Une pétition circule actuellement dans le VIème arrondissement de Paris. Elle réclame l’abandon de l’installation du Carrefour City à l’angle des rues Vavin et Bréa.
Les signataires ? Ancien ministre, chanteurs, journalistes, figures du cinéma, avocats d’affaires, et autres riverains.
Ce qui se joue là n’est pas une querelle autour de « nuisances » causées par la vie d’un commerce.
C’est une panique, la crainte d’un monde qui entrerait comme par effraction dans un Quartier soigneusement conservé sous écrin.
Parmi les motifs avancés à l’appui de cette pétition ?
- Trop de superettes au mètre carré.
- Une « perte d’âme ».
- Une atteinte au « biotope ».
Bref, c'est un serrage de coudes, et pas les moindres. Ici et là, des librairies indépendantes ont fermé, les baux ont doublé de prix, les artisans ont été remplacés par des enseignes. Ces hauts signataires ont vu et laissé faire, peut-être y ont-ils contribué, et sûrement en ont-ils parfois profité. Mais aujourd’hui, c’est sous leur fenêtre que ça se passe, et alors soudain, ils s’indignent.
Bien loin les discours grandiloquents et habituels sur l’égalité et le bien commun, on se borne ici au « droit à la culture » ou encore au « beau » (?). L’escamotage est réussi.
Mais, c’était sans compter sur l’intervention de celui par qui la vérité jaillit, le gaffeur comme le nomme le philosophe Vladimir Jankélévitch.
En l’occurrence, le président de l’association des commerçants du quartier indique, tout simplement, à la journaliste du Monde qui l’interroge : « Quand on est à plus de 20 000 euros le mètre carré, on n'a pas envie d'avoir de la racaille en bas de chez soi ! ».
Le voilà le nœud du carrefour.
Ce « ne pas envie d’avoir » articulé par ce représentant des commerçants du quartier dit bien d’où ils parlent : l’argent hérité ou mérité emporte force de loi pour ces signataires. Ainsi, le prix du mètre carré justifierait que l’on puisse s’exonérer de « cohabiter » avec ce / ceux que l’on n’a pas choisi. Ce qui frappe, c’est qu’ils soient si prolixes lorsqu’il s’agit d’enjoindre les autres à le faire.
Ce « pittoresque conflit de voisinage » comme le qualifie Le Monde, donne tout de même à voir ce qu’on a perdu, à tout le moins ce qui nous manque : sortir des postures confortables. C’est à ce prix-là, celui de la cohérence entre nos dires et nos faires, que notre parole retrouvera de la valeur.
A vous,
Louis PONS-DURAND