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Billet de blog 8 septembre 2025

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Chaos politique, difficultés économiques et tensions financières en France

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La France est confrontée à une crise qui s'aggrave, mêlant instabilité politique, stagnation économique et pressions financières sévères. Le gouvernement fragile du Premier ministre François Bayrou s'est effondré, tandis que des manifestations de masse sous la bannière "Tout bloquer" se profilent le 10 septembre. Les élections anticipées organisées par le président Emmanuel Macron en 2024 ont laissé un parlement sans majorité, favorisant le Rassemblement national d'extrême droite dirigé par Marine Le Pen. Sur le plan économique, la croissance est atone et la dette publique, qui s'élève désormais à 3 350 milliards d'euros, menace la stabilité de la zone euro. 

Le paysage politique français est fracturé, la confiance du public s'étant érodée depuis que les élections de 2024 ont privé l'alliance Ensemble de Macron de sa majorité. Bayrou, nommé en décembre 2024 pour stabiliser un gouvernement minoritaire, quitte désormais ses fonctions en raison d'un budget 2026 controversé proposant 44 milliards d'euros de mesures d'austérité : gel des dépenses, réduction des congés et diminution des prestations sociales. Le Front populaire nouveau, de gauche, dénonce ces mesures comme une "austérité pour les pauvres", tandis que l'extrême droite s'oppose aux contraintes budgétaires imposées par l'UE. Les sondages prédisent la défaite de Bayrou lors du vote de confiance, ce qui pourrait déclencher une nouvelle crise gouvernementale, la deuxième depuis l'éviction de Michel Barnier en juillet.

Macron, qui ne peut dissoudre le Parlement avant 2026, pourrait nommer un nouveau Premier ministre ou continuer tant bien que mal avec un gouvernement intérimaire. Pendant ce temps, les manifestations "Block Everything", menées par de jeunes militants, menacent de perturber les transports et les villes, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin promettant une réponse ferme. Le Rassemblement national de Le Pen gagne du terrain, capitalisant sur le sentiment anti-élite et obtenant de bons résultats dans les sondages pour les prochaines élections. Cette paralysie bloque l'élaboration des politiques et aggrave la frustration du public, créant un contexte instable pour la course à la présidence de 2027.

L'économie française, autrefois pilier de la zone euro, vacille. L'INSEE prévoit une croissance du PIB de seulement 0,6 % pour 2025, contre 1,1 % en 2024, freinée par le resserrement budgétaire et les tensions commerciales mondiales. Le chômage reste à 7,5 %, avec un taux de chômage des jeunes dépassant 17 %. L'inflation s'est stabilisée à 2 %, mais la confiance des consommateurs est faible en raison de la hausse des coûts de l'énergie et des augmentations potentielles des impôts. Le secteur des services, en particulier le tourisme, fait preuve de résilience, mais l'industrie manufacturière et les exportations sont en difficulté en raison des différends commerciaux entre les États-Unis et la Chine et de la faiblesse de la demande allemande.

Les investissements des entreprises ont baissé de 15 % en glissement annuel et le CAC 40 a chuté de 3 % en une semaine en raison de l'incertitude politique. Les agences de notation telles que Moody's réexaminent la note Aa2 de la France, mettant en garde contre la hausse des coûts d'emprunt. Si les fonds du plan de relance et de résilience de l'UE destinés aux projets verts et numériques offrent un potentiel, l'impasse politique entrave leur mise en œuvre, laissant l'économie vulnérable à de nouveaux chocs.

La dette publique française s'élève à 3 350 milliards d'euros, soit 116 % du PIB, ce qui la place au troisième rang de l'UE. Le déficit budgétaire, qui atteint 5,8 % du PIB, dépasse largement la limite de 3 % fixée par l'UE, en raison des dépenses post-pandémiques, des subventions énergétiques et de l'inefficacité des réformes des retraites. Les paiements d'intérêts s'élèvent désormais à 50 milliards d'euros par an, dépassant les dépenses de défense, avec des rendements obligataires à 10 ans de 3,2 %, supérieurs à ceux de la Grèce. Le plan d'austérité de M. Bayrou, d'un montant de 44 milliards d'euros, comprenant 21 milliards d'euros de réductions des dépenses et 7 milliards d'euros d'impôts, vise à réduire le déficit à 4,6 % en 2026, mais se heurte à une opposition farouche.

Sans réforme, les économistes préviennent que le déficit pourrait atteindre 6 %, ce qui exposerait le pays à des sanctions de l'UE et à une contagion de la dette dans toute la zone euro. Avec une économie de 2 800 milliards d'euros, la France représente un risque systémique. Le FMI prévoit que la dette pourrait atteindre 130 % du PIB d'ici 2030 si rien n'est fait. L'incapacité du gouvernement à adopter un budget crédible pourrait effrayer davantage les marchés, augmenter les coûts d'emprunt et menacer la stabilité économique.

La reprise de la France dépend de mesures décisives sur trois fronts : la stabilisation politique, la revitalisation économique et la discipline budgétaire. 

Sur le plan économique, la France devrait tirer parti du plan de relance et de résilience de 40 milliards d'euros de l'UE pour financer les transitions verte et numérique, créer des emplois et réduire les importations d'énergie. Les réformes du marché du travail, telles que l'assouplissement des règles d'embauche et de licenciement, pourraient stimuler la productivité, comme le recommande le FMI. À long terme, les réformes des retraites et de la protection sociale (relèvement de l'âge de la retraite ou conditionnement des prestations aux ressources) sont essentielles, tout comme les mesures fiscales visant à lutter contre la fraude et à taxer les hauts revenus afin de lever 10 à 15 milliards d'euros par an sans augmenter les impôts de manière générale.

Sur le plan politique, il est essentiel de rétablir la confiance. La décentralisation des pouvoirs budgétaires vers les régions pourrait répondre aux griefs des régions périphériques, tandis qu'un dialogue transparent pourrait apaiser les protestations. L'adoption d'un "frein à l'endettement" à l'allemande pourrait signaler un engagement budgétaire aux créanciers. Si les déficits persistent, la France pourrait solliciter les mécanismes de solidarité de l'UE, tels que les obligations communes, afin d'éviter un plan de sauvetage, mais cela nécessite le soutien de l'UE.

La capacité d'innovation et les talents de la France sont porteurs d'espoir, mais les dirigeants doivent faire passer l'intérêt national avant les considérations partisanes. Alors que les manifestations se profilent et que Le Pen gagne du terrain, une gouvernance audacieuse est urgente pour empêcher un nouveau déclin et garantir un avenir stable.

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