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Billet de blog 30 juin 2025

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Les sales secrets de la RDC: La kleptocratie de Kabila exposée sur TikTok

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Illustration 1

Le TikTok d’HonestLaurent est un véritable cadeau qui ne cesse de surprendre. Dernière révélation en date : une vidéo d’une conversation avec Martin Kabwelulu Labilo. Ce dernier, ancien ministre des Mines de la RDC, a exercé plusieurs mandats entre 2007 et 2019. Les plus attentifs remarqueront que cette période coïncide parfaitement avec les années de pouvoir de Joseph Kabila. Les propos divulgués sont tout simplement choquants, mettant en lumière l’ampleur de la corruption et des pots-de-vin durant cette époque. Contrairement au cas de Fortunata "Tina" Ciapparone, les révélations cette fois-ci émanent d’un haut fonctionnaire de premier plan.

Un peu d’histoire. Avant les manigances récentes de "M. 25 %", alias Joseph Kabila, la République démocratique du Congo était dirigée d’une main de fer par son père, Laurent-Désiré Kabila, jusqu’à son assassinat par un garde du corps en 2000. Si même ses plus proches gardes du corps en étaient venus à bout, que dire des millions de Congolais appauvris ? L’un des traits marquants de son règne : la corruption systémique. Lorsqu’un bien est à piller, un dirigeant corrompu s’en empare. Comme le raconte Kabwelulu :

"Oui, mais à cette époque, Laurent Kabila décide, il décide. C’est à ce moment-là, il décide au début de 2000. Voilà, il dit, voilà cette mine travaillez dedans."
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521322981226745110

Voici Kisanfu

Kisanfu Mining (KIMIN) est une entreprise exploitant l’une des plus vastes mines de cuivre et de cobalt au monde, située à 45 km à l’est-sud-est de Kolwezi, dans la province de Lualaba. Sur son site officiel, la société affirme être "consciente de son impact sur l’environnement, de l’extraction des matières premières à la fabrication des produits finis," et vouloir "contribuer positivement aux communautés locales." Sur le plan environnemental, difficile de se prononcer, mais quant à l’impact communautaire, Kabwelulu le résume ainsi :

"Tu dis que la mine qui Kisanfu n’appartient plus à Gécamines, c’était la propriété de M. Laurent Kabila."
Et il répond :
"Oui, il a légué avant de mourir."
Il explique que Laurent est certes décédé, mais, tel un monarque d’antan, il a transmis ses biens à sa femme, la mère de Joseph, lui disant simplement :
"Bon bah voilà la mine que vous devez utiliser pour gagner la vie."
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521325078684978454
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521325926710299926

Acacia, c’est Jaynet

En 2017, le New York Times publiait une enquête fouillée sur les affaires de la famille Kabila, révélant qu’une société nommée ACACIA — détentrice d’au moins 43 permis d’exploitation de diamants en RDC — appartenait à Jaynet Kabila, fille de Laurent et sœur de Joseph.

Jusqu’ici, cette affirmation restait floue, voire contestée. Mais interrogé sur la question, Kabwelulu, ministre des Mines pendant 12 ans, confirme sans détour :

"Acacia c’est Jaynet. Et ce sont des titres qu’elle a reçus, très, il y a longtemps, en 2004, 2004 ou 2005. Vous pouvez voir même ici le numéro 307. Et ces titres sont tous en structure, pardon, en statut de cas de force majeure."
Et d’ajouter que, malgré tout, les droits réels sont entre les mains de Joseph :
"Ces titres, moi, je te parlais en termes de titres. Ces titres lui appartiennent."
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521327335824510230
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521328838526340375

Maman demande des soldats

Kabwelulu révèle que "Maman Sifa" n’a pas seulement hérité de plusieurs mines et concessions minières de son défunt mari Laurent, mais qu’en tant que mère de Joseph, elle a exigé que des soldats de la République soient affectés à la surveillance de ses mines. Une gestion assurément rigoureuse… s’il ne s’agissait pas de ressources censées appartenir à l’État — voire au peuple.

"Quand maman a commencé à travailler. Quand ? Quand maman a eu cette mine de son mari Laurent-Désiré Kabila. Vous voyez ? Elle a mis des militaires. Alors nous, quand on a commencé, on a dit qu’il ne faut pas des militaires dans les mines. On les a fait sortir. Et maman n’a pas voulu ça. Vous voyez ça ? Alors, quand elle s’est plaint, nous lui avons rendu la situation de l’ancienne situation."

Pire encore, la présence militaire sur les sites miniers entravait la relance de l’exploitation, empêchant les ouvriers d’accomplir leur travail — et donc de toucher leur salaire.

"Lorsque nous avons commencé, nous l’avons fait en 2005. Nous avons commencé et nous voulions revoir le contrat en 2008. Nous avions le répertoire de toutes les mines, en particulier des entreprises et des sociétés publiques. Nous voulions donc restaurer la mine."
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521331123251711254

L’histoire de la fortune des intendants

Il semblerait qu’il ne soit même pas nécessaire de faire partie de la famille pour bénéficier de largesses. Martin Tchamleso Alombwe, jeune intendant à la présidence, a eu l’insigne honneur de devenir Ambassadeur — titre à vie, soit dit en passant. Mais ce n’est pas tout : selon le ministère des Mines, il aurait reçu plusieurs concessions minières. Toutefois, selon Kabwelulu, ces biens ne sont qu’une façade. Malheureusement pour lui, contrairement à son statut d'ambassadeur, les mines ne lui appartiennent pas...mais appartiennent à Kabila of Course

"C’est 1196 et 1197, Bon, je l’ai mis pour mettre un Martin Tchamleso."
https://www.tiktok.com/@laurenthonorable/video/7521332091326303510

Faites quelque chose !

Ces fuites sur TikTok dévoilent une réalité crue : au cœur du pouvoir kabiliste, l’État a été transformé en machine d’enrichissement personnel. Les ressources minières — source vitale de revenus pour la nation — ont été distribuées entre proches et membres de la famille, avec des soldats affectés à la garde de mines privées, et des contrats revus non dans l’intérêt public, mais pour servir des intérêts personnels.

C’est une kleptocratie mise à nu — et sa révélation via TikTok témoigne de la puissance démocratisante des réseaux sociaux à l’ère de l’opacité.

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