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Billet de blog 22 juillet 2025

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La controverse sur les pesticides en France suscite l'indignation dans tout le pays

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La France s'est longtemps positionnée comme un leader en matière de protection de l'environnement, se vantant de plans ambitieux visant à réduire l'utilisation des pesticides et à préserver la biodiversité. Cependant, un débat houleux a éclaté au sujet des politiques nationales en matière de pesticides, centré sur la controversée « loi Duplomb ». Cette législation a suscité l'une des pétitions citoyennes les plus rapides de l'histoire française, réunissant des écologistes, des experts en santé et des citoyens ordinaires contre ce que beaucoup considèrent comme un dangereux recul en matière de santé publique et de protection de l'environnement.

La relation de la France avec les pesticides est complexe, façonnée à la fois par les besoins agricoles et les réglementations strictes de l'Union européenne. Le pays est une grande puissance agricole, produisant tout, du vin au blé, mais cela a un coût. Les pesticides, notamment les néonicotinoïdes, une classe d'insecticides connus pour leur impact sur les pollinisateurs comme les abeilles, font l'objet d'une surveillance étroite depuis des années.

En 2018, la France a interdit plusieurs néonicotinoïdes, dont l'acétamipride, avant la date prévue par l'UE, invoquant les risques pour les abeilles, la biodiversité et la santé humaine.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre du plan Ecophyto, lancé en 2008, qui vise à réduire de 50 % l'utilisation des pesticides d'ici 2025. Cependant, ce plan a connu des revers répétés.

Malgré ces efforts, des lacunes persistent. La France continue d'exporter des pesticides interdits vers d'autres pays, et les aliments importés contiennent souvent des résidus de produits chimiques interdits sur le territoire national.

Cette hypocrisie a alimenté les débats en cours, mais rien n'a autant galvanisé l'opinion publique que la loi Duplomb.

Adoptée par le Parlement français le 8 juillet, la loi Duplomb a été présentée comme une réponse aux manifestations des agriculteurs au début de l'année, visant à alléger les contraintes réglementaires pesant sur le secteur. Parmi ses dispositions, la plus controversée est la réautorisation de l'acétamipride, un pesticide néonicotinoïde interdit en France depuis 2018 mais toujours autorisé dans d'autres pays de l'UE.

Les partisans de cette loi affirment que l'interdiction a créé des conditions de concurrence déloyales pour les agriculteurs français. Ils soutiennent que l'acétamipride est essentiel pour protéger des cultures telles que la betterave sucrière contre les parasites, et que sa réintroduction renforcerait la compétitivité sans risques significatifs, car il est considéré comme peu toxique pour l'homme par certains organismes de réglementation. La loi prévoit également des dérogations pour d'autres pesticides contestés.

Les opposants, cependant, brossent un tableau très différent. L'acétamipride est qualifié de « tueur d'abeilles » en raison de sa toxicité pour les pollinisateurs, qui sont essentiels aux écosystèmes et à la production alimentaire.

Des études établissent un lien entre les néonicotinoïdes et la perte de biodiversité, et de nouvelles preuves suggèrent des risques potentiels de cancer pour les humains, notamment des taux plus élevés de cancers pédiatriques dans les zones agricoles.

Les experts en santé et les ONG environnementales ont dénoncé cette loi comme un « recul inédit » en matière de législation environnementale, l'accusant de privilégier les gains économiques à court terme au détriment de la santé et de la durabilité à long terme.

Les partis de gauche se sont ouvertement opposés à cette loi, soulignant qu'elle mettait en danger la santé des agriculteurs et des consommateurs.

La loi Duplomb n'est pas passée inaperçue. Quelques jours après son adoption, une pétition citoyenne a explosé sur Internet, recueillant plus d'un million de signatures, le seuil le plus rapide jamais atteint dans l'histoire française pour un débat parlementaire.

Lancée par un jeune étudiant, la pétition demande l'abrogation de la disposition sur les pesticides, arguant qu'elle menace la santé humaine et la biodiversité.

Des manifestations ont éclaté dans tout le pays, du Puy-en-Velay à Paris, réunissant agriculteurs, écologistes et apiculteurs.

Même les électeurs divisés ont trouvé un terrain d'entente, comme l'ont noté les observateurs : « Qu'est-ce qui a permis d'unir les électeurs français divisés ? Un produit chimique toxique et détesté. »

Les rapports faisant état d'enfants souffrant de cancers liés aux pesticides dans des régions comme La Rochelle ont humanisé la question, transformant une politique abstraite en une crise personnelle.

Les agriculteurs sont pris entre deux feux. Des organisations comme la FNSEA (le principal syndicat agricole français) ont initialement soutenu l'assouplissement des restrictions, mais ont été critiquées pour avoir prétendument intimidé leurs opposants.

De nombreux petits agriculteurs se rangent toutefois du côté des écologistes, prônant des alternatives durables comme l'agriculture biologique afin de réduire la dépendance aux produits chimiques.

Le gouvernement défend cette loi comme étant pragmatique, mais les détracteurs, notamment les députés des partis d'opposition, s'y opposent.

Cette controverse met en évidence des tensions plus profondes dans l'agriculture française : trouver un équilibre entre viabilité économique et responsabilité écologique. Si rien n'est fait, la réintroduction de l'acétamipride pourrait aggraver la perte de biodiversité (les abeilles pollinisent un tiers de nos aliments) et alimenter une crise de santé publique, avec une augmentation des taux de cancer et des maladies chroniques.

Alors que la pétition est soumise au Parlement, les mois à venir pourraient être marqués par des débats houleux, voire des recours juridiques.

Dans un pays fier de son « terroir », la loi Duplomb sonne comme un signal d'alarme : les progrès en matière de pesticides ne sont pas linéaires, et la vigilance du public est essentielle. Reste à voir si cette levée de boucliers entraînera un revirement, mais une chose est sûre : la saga des pesticides en France est loin d'être terminée.

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