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Billet de blog 11 juin 2016

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Il n’est pas de sauveur suprême.

Ce n'est pas l'apanage des fidèles du Grand Insoumis que de vouloir "imposer des contraintes fortes" au capital financier, et même de le subordonner totalement aux libertés et aux besoins fondamentaux de la grande masse des populations. Nombreux sont ceux qui ne les ont pas attendus... et ne les attendent toujours pas.

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 Ce n'est pas l'apanage des auto-proclamés « Insoumis » que de vouloir "imposer des contraintes fortes" au capital financier, et même de le subordonner totalement aux libertés et aux besoins fondamentaux de la grande masse des populations... dans les limites imposées par les ressources et la viabilité de notre planète.

Mais la question essentielle, qui reste en suspens, est : quelle est l'entité, où est donc la force, suffisamment conséquente pour faire contrepoids à la superpuissance et à la boulimie du capital financier ? Or la seule réponse apportée par Mélenchon et ses apôtres reste la vieille recette des États-nations... qui justement n'en est plus une puisque lesdits États ont failli à ce qui était (est) supposé être leur mission.

Parce que leurs dirigeants ont baissé la garde et abandonné les prérogatives qui leur avaient été confiées à des superstructures sur lesquelles les citoyens, le peuple, les travailleurs, les consommateurs n’auraient…nous n'aurions plus aucune prise ? Peut-être... Mais comment les États - supposés être les gardiens de l'intérêt public- en sont-ils arrivés là ? Comment en sommes-NOUS arrivés- là ? si ce n'est que les États ont toujours été, par nature, au service de la classe dominante ; des instruments aux mains de l'oligarchie... y compris lorsque certains de ces riches étaient encore des pauvres hier. Car l'argent et le pouvoir corrompent inévitablement. En d'autres termes, un peu vintage : la conscience de classe est étroitement liée à l'appartenance de classe et survit très difficilement à un changement d'appartenance.

Quelle différence, alors, entre un pouvoir étatique ou des pouvoirs supra-nationaux ou "régionaux" ? A priori aucune, effectivement... sauf si l'on admet qu’une résistance efficace à la dictature du capital financier, des marchés débridés et de la soif inextinguible de pouvoir des professionnels de la « politique » réside moins dans la construction – paradoxale - d'un pouvoir que dans celle d'une multiplicité, d'une diversité et de la somme de contre-pouvoirs citoyens.

Or c'est en rapprochant à chaque fois que c'est possible - et souhaité par les premiers concernés -  les les compétences et les pôles de décision des citoyens que l'on peut espérer substituer à l'attentisme, à la délégation sans conditions et à  l'assistance... l'engagement, l'initiative et la prise de responsabilité populaire.... sans lesquels il n'est pas de démocratie réelle, il n'est pas de pouvoir public digne de ce nom. L'idée n'est évidemment pas nouvelle ("Think global, act local ») mais elle est parfaitement valide. Elle est même d'une actualité brûlante, comme le prouve la multiplication des engagements et des réalisations alternatives et décentralisées dans le domaine financier (monnaie locales, fonds éthiques...), énergétique (mini-centrales éoliennes ou solaires, filières bois communales ou coopératives…), économique (agriculture bio, transformation locale et circuits courts...), social (coopératives, échanges de compétence...) et moindrement, politique, même si les ZAD, au-delà de leur caractère haut en couleur sont indicutablement le révélateur d'une forte aspiration à de nouvelles donnes de la vie commune.

Il n’est donc ni stupide de penser, ni stérile de faire valoir que l'autonomisation des individus et des collectivités est le corollaire d'une citoyenneté authentique parce qu'assumée et responsabilisante. Une (re)conquête de la démocratie qui ne peut se faire qu'à partir des échelons les plus proches de la vie commune ; une reconquête citoyenne sans laquelle tout programme, tout gouvernement, tout pouvoir est condamné à la dictature.

Celà ne signifie évidemment pas que les échelons supérieurs d'exercice du pouvoir public soient à exclure. Mais il n'auront de pouvoir réel pour dompter celui de la finance que s'ils bénéficient de la confiance, du crédit et du contrôle permanent de citoyens actifs et mobilisés, s’ils sont effectivement outils efficaces de régulation de la vie commune et des solidarités sociales, libérés de la confusion entre nationalité et citoyenneté, capables d'intégrer la diversité... à l'image des sociétés contemporaines : multiculurelles... et multilingues.

Utopie ? Je veux encore croire que ce n’est pas le cas. Car l’alternative est sans appel : c’est la dictature, quelles qu’en soient la forme et les justications, y compris l’illusoire « dictature du prolétariat » dont Mélenchon rève peut-être sans se l'avouer... comme j'y croyais encore moi-même il y a plus de 35 ans. Comme je n'y crois plus aujourd'hui, et pour cause : tous les régimes qui s'en sont réclamé ont assez rapidement abouti à la dictature des (anciens) cadres de l'appareil politique sur ledit prolétariat et les peuples soumis à leur autorité « libératrce ».

L'autonomie, l'autonomisation ? Me direz-vous, mais justement, c’est bien le principe mis en avant par Mélenchon chez Pujadas ! Non pas. Je l'ai bien écouté, l'autre soir chez Pujadas et j'ai bien relevé l'usage fort restrictif, pour ne pas dire le détournement sémantique que le Grand Insoumis fait de ce terme. Pour Mélenchon, en effet, cette notion n'a de vertu que lorsqu'il s'applique au strict bénéfice de l'État-nation dans ses relations aux organismes supra-nationaux. On est bien loin du principe de subsidiarité appliqué à tous les échelons de l’organisation du pouvoir public, de la commune à une Union Européenne qui reste entièrement à construire

L’autonomie réservée au seul État-nation, c’est le pouvoir absolu de cet État-nation. C’est le centralisme étatique que nous connaissons déjà et auquel Mélenchon propose d’ajouter le protectionnisme (« solidaire », nous assure-t-il…). C’est le nationalisme au pouvoir, une « solution » très tendance en ce moment dans le monde entier, comme elle le fut en Europe dans les années ‘30.

Or s’il est une pente à laquelle il est essentiel de résister aujourd’hui, c’est bien à celle de cette grande et délétère illusion, fût-elle drapée dans les plis du drapeau rouge.

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