Dans un centre de crise à Colombo : urgence, solidarité et gravité
À mon arrivée au centre de crise de TV Derana, tout le monde est sur le pont. L’air est saturé d’humidité, les néons bourdonnent, et les camions affluent de tous bords, sans discontinuer. Certains déposent des couvertures, des vêtements, du riz, de l’eau ; d’autres reprennent aussitôt la route vers les zones sinistrées. Il n’y a pas une seconde à perdre : des vies sont en danger.
Depuis des jours, des bénévoles, souvent très jeunes, se relaient sans relâche pour trier, emballer et acheminer l’aide humanitaire vers les régions les plus touchées. Chacun agit dans un silence concentré, tragique, le visage déformé par une tension palpable. La fatigue se lit dans leurs yeux, mais personne ne ralentit le rythme. L’impression est celle d’une humanité poussée à bout, mais résolument debout.
À quelques kilomètres de là, la terre glisse. Des maisons coulent. Des familles entières sont portées disparues. Dans les couloirs du centre, on sait déjà qu’on se souviendra du cyclone Ditwah. Du côté du tri des dons, une employée de TV Derana m’explique gravement que la situation est inédite, et catastrophique. « Nous avons l’habitude des intempéries, mais là, ça n’a rien à voir. Nous n’avons rien vécu d’aussi violent depuis le tsunami de 2004 [n.b. : qui a fait 35 000 mort.e.s] », murmure-t-elle, angoissée.
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Des jours sous les eaux : un pays à genoux
Le constat est sans appel : il s’agit du pire cyclone qu’ai connu le pays en un siècle. Peu à peu, chacun réalise l’ampleur de l’épreuve à traverser et du temps nécessaire pour effacer cette tragédie. La tempête a balayé le Sri Lanka une semaine durant, atteignant son pic d’intensité le 29 novembre. Ditwah s’est abattu sans relâche, provoquant des vents incessants et des pluies d’une violence inouïe. Aucune région de l’île n’aura été épargnée : de la capitale jusqu’au nord de l’île, en passant par le centre du pays, zone la plus durement frappée.
Une semaine après l’accalmie du cyclone, le nombre de victimes continue de grimper. Au soir du 10 décembre, l’agence srilankaise de gestion des catastrophes (DMC) fait état de 639 mort.e.s, plus de 190 personnes disparues et près de 2 millions de personnes directement impactées. Plus de 90 000 habitations ont été partiellement ou totalement endommagées par les eaux et l’estimation des dommages se porte à 1,6 milliard de dollars américains.
Ces données, déjà terrifiantes, n’illustrent que partiellement la réalité du terrain. Dans de nombreuses régions, les communications sont toujours coupées. Des districts entiers sont isolés, inaccessibles aux secours. Les routes se délitent sous la pression de la pluie, les ponts cèdent, les collines s’effondrent. A la télévision locale, les images terribles ne cessent de défiler. L’heure n’est pas encore à la reconstruction : l’urgence est de sauver des vies et d’apporter de l’aide humanitaire.
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Des millions de vies bouleversées
À quelques kilomètres de Colombo, les villages transformés en torrents de boue témoignent de l’ampleur de la catastrophe. Les habitants constatent leurs pertes, sans réaliser pour autant : maisons détruites, récoltes emportées, proches disparus. Les enfants sont déplacés, séparés de leurs écoles et de leurs amis. Les familles n’ont plus de foyer, et vivent dans des conditions plus que précaires. L’eau leur a tout pris. Ils n’ont plus rien.
Pourtant, les insulaires ne baissent pas les bras. Tout le monde se sent concerné, et chacun.e tente d’apporter sa pierre à l’édifice. Les vies sont en pause, le temps s’est arrêté. Toutes les pensées et les énergies s’accordent à aider les autres. Au centre de crise, l’espoir est palpable : les volontaires fatigués se sourient et s’entraident, conscients que chaque geste compte pour sauver une vie. Malgré le désastre immense, on sent poindre l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau à montrer.
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Appel à l'attention mondiale
Ce témoignage est le reflet de ce que je vois et perçois sur place : la souffrance, l’épuisement, mais également la solidarité et la résilience d’un peuple face à une catastrophe historique. Ici, chacun.e est conscient.e que les gens qui ne sont pas sur place ne peuvent comprendre réellement. Mais ça n’empêche pas que l’information doit circuler. Alors, l’appel est lancé : le Sri Lanka traverse une tragédie d’une ampleur inédite et mérite que le monde en soit pleinement conscient.
Les habitant.e.s de l’île luttent pour survivre au quotidien, et souffrent profondément sans que l’attention mondiale ne se porte sur eux. Les secours locaux, mêmes héroïques, ne peuvent pas tout faire sans un soutien extérieur. Il est donc urgent que la communauté internationale regarde, entende et agisse. Le Sri Lanka ne pourra pas se reconstruire seul.
Alors, regardez, écoutez, partagez. Chaque minute compte. Chaque geste peut sauver une vie. Le Sri Lanka a besoin que le monde sache. Maintenant.