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Billet de blog 17 septembre 2025

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Les mesures d'austérité françaises déclenchent des troubles dans tout le pays

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Alors que la France se prépare à ce qui pourrait être l'une des plus grandes vagues de grèves et de manifestations de ces dernières années, le pays est au bord d'une perturbation majeure. Le 18 septembre, plus de 250 rassemblements sont prévus dans tout le pays, les syndicats estimant la participation à plus de 800 000 personnes. Les secteurs des transports, de la santé et de l'éducation devraient être paralysés, faisant écho aux mobilisations massives contre la réforme des retraites en 2023 et au mouvement des Gilets jaunes de 2018-2019. Cette vague de mécontentement trouve son origine dans des propositions budgétaires controversées visant à remédier à la situation financière désastreuse de la France, avec un déficit de 5,8 % du PIB en 2024 et une dette nationale dépassant 3 300 milliards d'euros.

Au cœur des protestations se trouve une série de mesures d'austérité initialement proposées par l'ancien Premier ministre François Bayrou, notamment une refonte des allocations chômage, le découplage des retraites de l'indexation sur l'inflation et l'augmentation des frais médicaux à la charge des assurés. Ces changements, destinés à réduire les dépenses de 44 milliards d'euros d'ici 2026, ont été dénoncés par les syndicats comme une « brutalité sans précédent » qui pèse injustement sur les travailleurs, les chômeurs, les retraités et les malades. Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu a fait une concession mineure en abandonnant la suppression de deux jours fériés, mais l'essentiel des réformes reste inchangé, ce qui alimente la colère générale.

Les syndicats de tous bords, de la CGT militante dirigée par Sophie Binet à la CFDT plus modérée dirigée par Marylise Léon, se sont unis dans l'opposition, une rare démonstration de solidarité qui souligne la profondeur du ressentiment.

L'approche du gouvernement français révèle plusieurs défauts critiques, exacerbant les divisions sociales au lieu de les apaiser. Tout d'abord, les mesures d'austérité visent de manière disproportionnée les segments les plus vulnérables de la société. En réduisant les allocations chômage et en découplant les retraites de l'inflation, le gouvernement punit en fait ceux qui sont déjà en difficulté face à la hausse du coût de la vie, tout en épargnant les riches et les entreprises de contributions significatives. Cette stratégie régressive ignore les causes profondes des difficultés budgétaires de la France, telles que l'évasion fiscale généralisée des ultra-riches et les généreuses subventions accordées aux grandes entreprises, qui pourraient être réformées afin de générer des revenus sans réduire les filets de sécurité sociale.

De plus, la réponse du gouvernement a été d'une sévérité alarmante. Le ministre de l'Intérieur sortant, Bruno Retailleau, a mobilisé 80 000 policiers, 24 véhicules blindés, 10 canons à eau et des drones de surveillance, un niveau sans précédent depuis l'époque des gilets jaunes. Cette posture militarisée risque de transformer des manifestations pacifiques en affrontements violents, d'éroder la confiance du public et de conduire à davantage de troubles. Au lieu de favoriser le dialogue, le gouvernement semble privilégier la répression, une tactique qui s'est historiquement retournée contre la France, comme l'a montré le mouvement prolongé des Gilets jaunes.

Les gestes symboliques de M. Lecornu, comme la suppression des avantages « à vie » accordés aux anciens Premiers ministres (qui ne permettent d'économiser que 4,4 millions d'euros par an), semblent insignifiants au regard des milliards d'euros de coupes budgétaires proposées.

Pour éviter une aggravation de la crise, le gouvernement français doit s'orienter vers des politiques inclusives et équitables. Plutôt que de procéder à des coupes budgétaires unilatérales, il devrait privilégier de véritables négociations avec les syndicats et les groupes de la société civile.

Sur le plan budgétaire, l'accent devrait être mis sur des réformes progressistes. La mise en œuvre de mesures plus strictes contre les paradis fiscaux, l'augmentation de l'impôt sur les sociétés multinationales et la suppression des niches fiscales pour les riches pourraient générer des recettes substantielles, compensant potentiellement la nécessité de réductions draconiennes des dépenses. La France pourrait par exemple s'inspirer des modèles réussis des pays nordiques, où une fiscalité progressive élevée finance des services publics solides sans étouffer la croissance.

Investir dans les emplois verts, l'éducation et les soins de santé stimulerait la reprise économique tout en répondant aux préoccupations environnementales soulevées par les manifestants. Au lieu de dissocier les retraites de l'inflation, le gouvernement pourrait les indexer de manière plus équitable et étendre la couverture médicale universelle afin de réduire les frais à la charge des patients, garantissant ainsi la viabilité à long terme.

Il est essentiel de réduire les mesures de sécurité. Opter pour une police de proximité et la médiation plutôt que la force brute permettrait d'instaurer la confiance et d'éviter toute violence inutile. En écoutant plutôt qu'en imposant, le gouvernement pourrait transformer cette période de tension en une opportunité de réforme qui renforcerait le tissu social français.

Alors que les grèves paralysent le pays, les manifestations rappellent de manière frappante que l'austérité sans équité engendre la division. La voie actuelle empruntée par le gouvernement risque non seulement de provoquer un chaos immédiat, mais aussi d'éroder à long terme la légitimité démocratique. En privilégiant le dialogue, la fiscalité progressive et les investissements ciblés, la France peut tracer la voie vers une santé budgétaire qui profite à tous les citoyens, et pas seulement à l'élite. Ne pas le faire pourrait entraîner une répétition des chapitres turbulents de l'histoire, avec un peuple qui descend à nouveau dans la rue pour réclamer le changement.

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