C’est l’une des affirmations les plus insupportables qui a cours au sein de la société : des Noirs ou des Arabes qui se rassemblent sont immédiatement désignés ; ils sont communautaristes. Ainsi, des Français qui partagent une autre culture et éprouvent le besoin de se retrouver sont stigmatisés stupidement et injustement. Pourtant une double ou triple culture ce sont des atouts pour la France.
Le vrai but de cette désignation qui met au ban de la République la France non-blanche - des Français d’origine non-européenne - est d’empêcher les minorités visibles de réfléchir sur leurs conditions et de s’organiser face aux injustices et aux discriminations subies. C’est l’une des expressions de l’ostracisme et de l’islamophobie de tous les partis politiques français ainsi que des institutions publiques. Les minorités sont bloquées pour ne pas accéder aux responsabilités politiques.
Le paradoxe est saisissant lorsqu’on examine les agissements des partis politiques lors des élections. Ils n’hésitent pas à rencontrer les différentes communautés pour obtenir leurs suffrages. Parfois, un Français ou une Française issus des minorités visibles et instrumentalisé leur sert de caution pour mieux convaincre les publics visés. Ces pratiques sont communes si on ose l’écrire, à tous les partis politiques français. Ce sont les mêmes qui fustigent le communautarisme.
Il est reproché, parfois, aux minorités visibles de se regrouper au sein d’associations dites communautaires. Ce sont pour une très large partie les obstacles liés au racisme et aux discriminations qui génèrent ces pratiques. Ce communautarisme n’est pas contraire à la tradition républicaine d’intégration. Il s’agit plutôt d’analyser ce fait comme un socle intégrateur et comme une possibilité d’action favorisant le processus d’intégration.
Il faut éclairer ce processus en le séparant du fait communautaire lié aux migrations qui concerne essentiellement les primo-arrivants.
Les modes d’intégration des populations étrangères peuvent être examinés et mieux comprises à la lumière des politiques publiques d’inclusion sociale et des dispositifs y afférant. On peut y déceler des stratégies et une conscience des acteurs associatifs pour s’approprier ces programmes institutionnels sans être « instrumentalisés ». L’intégration c’est, pour nous, un processus par lequel un sujet met en œuvre des mécanismes d’adaptation à la société dans laquelle il se trouve. Cela n’exonère pas la société d’accueil du devoir d’informer les résidents étrangers et leurs enfants de leurs droits et de leurs devoirs.
L’existence d’une formation citoyenne pour les enfants, les jeunes et les adultes devraient être une préoccupation prioritaire des pouvoirs publics. Il faut, bien sûr, interroger l’imaginaire colonial pour mieux le déconstruire en mettant en lumière ses aspects néfastes. Nous devons mettre en place un dialogue des mémoires postcoloniales critique, apaisé et résilient, si nous voulons faire société ou comme l’écrit Michèle Tribalat si nous aspirons à « faire France ». Cela pour favoriser l’inclusion des résidents étrangers, de leurs enfants et leur permettre de « s’affilier » à la société française comme le préconise le sociologue Robert Castel.
Pour les Français d’origine étrangère qui sont nés sur le sol français et qui y ont grandi, parler d’intégration est non seulement vexatoire mais surtout inapproprié. Cela ressemble à une manière d’en faire des personnes maintenues hors du récit du roman national. Ils sont considérés comme des immigrés car ils ont leur apparence. Ils subissent donc les mêmes discriminations au logement, à l’emploi par exemple.
C’est un plaisir pour la fachosphère et l’extrême-droite de se défouler sur les minorités visibles et les musulmans qui, d’après eux, ont pour objectif : le grand remplacement des Français chrétiens d’origine européenne. C’est amusant si l’on se réfère à l’ancêtre de l’humanité Lucy qui est une africaine noire. Les délires de ces fachistes anti-républicains ne s’appuient pas sur la science ; ils ont des soubassements racistes, islamophobes, antisémites et complotistes d’une violence idéologique inouïe.
Les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne offrent d’autres modèles où les cultures d’origine sont respectées. Ainsi Harjit Sajjan a occupé la fonction de ministre de la Défense, de 2015 à 2021, au Canada en portant son turban traditionnel sikh ; cela ne serait pas possible en France. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak est d’origine indienne. Aux Etats-Unis, il existe le Congressional Black Caucus qui regroupe les Africains-Américains élus au congrès. Barak Obama a été président de la République pendant 2 mandats.
Des modèles qui n’ont pas d’équivalents chez nous où l’universalisme républicain a la primauté sans tenir la promesse d’égalité de droits et des chances. Sans rejeter cet idéal, nous l’interrogeons à la lumière des réalités vécues et nous agissons pour favoriser son avènement.
Les contempteurs de ces modèles les désignent par le terme péjoratif : multiculturalisme. Nous préférons, quant à nous, utiliser celui d’interculturalité qui favorise le dialogue des cultures. Cela correspond bien à notre société interculturelle. Il n’est pas interdit aux minorités visibles de prendre plaisir à se retrouver, de réfléchir à leurs conditions, de proposer des solutions pour vivre ensemble, d’échanger avec les autres pour mieux trouver leur place au sein de la société.
C’est une démarche de partage culturelle, réfléchie et citoyenne qui vise à faire valoir les droits autant que les devoirs dans ce pays que nous aimons et que nous contribuons à construire.
Louis Mohamed SEYE - Adjoint au Maire de Fontenay-sous-Bois
Hamidou SAMAKE adjoint au Maire de Paris 20ème , Conseiller de Paris,
Mams YAFFA, adjoint au Maire de Paris 18ème;
Aissata SECK, Conseillère régionale;
Olivier SEGBO, directeur exécutif de KRYPTSYS;
Thérèse BATJOM-NGIMBOUS, adjointe au Maire de Nanterre;
Ismaila WANE, conseiller municipal à Maurepas;
Djénéba KEITA, adjointe au Maire de Montreuil;
Sérilo LOOKY Président de Tous cœur de France;
Shoki ALISAID, secrétaire général d'ANEDAS;
Saliou DIALLO, président d'Equité;
Fily KEITA GASSAMA, conseillère municipale à Champigny-sur-Marne;
Inès KODAWU, adjointe au Maire de Bobigny,
Nassurdine HAIDARI, président du CRAN;
Amina BACAR, conseillère municipale à Avon;
Ibrahima WAGNE, président de l'AJPN à Noisy-le-Grand;
Kadiatou COULIBALY, adjointe au Maire de Paris 18ème;
Amadou KA, conseiller municipal à Creil;
Aminata COULIBALY, responsable associative;
Modibo TOUNKARA, responsable associatif;
Jean-Paul ENZA, responsable associatif;
Diaraba KOUYATE, chargé de projet FNAFA;
Malick CAMARA, responsable association Force citoyenne;
Mamadou AW, responsable associatif ANEDAS,
Féliciano GOMEZ, cadre d'éducation.