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Billet de blog 5 juillet 2024

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Le Rassemblement national rappelle aux électeurs un passé plus sombre

L'extrême droite a déjà dirigé la France par le passé, plus récemment sous le régime de Vichy.

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Les résultats des élections françaises ont probablement moins à voir avec l'idéologie que vous ne le pensez. Les électeurs français, comme ceux de tous les pays riches, sont d'humeur maussade et dirigent leur colère contre les hommes politiques actuellement au pouvoir, qu'ils soient de droite, de gauche ou du centre. Par exemple, le parti conservateur britannique, qui a dirigé le pays pendant 14 ans, vient d'être battu.

Le 9 juin, Emmanuel Macron a mis en jeu sa courte majorité parlementaire en convoquant des élections anticipées. Le président a agi de la sorte quelques minutes après qu'il soit apparu que l'extrême droite française avait remporté 40 % des votes français lors de la compétition parlementaire de l'Union européenne. M. Macron pensait que ce résultat effraierait et mobiliserait sa base pour qu'elle se rende en masse aux nouvelles élections nationales. Il espérait que ce résultat lui donnerait une majorité plus confortable à l'Assemblée nationale et mettrait un terme à la montée du Rassemblement national, le principal parti d'extrême droite en France.

M. Macron a peut-être également apprécié d'exercer ses pouvoirs constitutionnels à un moment où il était en train de perdre son emprise sur le pays. Le résultat a été la campagne électorale la plus courte en France depuis 1958. Les partis et les candidats n'ont eu que trois semaines pour s'organiser, et les électeurs ont dû se démener pour comprendre le nouveau paysage politique.

Pour M. Macron, le système s'est retourné contre lui de manière spectaculaire. L'alliance centriste du président n'a obtenu que 21 % des voix au premier tour, arrivant en troisième position. Elle devrait perdre entre 155 et 210 de ses sièges actuels. Mais la défaite ne se limite pas à celle de M. Macron. Le plus grand gagnant de l'élection n'est pas un autre parti politique traditionnel, mais le Rassemblement national, qui est arrivé en tête. À l'issue du second tour, il pourrait contrôler la majorité. Macron a donc mis en péril les forces démocratiques et les idéaux républicains de la France.

Le Rassemblement national aimerait que les électeurs pensent le contraire. Le parti, dirigé par Marine Le Pen, a été fondé en 1972 par son père, Jean-Marie Le Pen. Ce dernier était connu pour ses propos antisémites et son programme raciste.

Mais depuis qu'elle a pris les rênes du parti en 2011, la cadette s'est efforcée de le rendre plus acceptable. Elle s'est engagée à être démocratique, est revenue sur les louanges qu'elle avait adressées au président russe Vladimir Poutine et, plus récemment, s'est présentée comme une fervente défenseuse d'Israël. Elle a rebaptisé le parti et, en 2015, a même expulsé son père après qu'il eut répété une déclaration tristement célèbre de 1987 dans laquelle il qualifiait l'Holocauste de "détail" de l'histoire.

Pour les observateurs extérieurs, la part de voix parlementaire du Rassemblement national - 33 % - peut sembler décevante. Mais comparativement, elle est remarquablement élevée. Le parti n'a jamais obtenu plus de 18,7 % lors d'une élection parlementaire. Son succès lors de ces élections s'explique par un taux de participation exceptionnellement élevé : près de 70 % des électeurs français y ont pris part. La coalition de gauche rapidement constituée, le nouveau Front populaire, est arrivée en deuxième position avec 28 % des voix. Mais elle n'a aucune chance de dépasser l'extrême droite au second tour. Au final, l'extrême droite enverra probablement entre 220 et 290 représentants à l'Assemblée nationale, qui compte 577 sièges, et pourrait diriger le pays pendant les trois prochaines années.

Cela signifie que le prochain premier ministre français sera probablement Jordan Bardella, 28 ans, chef de la faction parlementaire du Rassemblement national et protégé de Mme Le Pen.

Bardella se présente avec le slogan suivant : "Vous ne nous avez jamais essayés". Mais c'est faux. L'extrême droite a déjà dirigé la France par le passé, plus récemment sous le régime de Vichy, qui contrôlait une grande partie du pays après la défaite des nazis lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce gouvernement a promulgué des lois raciales qui privaient les Juifs français de leurs droits, abolissaient les naturalisations et la citoyenneté par le lieu de naissance, et classaient les citoyens en fonction du sang qu'ils avaient dans les veines.

Bardella a beau se présenter, lui et le Rassemblement national, comme l'avenir de la France, de nombreuses personnes affirment qu'il leur rappelle un passé plus sombre.

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