Parce que derrière le "buzz", cela fait déjà des années que les formations à l'ingénierie sont critiquées de l'intérieur et de façon constructive par leurs apprenants qui veulent se donner des moyens concrets pour changer la société. Pas étonnant que le ras-le-bol finisse par s'exprimer.
Parce que pris dans leur ensemble, les débouchés proposés aux ingénieurs sont insatisfaisants pour répondre aux crises écologiques et sociales qui s'aggravent.
Parce qu'un bon nombre d'éditorialistes et de commentateurs qui fustigent le discours de la bifurcation ne voient pas plus loin que le bout de leur nez et n'ont manifestement rien compris aux drames qui se jouent dans les campagnes et dans nos assiettes.
Parce qu'une ZAD (puisque c'est un des termes qui alimentent le plus leurs fantasmes) a bien plus de sens que la plupart des innovations technologiques et inventions technocratiques qui ne font que déposséder un peu plus la paysannerie de ses outils de travail et de ses savoirs faire.
Parce que l'an dernier encore, une occupation de terrain au Pays Basque a permis de sauver 15ha de terres agricoles du rachat pour une résidence privée individuelle. Pendant ce temps grâce au "progrès" qu'on nous vend à longueur de temps et qui devrait "soulager" la profession, un agriculteur se suicide tous les jours en France. Le gaspillage de terres et le sacrifice des paysans a lieu chaque jour quand on ne fait rien.
Parce que l'engagement peut être à la fois professionnel, personnel, politique et qu'il trouvera son expression la plus efficace dans le collectif.
Parce que les compétences d'ingénieurs valent mieux que de servir les intérêts financiers de marchands de graines, d'intrants ou de machines. Elles peuvent accompagner une agriculture et un système alimentaire meilleurs.
Parce que ce sont d'abord les paysan.ne.s qui nous nourrissent, pas les labos !
Parce que moi non plus je ne veux plus avoir à choisir entre le confort matériel d'une carrière d'agro-manager hors-sol et la précarité de postes en développement durable ou transition écologique pour lesquels il faut quémander des miettes de subventions.
Parce que pendant que des chemises-costards nous accusent d'être déconnecté.e.s, les premiers mots de soutien que j'ai pu entendre à l'égard de celles et ceux qui bifurquent sont venus de travailleurs de la terre.
Je ressens colère et enthousiasme en même temps.
Ressources :
-Mathieu Dalmais, 2014. Vous êtes l'élite de l'élite de l'élite de la France. Conférence gesticulée
-L'Atelier Paysan, 2021. Reprendre la terre aux machine.
-Lurzaindia, 2021. Vente cassée à Arbonne : victoire de l'occupation
-ISF France, 2022. Déserter les chemins de l'industrie, pas ceux de l'agronomie !
-Reporterre, 2022. « Rencontrons-nous ! » Les diplômés d’AgroParisTech organisent la désertion