Les relations diplomatiques et économiques, entre la France et certains pays africains subsahariens, sont devenues très dégradées. Ainsi le Mali, la Centrafrique, le Burkina-Faso, la Guinée et le Rwanda ont quasiment rompu les liens avec la France. Le rejet est total et cette attitude hostile se répand dans d’autres pays du continent. Cela devient très inquiétant et préoccupant.
D’autant plus que la forte croissance démographique - la population du continent atteindra 2,4 milliards d’habitants en 2050 - et les progrès constants dans tous les domaines en se croisant vont inéluctablement entrainer le développement économique et l’émancipation politique de l’Afrique. La Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde et le Brésil notamment sont très présents et très actifs.
La France doit changer et retirer les oripeaux du passé. Le passé colonial et les nombreuses exactions commises par la France après les indépendances notamment sous l’ère de De Gaulle et de Jacques Foccart son conseiller pour l’Afrique (de sinistre mémoire) sont restés gravées dans les mémoires des Africains. Les gouvernements successifs de Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron installés dans la tradition de la Françafrique ne sont pas exempts de reproches.
Le pillage en règle, par les grandes entreprises françaises, des ex-pays colonisés – en lieu et place de politiques de coopération et d’immigration dignes de ce nom- et l’utilisation du franc CFA par la France comme instrument d’assujettissement des Africains ont fini par creuser un fossé de plus en plus grand entre les peuples africains et leurs dirigeants fantoches. L’échec de l’opération Barkhane en coopération avec les pays du Sahel (Mali, Mauritanie, Tchad, Burkina-Faso, Niger) a mis en lumière toutes les carences et les incompréhensions entre la France et les pays africains.
La nouvelle doctrine du Président Emmanuel Macron concernant la diminution des forces militaires françaises ne suffira pas à rétablir la confiance. Sa condamnation de la Françafrique doit s’accompagner d’actes reposant par exemple sur « le dialogue des mémoires postcoloniales » pour ne pas ressembler à une incantation frauduleuse.
Dans ce contexte de tensions, les diasporas africaines subsahariennes et les Franco-Africains qui aiment la France sont considérés comme une quantité négligeable. Le peu de prise en compte par les gouvernements successifs des projets de codéveloppement portés par leurs structures le montre bien. Depuis que l’Etat a pris le contrôle des organisations issues des migrations en créant le FORIM en mars 2002, celles-ci n’ont jamais dépassé le stade des micro-projets.
Nous n’ignorons pas les efforts du Président de la République pour s’entourer d’un conseil présidentiel africain, ni les échanges avec la jeunesse africaine à Montpellier au sommet France-Afrique d’octobre 2021. Il faut saluer le travail de rapprochement initié par Achille Mbembé mais le désamour entre la France et plusieurs pays africains n’a fait que grandir depuis ce sommet.
Nous avons une double culture française et africaine et pouvons inventer l’union de l’interculturalité et de l’universalisme. Certains politiques voudraient nous voir embrasser la culture française exclusivement. Ils n’ont pas saisi la richesse de notre double culture et son rôle dans la « mutuelle compréhension » chère à Amadou Hampâté Ba.
Des rapprochements sont à construire ensemble car la politique extérieure de notre pays n’est pas en accord avec les valeurs républicaines. La dichotomie est visible entre la politique menée à l’intérieur du pays et celle mise en place dans les pays du Sud. Elle finira par nous empêcher de faire France si nous n’agissons pas de manière concertée et rapide.
Nous tirons la sonnette d’alarme auprès du pouvoir pour lui faire prendre conscience que les agissements de la France en Afrique ont et auront des conséquences sur le processus d’intégration des citoyens Français d’origine africaine subsaharienne. Les mauvais coups contre les pays africains auront de plus en plus d’incidences négatives sur la cohésion nationale. Le Président Jacques Chirac, en 2015, a parlé de l’exploitation de l’Afrique : « Nous avons saigné l’Afrique pendant 4 siècles et demi » et a demandé que l’« on rende à l’Afrique ce que nous lui avons pris ».
Force est de constater que ni lui, ni ses successeurs n’ont enclenché une quelconque procédure pour ce changement de paradigme et que ce ne sont pas de vaines paroles qui vont remédier à la situation, mais des actions fortes et concrètes. Il est possible d’inverser la montée en puissance des fractures mémorielles, sociétales, socioculturelles et affectives en dialoguant avec les représentants des diasporas africaines subsahariennes : les élus, les artistes, les chefs d’entreprises, les cadres, les associatifs et les citoyens.
Ce dialogue devrait d’ailleurs être porté au niveau national, et avec la plupart des acteurs concernés, afin de retisser les liens culturels, sociaux et fraternels toujours vivaces -grâce notamment à la francophonie- entre la France et les pays africains. La France pourrait se doter « d’ambassadeurs » capables de favoriser les relations bilatérales tout en préservant, à la fois, les intérêts économiques, culturels et politiques de la France et des pays africains.
En effet, ce n’est pas d’une position d’un maître à son élève dont l’Afrique a besoin mais de partenariats gagnants/gagnants dans ce « New Deal » qui doit devenir une réalité. La préservation du vivre ensemble et de la cohésion nationale mérite que l’on travaille à l’assainissement des relations entre la France et les pays africains. Nous y sommes prêts.
Louis Mohamed SEYE - Président d’ANEDAS Adjoint au Maire de Fontenay-sous-Bois
Sérilo LOOKY - Délégué Général Alliance Diaspora
Hamidou SAMAKE - Conseiller de Paris, Adjoint au Maire de Paris 20ème