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Billet de blog 29 août 2020

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Effondrement du marché de la formation en 2021?

« La Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » affectent la plupart des acteurs du secteur. Pire, cette réforme, entrainerait des changements jusqu’à l’horizon 2021 et est identifiée par certains comme le début de l’effondrement du système de formation professionnelle tel qu’on le connait. Décryptage sur un marché en plein mutation.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À modérer, il n’en est pas moins vrai que ces propos correspondent à un mal être profond ressenti par la grande majorité des formateurs et des organismes. Il s’agit maintenant d’analyser froidement la situation !

 Le marché de la formation : le constat

 Alors qu’en aval, les recruteurs misent de plus en plus sur les compétences plutôt que les diplômes, en amont, le système de la formation professionnelle semble développer une opacité croissante qui va à l’encontre de la volonté initiale de la réforme.

 Un socle fragile

 Ainsi, sur les 90 000 organismes de formation recensés en France, plus du tiers sont en renouvellement ou en perdition. Autrement dit, 30 000 organismes se créent et disparaissent successivement chaque année. En déséquilibre constant, la base de ce système ne trouve pas les moyens de se consolider : nouveaux acteurs souhaitant profiter d’une niche, abandon lié à un manque de profit ou à une saturation etc. « Ce flux incessant va à contrario de la volonté globale » confie Romain Rissoan gérant du centre Optédif, c’est à dire structurer le marché afin de créer un cercle vertueux qui ira dans le sens des acteurs, des apprenants et donc du gouvernement.

Les artisans de la formation délaissés

En fouillant de manière plus minutieuse, on se rend compte que la conséquence des réformes impact principalement une couche bien précise des organismes de formation : les consultants formateurs.

Représentant environ 22 500 organismes de formation, ces derniers apparaissaient comme les derniers remparts contre la standardisation et les mastodontes du marché.

Créatifs, mobiles et proposant des formations sur-mesure, ces artisans de la formation permettaient aux apprenants de jouir d’un ensemble d’outils  pédagogiques modernes au sein de structures à taille humaine, au diapason des véritables enjeux. À la place, on voit aujourd’hui apparaître des modèles de formations standardisés, impersonnels.

L’impact de la réforme sur le marché de la formation

Maintenant que nous avons constaté, il s’agit d’identifier les causes.

Reprenons les observations du paragraphe précédent :

  • Un socle fragile : 1/3 des organismes se renouvellent chaque année. Disparition ou nouvel entrant, qu’elle est la cause de cette observation ? Principalement, ce sont les nouvelles normes liées aux certifications qui viennent impacter directement la plupart des organismes de formation. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, les certifications ne conditionnaient pas systématiquement la qualité de la formation et la souscription au CPF, il s’avère que ces dernières sont présentées aujourd’hui comme la clé de voute du système. Théoriquement de bon sens, cette décision engendre néanmoins plusieurs dommages collatéraux, à l’origine de l’instabilité des organismes.
  • Les consultants formateurs : Intervenants principalement auprès d’entreprises dans le cadre du « plan de compétences », ces formateurs indépendants sont maintenant aussi soumis aux exigences de certification. En additionnant cela aux lourdes procédures administratives et aux multiples changements liés à la réforme (Datablock, CPF etc.), les consultants formateurs apparaissent de plus en plus sceptiques, au point qu’il faille anticiper un nombre important de reconversions dans les années à venir. Au final, on estime que 10 000 organismes de formation de ce type vont devoir fermer leur porte d’ici 2021.

 La nouvelle valeur du CPF

L’attractivité du marché de la formation est principale due aux financements permis grâce au CPF… et là aussi, les nouvelles conditions viennent encore un peu plus resserrer l’étau.

 Et ici, c’est principalement la monétisation du CPF qui fait débat. Alors que depuis 2015, le Compte Personnel de Formation était calculé en heures, le projet de loi « avenir professionnel » a engendré un changement de format radical : le CPF sera dorénavant calculé en euros. En théorie, et selon Stéphane Lardy, Dir. Adjoint du cabinet de Mme Pénicaud, cela permettra de rendre le CPF «  plus simple et plus lisible pour les gens ».

 Si cette observation apparait de bon sens, c’est la conversion des heures en euros qui pose question. Ici, les instances tablent sur une valeur de 14,28 euros par heure CPF cumulé.

 On se rend ainsi compte que malgré la nouvelle lecture permise, le CPF ne se caractérise plus à travers un besoin d’accompagnement, mais à travers un calcul qui va intrinsèquement à l’encontre des valeurs de la formation. En passant du qualitatif (heure) au quantitatif (euro), l’apprenant subit une double sanction : une baisse de la valeur de son CPF ainsi qu’un suivi froid conditionné par son potentiel monétaire lié à son compte personnel de formation.

 Cette baisse de la valeur peut aussi être mise en corrélation avec la création de l’application CPF : si il est vrai que ce nouveau support va permettre une flexibilité nouvelle à l’apprenant, son autonomie va paradoxalement créer une baisse mécanique des souscriptions (des souscriptions historiquement conditionnées par les employeurs Cf Plan de compétences). Au final, ce sont encore les organismes de formation qui vont pâtir de cette situation, et si l’effondrement n’est pas encore annoncé, il s’avère que les réformes récentes n’aident finalement en rien…

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