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Billet de blog 20 novembre 2015

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La république française est morte à l'âge de 4 ans

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La république française ne sera pas mise en parenthèses :

Elle est morte, il y a plus de deux siècles… à l’âge de quatre ans.

Son histoire est en réalité celle de brefs sursauts démocratiques (1789-1792 ; 1871 : Commune de Paris, 1936-1938 : Front populaire, 1944-1947 : gouvernement provisoire… ) interrompus par une succession de coups d'État consacrant, dans la durée, la supprématie de régimes autoritaires sur l'émergence d'une véritable démocratie.

Qu'on en juge :

Juin 1793

Au prétexte de la guerre contre "les ennemis de la nation", coup d'État des Montagnards (Robespierre, Danton, Marat) : arrestation des députés girondins et mise en place d'un gouvernement révolutionnaire de "Salut Public". (prototype des unions nationales et autres unions sacrées face à un ennemi fort opportun…)

C'est la Terreur, premier naufrage de la démocratie sur le territoire de l'ancien royaume de France.

20 brumaire 1799.

De retour de sa campagne au Proche-Orient, aussi sanglante que désastreuse (échec de la campagne de Syrie… déjà), et profitant de l'affaiblissement du Directoire, le général Bonaparte obtient la soumission des Assemblées.

C'est le Consulat, prélude à la dictature impériale et à l’expansion de l’empire colonial français

10 juillet 1940

Au prétexte de rétablir une autorité française et d'amoindrir les rigueurs de l'occupation par les troupes du IIIe Reich, l'Assemblée nationale (Chambre des députés et Sénat) - par 569 voix pour (dont 2/3 de députés SFIO) et 80 voix contre - adopte la révision des lois constitutionnelles régissant la Troisième République et attribue les pleins pouvoirs au maréchal Philippe Pétain, président du Conseil.

"L'État français" succède à la République. On connaît la suite.

28 mai 1958

Prenant prétexte d'une menace de guerre civile provoquée par les tenants de l'Algérie, française, de Gaulle exige des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, les pleins pouvoirs, la mise en congé du Parlement et une nouvelle Constitution taillée sur mesure. Devant l’opposition du député breton Le Troquer (PCF), de Gaulle répond : « Eh bien… si le Gouvernement vous suit, je n’aurai pas autre chose à faire que vous laisser vous expliquer avec les parachutistes ...

Le 1er juin 1958, le Président Coty appelle de Gaulle au pouvoir et lui demande de constituer un «Gouvernement de salut national » et de procéder à une réforme profonde des institutions. Le lendemain est votée la loi ouvrant la voie à l’élaboration d’une nouvelle Constitution.

Ce sera celle d'un régime présidentiel, de type bonapartiste : la Ve République.

19 novembre 2015

Dans le climat émotionnel des sanglants attentats terroristes du 13 novembre, l'Assemblée nationale presqu'unanime (PCF, PG et verts compris) vote la prolongation pour 3 mois de l'État d'urgence. François Hollande fait mieux que Pétain : seuls 6 député(e)s s'opposent au reniement de principes aussi fondamentaux de tout État démocratique que la liberté d'association, la liberté d'expression et la présomption d'innocence :

- Perquisitions administratives à toute heure du jour et de la nuit (la police shunte le pouvoir judiciaire),

- Interdiction des manifestations et rassemblements politiques jugés attentatoires à l'ordre public par le ministère de l'Intérieur, la manif parallèle à la COP21 pour commencer… (l'État d'urgence provisoire n'avait cependant pas empêché le préfet du Mobihan d'autoriser la manifestation de l'extrême droite, le 14.11 à Pontivy contre l'accueil des migrants en Bretagne…),

- Dissolution des associations suspectes d'attenter au même ordre public (Manuel Valls s'en prendra-t-il aux nervis du Bloc Identitaire, d’Adsav ou de la LDJ ? Les paris sont ouverts…),

- Déchéance de nationalité ( ?!)*

- Armement des polices municipales (bonjour les shérifs),

- Armement des policiers en dehors du temps de service (bonjour les bavures),

….

Honneur à Pouria Amirshahi, Gérard Sebaoun, Barbara Romagnan, Fanélie Carrey-Conte, Sergio Coronado, Isabelle Attard et Noël Mamère pour n'avoir pas cédé à l'hystérie sécuritaire ambiante ni signé un chèque en blanc à la dérive totalitaire du pouvoir politique.

Le ministère de l’Intérieur reçoit avec intérêt, la demande du Syndicat National des Agents Privés de Sécurité (SNAPS) de pouvoir disposer d’un armement létal afin de contribuer au dispositif sécuritaire…

Manuel Valls s’empresse de réclamer, à grands coups de menton mussoliniens, une remise en cause de l'espace Schengen et un retour à la fermeture des frontières françaises.

François Hollande, conforté dans son pouvoir présidentiel annonce déjà un projet de révision constitutionnelle permettant l'instauration d'un "Régime civil d'État de crise"

Protectionnisme, souverainisme, sécuritarisme, totalitarisme, interventionnisme et aventurisme militaires, voici venir le dernier né des rejetons du Comité de Salut public.

L’idéal républicain, porté sur les fonds baptismaux en 1755 par Pasquale Paoli en Corse, avec le soutien de Rousseau et de Voltaire est décidément bien loin de cet avatar de la monarchie absolue qu’est la « république française », depuis 1793 et jusqu’à aujourd’hui. Quand donc les citoyens de cet État mettront-ils fin à cette usurpation pour pouvoir, enfin, renouer avec le premier ?

*

Rien n'est plus subjectif, instable et incontrôlable que le concept de nation, cette "libre (?) adhésion à une communauté de destin".

Car si la "nation" repose sur le libre choix des appartenances, personne ni aucun pouvoir ne peut déchoir quelqu'un de sa nationalité, non seulement parce que cette communauté n'est pas autre chose qu'une représentation qu'un être humain se fait de sa place parmi les autres, mais parce que prétendre l'en déchoir reviendrait à révéler le caractère formel et contraint de ladite nation.

C'est bien le cas de la « nation française » pour des milliers de citoyens français dont le sentiment d'appartenance va d'abord aux peuples basque, breton, catalan, caribéen, corse, kanak, polynésien, réunionais... (liste non exhaustive) ; que cette appartenance soit reconnue ou non par quelque autorité que ce soit, et quels que soient leurs ascendants ou le lieu de leur naissance.

 La citoyenneté, elle, est bien différente : c'est un fait juridique qui n'appartient pas à celui qui en jouit. l'État dont il ressort peut donc l'en déchoir.

Sans doute est-ce de cela que l'on veut parler.

Mais on ferait certainement mieux obstacle au monstre qu'engendre cette confusion - le nationalisme - si on en finissait enfin avec cette tradition bien française qui consiste à confondre le droit et l'affect, comme pour mieux nier la pluralité des appartenances et transformer les citoyens en foule tricolore brâmant des chants sanguinaires.

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