"Nuit debout, République couchée."
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Quel que soit l'avenir du mouvement #NuitsDebout, on pourra dire que celui-ci aura suscité des réactions. Ou plutôt LA réaction.
Les réac' de tout poil, les conservateurs, les moralistes, tous sortent du bois pour clamer à quel point ce mouvement est affreux, d'extrême-gauche, bobo-gauchiste, casseur, violent, illégitime, fasciste, entre-soi, sectaire, et la liste est longue des qualificatifs utilisés pour décrire - ou plutôt discréditer - ce mouvement qui troublerait l'ordre républicain et le sommeil des riverains.
Les masques tombent, pour ceux qui en portaient encore, de la droite conservatrice classique à sa cousine extrémiste, qui prône une révolution nationale qui ne serait pas celle-ci (et c'est tant mieux), en passant par la pseudo-gauche du PS, elle aussi libérale et néo-conservatrice, ou encore les médias dont la privatisation totale quasi-aboutie (au bénéfice de l'oligarchie) montre à quel point il est utile en ces temps de maîtriser l'information et ses canaux de diffusion.
A l'image de mai 68, c'est un ordre social bouclé et bloqué qui montre son vrai visage, le même ordre libéral que l'on trouve en Pologne, paré des oripeaux d'une démocratie qui dérange quand le peuple s'en empare et agit en son nom.
Après l'épisode Finkielkraut, le journal Libération se faisait le chantre de la liberté d'expression (celle de l'académicien) au nom d'un devoir de dialogue sain et serein. Mais que dit-il de ceux qui, à l'instar d'un Eric Ciotti, jettent l'anathème sur ce mouvement en opposant la France de ceux qui travaillent à celle de ceux qui "cassent" ?
Pour qu'un tel dialogue ait lieu, un dialogue respectueux, encore faudrait-il que l'effort soit partagé, mais également que ceux qui dénoncent ce mouvement se mettent dans des dispositions d'esprit adéquates. Car il n'y a pas de position égale, dans ce dialogue : le peuple s'adresse à ses dirigeants. Quand il s'exprime, ses élus doivent l'écouter. C'est le principe même de la démocratie, et il est bon de le rappeler à tous ceux qui adjoignent systématiquement le mot "ordre" à celui de "République".
Mais en sont-ils capables ? Telle est la véritable question.
Depuis plusieurs décennies, les français désaffectionnent les rendez-vous démocratiques que sont les scrutins, portant alternativement au pouvoir des partis dont la représentativité nationale est de plus en plus à démontrer. En effet, quand un président est élu avec tout juste la moitié des suffrages et un taux d'abstention de 40 à 60%, le parti dont il porte les couleurs ne représente au mieux qu'un français sur trois. Celui qui se présente alors comme le président de tous les français a, face à lui, 70% de mécontents.
Après chaque scrutin, les élus PS ou UMP, qui voient avec effroi progresser l'adversaire qu'est le Front National, déclarent invariablement qu'ils ont entendu notre message et notre désespoir et qu'ils vont, en conséquence, accélérer les réformes... Foutage de gueule ou bien ? Il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
En réalité, ni le PS, ni l'UMP, ni le FN ne veulent véritablement écouter les français, alors comment un dialogue serait-il encore possible ou même simplement souhaitable ?
La France qui se trouve place de la République à Paris (et sur toutes les places de la République sur tout le territoire) a décidé de prendre les choses en main, et le dialogue a lieu entre ceux qui adhèrent à cette volonté de changement. Ce qui exclue derechef l'establishment - partis politiques, oligarques et médias - qui n'a aucun intérêt à voir ce changement advenir puisque les décisions qui se prennent actuellement sur les places de France consistent, entre autre, à définir un nouveau mode de représentativité et de gouvernance (déprofessionnalisation de la politique, non-cumul, mandat unique, etc.).
Il n'est pas possible de dialoguer avec ces gens parce qu'ils ne sont tout simplement pas en mesure de comprendre le changement actuellement en cours. A l'image d'une Michèle Alliot-Marie, qui, en 2011, proposait au pouvoir en place en Tunisie le "prêt" de quelques compagnies de CRS rompues au maintien de l'ordre sans effusion de sang, les gouvernants en France ne comprennent pas qu'il ne s'agit pas d'une simple manifestation qui dure, mais de notre Printemps à nous, français, qui désirons simplement renverser la table et mettre dehors tous ceux qui sont assis autour.
Et ce n'est pas faute d'avoir prévenu : depuis l'élection de François Mitterrand en 1981, les français expriment un ras-le-bol qui n'a jamais été entendu. Ou plutôt, soyons justes, qui a été entendu mais jamais pris en compte, ce qui est bien pire.
Ce qui se passe en France n'est pas strictement franco-français : c'est la déclinaison française d'un Printemps mondial qui bourgeonne depuis plusieurs années. Il y a eu les Printemps "arabes", il y a eu la Grèce, il y a eu l'Espagne. Actuellement il y a le Liban, l'Inde également. Et la France, enfin !
Dans tous ces pays, le message est le même, et il est clair : vous ne comprenez rien, vous ne pouvez plus rien pour nous, vous ne représentez plus que vous-mêmes (à l'image de ce congrès socialiste qui a eu autant de votants que d'élus du parti), c'est à dire vos propres intérêts et ceux de vos généreux donateurs.
Dans ce contexte de rupture consommée, si nous avions encore quelque chose à vous dire, ce serait de fermer la porte en partant et de mettre à l'abri de la prédation soi-disant extrême-gauchiste vos avoirs et richesses. Car ceux-ci ne représentent nullement le travail que vous avez réalisé mais le nôtre et l'effraction fiscale caractérisée dont vous vous êtes rendus coupables depuis tant d'années, prouvant par là que le contrat social dont vous vous prétendez les défenseurs n'avait pour vous que le sens que vous vouliez bien lui donner.
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Wake up.
Lovegiver
(article original publié sur blog.citizen-web.com)