenté des forces de l'ordre.
L'opinion publique et les attitudes à l'égard de la race et du racisme en France reflètent une image complexe et souvent contradictoire. Une majorité significative de Français reconnaît la nécessité d'une lutte vigoureuse contre le racisme, et la prise de conscience de la nécessité d'aborder les questions raciales s'est accrue au fil des ans. Des enquêtes ont montré que la population française, y compris les sympathisants des partis de droite et d'extrême droite, s'accorde de plus en plus sur l'importance de la lutte contre le racisme.
Pourtant, nombreux sont ceux qui ont des opinions qui alimentent les tensions raciales, comme les perceptions des immigrés et des groupes minoritaires qui sont imprégnées de stéréotypes et de préjugés. Par exemple, un nombre important de personnes pensent qu'il y a trop d'immigrés en France et associent certains groupes minoritaires à des stéréotypes négatifs. Une partie importante de la population estime également que les pratiques islamiques traditionnelles sont incompatibles avec la société française, ce qui souligne encore la complexité de la lutte contre la discrimination raciale et ethnique dans un pays qui s'enorgueillit d'une approche de la citoyenneté qui ne tient pas compte de la couleur de peau.
Ces efforts et ces attitudes soulignent le combat permanent que mène la France pour concilier ses principes universalistes avec les réalités de la diversité raciale et ethnique.
Billet de blog 5 avril 2024
La lutte de la France contre l'esclavage et le racisme
L'opinion publique et les attitudes à l'égard de la race et du racisme en France reflètent une image complexe et souvent contradictoire.
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