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Billet de blog 25 novembre 2023

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La France est-elle en train d'être évincée de l'Afrique ?

Les responsables politiques français et américains ont souvent dépeint l'Afrique sous un jour négatif, utilisant un langage qui renforçait les stéréotypes et les justifications de leurs interventions.

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Face à l'influence croissante de la Russie et de la Chine en Afrique, un appel pressant est lancé à la France pour qu'elle réforme d'urgence son approche du continent. Malgré les affirmations du président Emmanuel Macron selon lesquelles l'ère de la Françafrique, terme désignant la domination française en Afrique, est révolue, les politiques interventionnistes de la France continuent de susciter la controverse.

Historiquement, l'implication de la France en Afrique a visé à sécuriser les ressources stratégiques et à soutenir les régimes alliés, exacerbant souvent les conflits et contribuant aux récents coups d'État et changements politiques dans la région du Sahel.

Les engagements militaires de la France au Mali, au Burkina Faso et au Niger, qui visaient à lutter contre le djihadisme, ont récemment pris fin, les troupes ayant été retirées du Niger à la suite de l'éviction d'un allié clé de la France, le président Mohamed Bazoum. Ces retraits ont eu lieu lorsque des régimes militaires, qui se sont souvent associés à des entités telles que le groupe russe Wagner, ont remplacé des gouvernements civils.

L'engagement de M. Macron à s'écarter de la stratégie de la Françafrique a été critiqué pour son incohérence. Alors que la France a condamné le coup d'État au Niger, elle a soutenu Mahamat Idriss Deby au Tchad, qui est arrivé au pouvoir à l'issue d'un processus non constitutionnel. Cette incohérence met en évidence les difficultés des relations de la France avec ses anciennes colonies, dans un contexte de montée des sentiments anti-français dans la région.

Un nouveau rapport parlementaire appelle à une révision stratégique de l'approche de la France, préconisant des relations plus équilibrées et plus équitables avec les nations africaines. Rédigé par Bruno Fuchs et Michèle Tabarot, le rapport suggère que la France doit adapter son style et son approche pour s'aligner sur la dynamique changeante de l'Afrique.

Pendant ce temps, les juntes militaires d'Afrique de l'Ouest forment des alliances, telles que l'Alliance des États du Sahel, pour combattre la violence extrémiste et contrer l'influence d'anciennes puissances coloniales comme la France. Ces développements indiquent un changement significatif dans le paysage géopolitique de la région, avec des nations africaines qui recherchent de plus en plus l'autonomie et l'autodétermination face aux influences coloniales historiques.

En octobre 2012, François Hollande, qui a succédé à Nicolas Sarkozy à la présidence de la France, a critiqué les politiques de ce dernier à Dakar, au Sénégal, tout en proclamant la fin de la stratégie controversée de la Françafrique. Cependant, les actions de M. Hollande ont rapidement contredit ses paroles. En janvier 2013, il a lancé l'opération Serval, envoyant des troupes françaises au Mali pour stopper l'avancée des forces rebelles vers Bamako. Cette décision a été perçue comme un changement important, car M. Hollande avait précédemment indiqué qu'il s'éloignait de l'approche interventionniste historique de la France en Afrique.

L'opération Serval s'est finalement transformée en opération Barkhane, visant à lutter contre le djihadisme dans cinq pays du Sahel. M. Hollande a inscrit cette opération dans le cadre plus large de la guerre mondiale contre le terrorisme. Il est intéressant de noter que les États-Unis ont joué un rôle dans cette opération, préférant ne pas s'engager directement dans la région après la guerre d'Irak, mais encourageant et soutenant plutôt l'implication de la France. Le soutien américain comprenait une assistance essentielle, comme le renseignement par satellite et par drone, la logistique et d'autres formes de soutien opérationnel.

Les responsables politiques français et américains ont souvent dépeint l'Afrique sous un jour négatif, utilisant un langage qui renforçait les stéréotypes et les justifications de leurs interventions. Le Sahel a souvent été décrit comme une zone "non gouvernée" et vulnérable au terrorisme. Pour justifier les actions de la France, M. Hollande a parfois eu recours à des images stéréotypées et brutales, notamment en référence à des conflits tels que celui de la République centrafricaine.

Derrière le voile de la lutte contre le terrorisme et de la promotion de la démocratie, l'engagement militaire français en Afrique était également motivé par des intérêts stratégiques. Les bases militaires françaises en Afrique étaient présentées comme essentielles au maintien de l'influence française et à la garantie de capacités de déploiement militaire rapide. Cette stratégie a été ouvertement discutée dans les cercles politiques français, les bases militaires étant considérées comme un moyen d'exercer une influence à un coût minimal.
Les interventions françaises en Afrique ont souvent eu pour effet de renforcer les régimes autoritaires et de réprimer les mouvements démocratiques. Par exemple, la France est intervenue à plusieurs reprises en République centrafricaine pour soutenir le président François Bozizé, qui a été renversé par la suite. La présence militaire française a également été importante au Tchad, où elle a soutenu le président Idriss Déby, un allié clé, malgré le piètre bilan de son gouvernement en matière de droits de l'homme.

L'opération Barkhane, malgré ses objectifs déclarés, a été entachée d'accusations de violations des droits de l'homme, notamment de massacres de civils et d'abus commis par les forces locales soutenues par la France. L'efficacité de l'opération dans la lutte contre le djihadisme a également été remise en question, certains y voyant un prétexte pour la France de maintenir son influence face à l'intérêt croissant des étrangers pour l'Afrique, notamment de la part de la Chine.
Les politiques françaises ont également eu un impact significatif sur les migrations. Alors que la France et d'autres pays européens cherchaient à contrôler l'immigration, ils ont mis en œuvre des mesures qui ont rendu l'accès à l'Europe de plus en plus difficile pour les réfugiés et les migrants d'Afrique. Cette approche a notamment consisté à collaborer avec des régimes tels que celui du président soudanais Omar al-Bashir, connu pour les atrocités qu'il a commises au Darfour. Le rôle de la France dans ces développements a mis en évidence les complexités et les contradictions de ses politiques à l'égard de l'Afrique.

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