Ce Lundi 10 decembre 2012 était à marquer d'une pierre blanche pour nos institutions. Devant toutes les caméras de télévision, le comité du Nobel remettait son prix à la fine équipe de Bruxelles : Messieurs Herman Van Rompuy, José Barroso et Martin Schulz.
Les caméras laissaient entrevoir au premier rang un parterre de choix, au milieu duquel se trouvait la reine de Norvège, flanquée de sa famille royale, trônant sans rougir de n'être même pas membre de l'UE ! Comment ne pas voir alors dans cet ostensible prix remis à Oslo, une sorte d'insolent pied de nez des Norvégiens, qui par deux fois ont rejeté le projet d'adhésion. Plus loin dans le rang, notre président français François Hollande et la Chancelière allemande Angela Merkel, assistaient tout sourire à la cérémonie. Pendant que derrière les écrans de télévision on pouvait s'interroger sur l'incroyable talent de sa voisine et tout ce qu'elle avait réussi à lui faire signer en si peu de temps, Monsieur prudent, restait solidement amarré à Madame rayonnante dans une Europe en crise. Ce Nobel n'est qu'un placébo et l'Europe croit guérir par la force de la suggestion.
Quel abstrait concept désormais que celui de la paix en Europe, à l'heure où ses Etats ne sont plus qu'un champ de ruine de croissance et de prospérité, empétrés dans une guerre sociale et financière qui ne dit pas son nom. La Grèce est ruinée, l'Italie et l'Espagne sont entrées en récession, l'Irlande ne s'en sort guère mieux. Pendant ce temps là, la France forte de ses 8,5 millions de pauvres, dont le président se persuade que la crise est derrière nous, s'astreint docilement aux lois édictées par Bruxelles, en bon petit soldat, comme un devoir, une règle d'or !
Si l'Europe mérite son prix Nobel de la Paix c'est pour avoir su désarmer son peuple ! Ne s'est-elle pas, plus d'une fois, moquée de cette souveraineté populaire ? Transformé, le « NON » des français au projet de constitution européenne en 2005 et celui des irlandais en 2008 au traité de lisbonne. Avorté, l'espoir de référendum des grecs de décider librement de rester ou de partir. Sans ignorer les Tchèques qui ont subi toutes les pressions pour que leur cour constitutionnelle donne son feu vert au traité de Lisbonne. Qu'on se le dise, l'Europe des institutions a son propre langage et de Bruxelles à Luxembourg, « NON » ne veut pas dire « NON ».
Peuple du vieux continent, toi qui te faisais fièrement une certaine idée de l'Europe, range ton étendard étoilé car tu n'es pas de la cérémonie. Non pas que tu n'y sois pour rien. C'est bien ton argent qui sauva les banques, hypothéquant du même coup ta propre survie, pendant qu'ils tentaient sournoisement de supprimer l'aide alimentaire d'urgence. Mais ceux qu'on honore les voilà, ces dieux de la commission, ces grands stratèges de la finance et de la réalpolitik, droits dans leurs bottes et leurs costumes trois pièces : l'Europe des marchés, l'Europe des marchandises, l'Europe des capitaux.
Il eût été plus à propos de décerner à ce trio gagnant le prix Nobel d'Economie. Car quel talent que celui d'avoir convaincu en vingt ans, 27 gouvernements de gauche comme de droite, d'accepter une course sans fin vers un libéralisme décomplexé. De cette union si sincère formée par Schuman et Adenauer est née, [à force de politique in vitro et de gestation pour autrui], une organisation génétiquement modifiée. Loin de rassurer les citoyens, ce mutant gigantesque et fragile à la fois nourrit toutes les peurs et n'inspire que méfiance.
L' Angleterre par la voix de David Cameron n'en finit pas de chercher la sortie de secours.